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Ça ne se demande pas: Parler de handicaps sans filtre

«Faites-vous pitié? Avez-vous une vie sexuelle? Pouvez-vous vous laver seul?» Voilà quelques questions auxquelles répondent les personnes en situation de handicap dans la série documentaire Ça ne se demande pas.

Les invités de l’émission s’installent sur un tabouret, devant une toile blanche. L’intervieweuse et réalisatrice Estelle Bouchard se tient hors de l’objectif, plongée dans l’ombre. Elle leur demande de s’adresser directement à deux caméras superposées qui disparaissent au fur et à mesure qu’on s’immisce dans leurs confidences, comme si on se retrouvait pour une tasse de thé dans l’intimité d’une maison au lieu d’être dans l’ambiance austère d’un plateau de télévision.

De la petite taille à l’autisme, en passant par l’amputation et la trisomie, chaque épisode regroupe des hommes et des femmes qui partagent un handicap, mais pas nécessairement le même point de vue.

Ils pigent dans une pile recueillie auprès du public les questions de l’entrevue. Tantôt comiques, tantôt indiscrètes, celles-ci confrontent les tabous et démystifient leur quotidien.

La productrice Sylvie-Anne Martel et la réalisatrice Estelle Bouchard, qui ont adapté le format australien You Can’t Ask That, se disent étonnées de la fréquence à laquelle les participants sont interrogés sur des facettes intimes de leur existence. Sous le couvert de l’anonymat ou non, «on aborde ces sujets avec eux tout le temps». Et la réponse est souvent plus banale qu’on pense.

«On réalise finalement qu’ils mènent une vie comme tout le monde: ils sortent, ils ont des amis et des amoureux, ils veulent fonder une famille», constate Estelle Bouchard.

«Le handicap est devenu un symbole de limitation intellectuelle, alors, sans s’en rendre compte, on parle aux personnes dans cette situation comme si elles étaient des enfants.» – Sylvie-Anne Martel, productrice de la série documentaire Ça ne se demande pas 

Donner un visage
Pendant les entrevues, plusieurs ont confié à l’équipe se sentir invisibles dans les médias. Le format en tête à tête met en lumière l’humain derrière les revendications et les efforts de sensibilisation dans la sphère publique.

«Ce sont souvent des organismes qui parlent au nom de ces personnes, alors qu’ici elles ont la chance de s’exprimer sans le filtre d’une association», note Estelle Bouchard.

Les recherchistes ont de plus pris soin de représenter différentes générations et divers profils, sans chercher la parité à tout prix, selon la réalisatrice. Entièrement québécois, le bassin compte entre autres un immigrant du Maroc, un non-voyant d’origine chinoise et des résidants de régions diverses de la province.

Sylvie-Anne Martel pense que les personnes en situation de handicap sont marginalisées, parce qu’on projette sur elles l’inquiétude à l’idée de vivre avec cette incapacité.

«On se dit que si on était paralysé, on ne pourrait plus rien faire, ou que ça doit être dur de ne plus avoir l’usage de ses yeux. Or, la barrière se crée à partir de ce malaise à l’égard d’une personne pour qui c’est pourtant devenu la normalité. C’est donc par les yeux des gens “typiques” que le préjugé existe, parce qu’ils ne sont pas exposés à d’autre normalité que la leur», explique la productrice.

Pour l’avenir, Sylvie-Anne Martel désire que la série documentaire attise l’envie d’inclure plus de gens en situation de handicap dans l’industrie du divertissement. «J’aimerais beaucoup qu’ils jouent un rôle ou animent plus souvent des émissions qui ne leur sont pas nécessairement destinées. Il faut les voir, et pas seulement pour parler de leur invalidité. J’espère que le projet créera ce déblocage et que d’autres producteurs les placeront sous les projecteurs», souhaite-t-elle.

L’émission Ça ne se demande pas est diffusée sur AMI-télé dès lundi, à 20h, et en ligne à amitele.ca.

Destinées à un auditoire malvoyant, les émissions d’AMI-télé sont présentées avec vidéodescription et sous-titrage codé.

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