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Mon sosie a 2000 ans: face à face avec l’antiquité

Photo: Marie-Josée Marcotte/Collaboration spéciale

De la sculpture antique à l’égoportrait – c’est à une grande réflexion sur l’image et la représentation de soi que nous invite l’exposition Mon sosie a 2000 ans, présentée au Musée de la civilisation, à Québec.

Les prémisses de l’exposition sont à la fois simples et ambitieuses: trouver un sosie vivant à une vingtaine de sculptures antiques provenant des voûtes du Musée d’art et d’histoire de Genève, partenaire de l’événement.

Pour ce faire, le Musée de la civilisation a lancé en 2016 un vaste appel au public, dont le résultat a dépassé toutes les attentes. Plus de 100 000 personnes du monde entier – du Québec, du Canada, des États-Unis, mais également d’aussi loin que de la Russie et de l’Afrique du Sud – ont envoyé une photo de leur frimousse via une plateforme en ligne.

De ce nombre, 25 ont été sélectionnés, notamment grâce à un logiciel de reconnaissance faciale, pour prendre la pose devant l’objectif du photographe montréalais François Brunelle. Dans son studio, cet «obsédé» des sosies a tout mis en œuvre (coiffure, maquillage, éclairage) pour reconstituer le faciès de ces Romains, Grecs et Égyptiens morts depuis longtemps.

Par exemple, Julia Baribeau, de Waterloo, en Ontario, s’est retrouvée face à son double, une jeune femme gréco-romaine ayant vécu aux alentours de l’an 180 après Jésus-Christ.

«C’est probablement la chose la plus bizarre qui me soit arrivée, raconte en rigolant l’étudiante en robotisation de 17 ans. C’est un vrai choc de voir ces photos.»

D’autres ont vu leur visage être comparé à ceux de grandes figures antiques comme Appolon, dieu grec de la beauté, ou le penseur Démosthène.

Au-delà de la fascination qu’exerce cette juxtaposition du passé et du présent, l’exposition permet de réfléchir sur l’art du portrait et la place qu’occupe l’image dans notre société.

«L’expo permet de mettre en valeur des éléments purement archéologiques, mais aussi d’informer sur les modèles et leur histoire, explique Coline Niess, chargée de projet de l’exposition. Mais si on conjugue l’ensemble, c’est tout le rapport à l’image, à la reconnaissance de soi qu’on questionne. Ça questionne beaucoup le concept d’identité à l’ère actuelle, toujours en écho à ce qui avait cours durant l’Antiquité.»

«C’est une façon de valoriser notre collection, mais aussi poser un regard neuf sur ces œuvres, estime de son côté Béatrice Blandin, conservatrice au Musée d’art et d’histoire de Genève. L’association de ces visages modernes et antiques n’avait encore jamais été faite.»

«Le recours aux sosies nous rappelle l’humain derrière ces sculptures. C’étaient des gens bien réels, bien vivants, qui ont vécu des joies et des peines comme nous aujourd’hui.» –Béatrice Blandin, conservatrice au Musée d’art et d’histoire de Genève

Si aujourd’hui la technologie permet à tout un chacun de multiplier les autoportraits, chez les Anciens, se faire tirer le portrait était réservé à une certaine élite.

«Ceux qui avaient accès à l’image de soi, par le biais d’un portrait, d’une sculpture, ou d’une peinture, c’étaient avant tous des gens nantis. Des notables ou des gens qui avaient une influence politique ou philosophique à l’époque. On parle d’une très petite quantité de gens. Avec l’apparition du médium photo, ça s’est complètement démocratisé. Mais selon moi, le rapport à soi n’a pas changé», croit Coline Niess, dont le propre fils, Milo, se retrouve parmi les sosies sélectionnés.

«On existe dans le regard de l’autre, on a besoin de la validation de l’autre. Publier un selfie, c’est aussi une validation de soi-même, c’est un partage du Moi intime.»

En plus d’être immortalisés par l’appareil photo de François Brunelle, les participants ont vu leur visage être immortalisé sous forme de masque 3D par une équipe d’épithésistes du CHU de l’Université Laval.

«C’est une façon de faire dialoguer le portrait contemporain avec le portrait antique, affirme Coline Niess. C’est audacieux d’ériger au statut d’œuvre d’art un objet purement sériel et contemporain qui va venir en dialogue avec une œuvre qui, elle, a traversé le temps et a une valeur patrimoniale et historique énorme.»

Un moyen aussi d’assurer une certaine postérité à ceux qui sont représentés.

«Quand j’envoie des photos de moi à mes amis sur Snapchat, ça dure à peu près 10 secondes et ça disparaît. Ces statues durent depuis des millénaires. Elles ont nécessité du temps et de l’argent, fait remarquer Julia Baribeau. Ce sont deux processus différents. Mais ils sont similaires dans le fait qu’on veut s’immortaliser. Avec des photos, on peut aussi faire vivre notre image, notre identité des années après notre mort.»

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