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L’envolée des cœurs brisés

Catherine Lavoie et Michel-Maxime Legault. Photo: Josie Desmarais/Métro

D’après le classique de Tchekhov, la pièce Cr#%# d’oiseau cave examine notre dépendance au regard de l’autre.

C’est durant un voyage à Chicago­ en 2015 que Catherine Lavoie découvre l’irrévérencieuse adaptation de La mouette par Aaron Posner. Ce dernier appartient à une jeune génération de dramaturges jouant avec les codes du théâtre américain classique. Sous le charme, la comédienne persuade Michel­-Maxime Legault d’importer la pièce au Québec.

Le triangle amoureux de Tchekhov est immortel pour son réalisme: David s’éprend de Macha, Macha voit Conrad dans sa soupe et Nina n’a d’yeux que pour Trigorine… Qui ne s’est pas déjà empêtré dans une telle impasse sentimentale?

Cette course absurde de l’amour à sens unique cohabite avec une quête de gloire nourrie par le star-système. «Pourquoi sommes-nous si impressionnés par les vedettes, même celles qui le sont sans savoir pourquoi? Q’est-ce qui vaut plus, le talent ou la notoriété? Sommes-nous meilleurs si nous sommes populaires?» demande Catherine Lavoie.

Le duo s’est d’ailleurs entouré de grosses pointures comme Danielle Proulx et Robert Lalonde, qui interagissent avec des artistes moins connus du grand public.

Sans décors ni costumes à l’appui, c’est à se demander si ce sont eux-mêmes ou leurs personnages qui prennent la parole. «Ils racontent leur version du succès en tant que comédiens, ce qui porte à confusion, puis on se rend compte que ce n’est pas Danielle Proulx qui nous parle, mais bien l’héroïne qu’elle incarne», note Michel-Maxime Legault.
La décision de dépouiller la scène s’explique aussi par des frustrations précédentes. «J’étais tanné de payer des techniciens et des décors pour ensuite donner aux comédiens un chèque ridicule», dit-il.

Briser le quatrième mur

«Ça commence-tu, la crisse de pièce?» s’exclame un comédien. La réplique tonitruante s’adresse au public. Il revient à ce dernier de décider quand l’histoire peut débuter. Cr#%# d’oiseau cave fait ainsi disparaître le quatrième mur, c’est-à-dire la barrière imaginaire séparant les spectateurs des artistes. «La scène ne devient toutefois pas un forum. Les spectateurs.trices ne sont pas invités à monter sur les planches, mais ils peuvent intervenir à tout moment. Ils ont le pouvoir de le faire», affirme le metteur en scène.

La distribution bénéficie aussi de ce choix de mise en scène. «Quand ça fait une vingtaine de fois qu’ils récitent le même texte, les comédien ont tendance à s’isoler du public», constate Michel-Maxime Legault. «Les interventions du public freinent la tendance du milieu théâtral à s’autogargariser. Ce n’est pas un spectacle nombriliste», ajoute Catherine Lavoie.

Pas besoin non plus d’avoir lu ou vu Tchekhov pour apprécier la pièce. «C’est très contemporain et ludique, confirme la comédienne. On baigne dans 2019 avec des références allant du Cirque du Soleil à la crise environnementale, en passant par les médias sociaux.»

Le texte est toutefois loin de jeter le blâme sur ceux-ci. «Nous ne montrons pas du doigt l’iPhone pour nos déboires amoureux. Nous explorons plutôt, par la technologie, ce qui attire tant les humains vers le regard des autres», nuance-t-elle.

Qu’il brûle pour une célébrité ou un collègue, «l’amour fait mal. Il engendre des conséquences, dans toute la beauté et la laideur de ce sentiment», conclut Michel-Maxime Legault.

Au théâtre de La Licorne, du 30 avril au 25 mai.

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