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L’expo de Yoko Ono dont vous êtes le héros

Yoko Ono devant son Oeuvre de réparation, qui invite le public à transformer les fragments de céramique brisée en objet. Photo: Studio One

Pionnière de l’art conceptuel, Yoko Ono est la première artiste à avoir aboli la frontière entre l’art et le public. La rétrospective Liberté conquérante que lui consacre la Fondation Phi le démontre bien, faisant une place de choix à ses œuvres participatives.

On connaît tous Yoko Ono comme étant la femme de l’ex-Beatles John Lennon. Mais bien avant de rencontrer son célèbre mari, en 1966, l’artiste d’origine japonaise se produisait dans les plus grandes villes du monde et avait déjà révolutionné l’art contemporain, rien de moins.

Liberté conquérante nous apprend­ d’ailleurs que Yoko Ono a fait une première performance à Montréal en 1961, à l’invitation de Pierre Mercure.

Alors qu’on célèbre cette année les 50 ans du bed-in que le couple mythique a tenu dans la suite 1742 de l’hôtel Reine Élisabeth, la Fondation Phi présente une rétrospective de l’imposante œuvre de Yoko Ono, qui cimente son statut de pionnière.

«Elle a bouleversé la notion de l’art en inventant les instructions, ces œuvres qui ne sont que du texte», explique un des deux commissaires de l’exposition, Gunnar B. Kvaran.

Formée en musique et en philosophie, l’artiste qui a grandi entre Tokyo et New York a d’abord été poète. «Elle a fait tomber les barrières entre les disciplines et décloisonné l’art», affirme une autre commissaire, Cheryl Sim. Cette multidisciplinarité se retrouve dans ses instructions, auxquelles est consacrée la première partie de l’exposition, présentée sur quatre étages.

Quelques exemples des consignes empreintes de poésie éparpillées sur les murs du musée : «Écoutez un cœur battre», «Riez pendant une semaine», «Toussez pendant un an», «Volez».

En plus de participer en usant de leur imagination, les spectateurs sont carrément invités­ à intervenir dans les productions, par exemple en brossant un trait de peinture sur un canevas blanc, en cognant un clou sur une toile à l’aide d’un marteau ou encore en grimpant dans une échelle, au sommet de laquelle un mot les attend.

«Son œuvre est hyper ludique! s’enthousiasme Cheryl Sim. C’était radical, les instructions à l’époque. C’était très révolutionnaire, et ça l’est encore aujourd’hui.»

Ce à quoi la commissaire invitée Caroline Andrieux ajoute ceci : «Elle a été la première à déléguer la fabrication de l’œuvre au public.»

Pour la petite histoire, le concept des instructions est apparu à Yoko Ono au Japon, en pleine Deuxième Guerre mondiale. «Elle et son frère avaient tellement faim qu’ils ont imaginé un sandwich au thon», relate Mme Andrieux.

Au fur et à mesure qu’on parcourt l’exposition, l’engagement social, politique et féministe de Yoko Ono prend forme. Au troisième étage, un mur entier est tapissé de témoignages de femmes ayant vécu une forme de violence. Encore ici, ces récits découlent d’une instruction transmise au public par l’artiste : «Écrivez un témoignage sur toute violence que vous avez subie en tant que femme. Transmettez une photo de vos yeux et de votre récit.»

Un deuxième mur, vide au moment de notre visite, se remplira de nouveaux témoignages. Les commissaires indiquent en avoir reçu plus de 400 déjà.

Célèbre inconnue

John Lennon a déjà décrit Yoko Ono comme «la plus célèbre des artistes inconnues». L’exposition Liberté conquérante remédie à la situation. Ainsi, ce n’est pas un hasard si l’œuvre solo de l’artiste aujourd’hui âgée de 86 ans est présentée avant celle qu’elle a créée en duo avec son amoureux, qui se trouve dans la deuxième partie de l’exposition. «On voulait montrer que la pratique de Yoko est à l’origine de leur collaboration», explique Cheryl Sim.

Dans ce deuxième édifice de la Fondation Phi, on découvre en ordre chronologique la création artistique du couple, basée sur leur engagement en faveur de la paix dans le monde. Une importante partie est consacrée au bed-in de 1969.

Dans le même esprit participatif que Les instructions de Yoko Ono, ce volet baptisé L’art de John et Yoko invite le public à se balader avec une paire d’écouteurs, qu’il est possible de brancher à divers endroits pour écouter les témoignages de Québécois ayant assisté au bed-in, des entrevues accordées par Yoko Ono et John Lennon ou encore leurs albums de musique.

Les spectateurs sont aussi invités à ouvrir une trentaine de portes de casier le long d’un mur, à l’intérieur desquelles se cachent des artefacts, des coupures de journaux et d’autres souvenirs de leur passage à Montréal. Avec ses installations vidéo, ses nombreuses photos et ses enregistrements sonores riches en anecdotes, cette partie de l’exposition permet de vivre le bed-in comme si on y était, ou presque.

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