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Who is America: un coup sous la ceinture de Sacha Baron Cohen

Who is America?
Who is America? Photo: Showtime

Dimanche, Showtime dévoilait un nouveau projet du controversé humoriste britannique Sacha Baron Cohen, l’homme derrière Borat et Ali G à l’époque. Il s’agit ici d’un retour à la télé pour l’ancien Ali G qui a quitté les ondes en 2004.

Who is America, c’est une série de sept épisodes où Cohen retourne à ses manigances du temps du Ali G Show en tentant d’exposer les travers de l’Amérique: il exacerbe d’extrêmes convictions en utilisant les voix caricaturales de ses personnages colorés. Dans ce premier épisode, Cohen dévoile les quatre personnages: Billy Wayne Ruddick Jr, un conspirationniste de l’extrême droite, Nira Cain-N’Degocello, un bohème de l’extrême gauche, Rick Sherman, un artiste criminel et finalement Erran Morad, un expert Israélien du terrorisme. C’est d’ailleurs ce dernier qui produira, au final, la capsule la plus intéressante de ce premier épisode.

En 2018, avec le recul, on peut comprendre la motivation de Sacha Baron Cohen. Il fait un retour aux sources dans sa démarche. En 2004, quand Ali G conduisait des entrevues avec des figures publiques, on attendait le moment de révélation où la «victime» se mettrait les pieds dans les plats en endossant les propos du G, ou de Borat ou des autres personnages de Cohen. C’était avant les médias sociaux et, surtout, avant le cirque médiatique de l’après-Trump aux États-Unis.

La comparaison des contextes, ici, n’est pas anecdotique.

En 2004, Sacha Baron Cohen était capable de faire dire aux gens publiquement ce qu’ils n’osaient pas dire tout haut. Quand Borat a fait chanter en cœur une ritournelle dans un bar incitant les gens à lancer des juifs dans un puits, on vivait le malaise de découvrir cette intolérance dans sa plus pure expression. Comme quoi un refrain accrocheur suffisait pour extraire toute la laideur du monde sans que personne ne bronche.

En 2018, par contre, les propos extrêmes ne détonnent plus puisqu’ils font partie du paysage médiatique. Entendre des militants de la NRA réclamer des professeurs armés dans les écoles pour contrer les tueries, c’est presque rendu banal (même si c’est encore spectaculairement inquiétant). Alors, faire dire à des élus au Congrès qu’on devrait armer des enfants d’âge préscolaire, même si c’est un drôle de malaise, c’est moins surprenant. On pourrait même dire que c’est normal, dans la mesure où la normalité est détraquée.

Sacha Baron Cohen ne provoque plus la même onde de choc sauf que d’un autre côté, cette absence de surprise de notre part valide son point. L’Amérique actuelle est fracturée et il ne faudra qu’une allumette bien placée au bon moment pour que les choses prennent un virage irréversible.

Sachant tout cela, est-ce qu’on visionne ou non Who is America?

Personnellement, j’ai déjà hâte au prochain épisode, ne serait-ce que pour voir jusqu’où il peut aller avec cette expérience. Rien qui sera dit ne sera plus choquant que quelques heures devant Fox News, par exemple, mais la contextualisation particulière de Cohen offre une perspective intéressante. Après tout, l’humoriste britannique est un observateur distant de l’Amérique et il a vécu l’avant et l’après-Trump, tout comme il a vécu la gloire durant l’ascension de George W. Bush et l’apparition d’une crainte de l’autre démesurée après le 11 septembre 2001.

C’est, dans l’humour et la satire, un testament fascinant d’une nation qui ne représente plus le rêve américain, mais peut-être le début d’un long cauchemar duquel les plus privilégiés de la population (le fameux 1%) seront épargnés.

À voir sur CraveTV et The Movie Network au Canada.

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