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Alaclair Ensemble dans tous les sens

Photo: Loic Fortin/Collaboration spéciale

Le collectif Alaclair Ensemble relance les hostilités avec Le sens des paroles, un album au nom évocateur, aux rythmes trap puissants et à la prose abstraite et engageante.

Si Le sens des paroles porte des beats très modernes qui tirent sur le trap, contrastant fortement avec les vibrations old school des Frères cueilleurs, l’acclamé précédent opus, le rappeur et membre d’Alaclair Odgen (aussi connu sous le nom de Robert Nelson) affirme que les deux projets ont plus en commun que ce que la première écoute laisse présager.

«Quand on compare Le sens des paroles avec le premier album, qui allait vraiment dans tous les sens, on constate qu’on est plus dans une certaine forme de continuité thématique avec Les frères cueilleurs», explique-t-il au bout du fil.

«On essaie de maîtriser toutes les façons de faire du rap. C’est pas une idéologie, c’est plus que ça nous tente de faire des choses et qu’on les fait», précise-t-il, insistant sur le fait que le développement de ces nouvelles sonorités, fruits du cerveau de Vlooper, n’a pas été prémédité.

L’album a été enregistré sur une durée d’un an, entre les chambres d’hôtel en tournée, au chalet d’Ogden et au studio de Vlooper. «C’était un laboratoire. Il y a mille et une approches qui ont été utilisées sur chaque morceau», précise-t-il.

«On se met à faire de la musique, et ce qui émerge émerge. On n’est pas en conflit avec le new school et le old school, on ne sent pas qu’il faut choisir un camp.» -Ogden, alias Robert Nelson

On entendra sur Le sens des paroles de cuisantes attaques verbales lancées à gauche et à droite. «T’arrives souvent dans le rap avec l’intention de tout péter. C’est un dénominateur commun chez tout le monde, peu importe tes propos», lance Ogden en parlant du brag, qui met en évidence l’ego souvent très proéminent des rappeurs, une composante essentielle de ce style musical.

«C’est dans l’ADN du rap, c’est une musique de performance, c’est une musique sportive, t’as pas le choix d’essayer d’être compétitif, déclare Ogden. Tu fais le gorille, et le plus fort l’emporte.»

On sent, sur Le sens des paroles, une volonté de célébrer les accomplissements d’Alaclair Ensemble, de se dire qu’ils sont allés loin et qu’ils ont réussi, tout en regardant en arrière et en pensant à ceux qui les ont vus grandir et qui les suivent depuis le début. «Ça c’pas créé dans un lab / Ça l’a poussé dans l’strit / C’cazi réglé / Fuck that ! C’est damn réglé / Depuis l’temps où on s’battait / Pour des pétards à mèche à la récré / Pis aux Coop / Ste-Foy ou St-Roch devant l’Dunkin Donut.»

«On vieillit, la plupart des membres du groupe ont une vie familiale, il y a une nostalgie, mais aussi une volonté de célébrer, de faire un shout out à ceux qui nous voient aller depuis un bout, qui nous connaissent, qui connaissent l’envers du décor», raconte Ogden.

«L’agneau sacrifié check les veaux rappliquer / M’a merk le texte comme un burger trop sec moi pas dur à flipper / J’ai braqué des cams sur ta gueule 24 sur 24, j’t’ai trumanisé / Ghee, j’ai l’argent du beurre et le beurre / J’voulais juste clarifier»: si les premiers contacts avec le verbe d’Alaclair Ensemble peuvent laisser pantois, Ogden assure que les mots choisis ne sont pas anodins.

«J’ai jamais souscrit à la notion selon laquelle on était décalés ou absurdes. Au contraire, je pense qu’on est surtout poétiques. C’est pas parce qu’on comprend pas instantanément ce qu’on dit que c’est juste absurde pis que ça veut rien dire, argue-t-il. C’est à ça que ça ramène, Le sens des paroles

Abstrait, donc, mais toujours ancré dans les petits moments, les détails de la réalité. Alaclair, qui compte, en plus d’Ogden et Vlooper, les rappeurs KNLO, Maybe Watson, Claude Bégin et Eman, aborde des sujets comme la nutrition, la famille, l’amitié et même le suicide.

«Le quotidien n’est jamais clair, facilement identifiable, et c’est à la réalité qu’on essaie d’être fidèles», affirme Ogden, qui trouve surprenante la réaction des gens qui s’étonnent de voir ces thèmes se retrouver sur un morceau de rap. «Tu manges tous les jours de ta vie, c’est pas un sujet surprenant, au contraire, c’est très naturel! s’­exclame-t-il. D’un autre côté, tout le monde est touché de près ou de loin par la maladie mentale, le suicide.»

«Au sens large, c’est avoir une approche où on peut parler de ces choses-là sans faire une chanson dramatique. C’est dresser un portrait de choses qu’on voit et qu’on ressent», tranche Ogden, pour qui la métaphore et l’abstraction sont plus efficaces que l’expression explicite d’une idée.

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