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Guillaume Wagner: «Ça demande du courage» de changer

Photo: Josie Desmarais/Métro
Marie-Lise Rousseau - Métro

Dans son troisième spectacle solo, Guillaume Wagner troque le cynisme contre le positivisme. Question de ne pas foncer dans le mur. Question d’améliorer un tant soit peu le monde dans lequel on vit. Entrevue. 

Qu’est-ce que le titre de votre spectacle, Du cœur au ventre, signifie pour vous?
Au départ, je voulais carrément appeler ça Courage, mais je trouvais ça un peu… bleh! J’ai plutôt essayé d’évoquer le courage. Je trouve qu’il y a quelque chose d’extrêmement poétique dans l’expression «du cœur au ventre». Ça évoque un beau courage, celui qui est utile, positif, qui part du cœur, qui nous pousse à faire des gestes par amour.

Comment abordez-vous le courage dans ce spectacle?
J’émets beaucoup de critiques sur scène. Je critique la société, nos comportements, notre rapport avec les réseaux sociaux, le fait qu’on est obsédés par l’image, etc. Je critiquais beaucoup aussi dans mes autres spectacles, mais pour celui-ci, je me suis dit que ça serait bien de terminer sur une note positive, de dire aux gens: on peut être autre chose. Ça demande du courage, mais c’est ce dont on a besoin en tant que société. Le mur, il est devant nous! (Rires) Ça prend du courage pour prendre une autre direction afin de ne pas foncer dedans!

Essayez-vous de fournir des pistes de solutions pour les enjeux qui vous préoccupent?
Je ne prétends pas avoir de solution, mais ça va nous prendre le courage d’en essayer. Je ne voulais pas tourner en rond et répéter les mêmes choses que dans mes derniers spectacles. Et puis, j’ai un enfant maintenant. Donc, j’essaie que ce soit plus positif, que ce ne soit pas juste cynique.

«Je ne suis ni philosophe, ni sociologue, ni anthropologue. Je suis seulement un humoriste qui donne son opinion. L’humour, c’est ça: c’est un point de vue» –Guillaume Wagner

Qu’est-ce que l’arrivée de votre enfant a changé dans votre façon de faire de l’humour?
Ce spectacle a été écrit avant sa naissance, sauf les 10 premières minutes, où je parle de lui, justement. Parce qu’après sa naissance, je n’aurais pas pu écrire sur autre chose! Je ne lisais plus, je n’écoutais plus les nouvelles, je n’étais plus au courant de rien. Il y avait juste lui dans ma vie. Son arrivée a changé la ligne directrice de mon spectacle. Maintenant, la structure s’oriente autour de cet enfant: qu’est-ce qu’on va lui léguer en tant que société? Qu’est-ce que je veux qu’il retienne? Quelles valeurs est-ce que je veux lui transmettre? Dans quel monde aimerais-je qu’il vive?

Sur scène, vous parlez notamment des gens qui rient des végétariens, comme si se nourrir au PFK rendait plus fort. Qu’est-ce qui vous inspire dans ce genre de contradictions?
C’est dans cette complexité que l’être humain est le plus intéressant. Les gens ont souvent la perception que mon humour est très carré et que je fais la morale, mais quand je fais des critiques, je m’autocritique aussi. J’ai des contradictions, car c’est impossible d’être parfait, mais ce n’est pas une raison pour dire: «Tout le monde a des contradictions, faque on peut faire ce qu’on veut.» C’est complètement absurde de penser comme ça! Justement, on a des contradictions: analysons-les et essayons de nous comprendre. L’humour se trouve dans cette tension.

Vous abordez également le féminisme et la culture du viol. Dans un segment, vous vous adressez aux hommes qui font du harcèlement de rue. Comment avez-vous été inspiré par le mouvement #MoiAussi?
Je me suis demandé comment je pouvais aborder ce sujet qui ne m’appartient pas. Je sentais que ça n’avait pas vraiment rapport que je parle de ça, puis je me suis dit: je suis considéré comme très «gars, gars», dans le sens où mon humour est un peu viril, rentre-dedans et grande gueule. Comme il y a de ce genre de gars dans mes salles et qu’ils me respectent, j’ai décidé de leur parler et aussi de me parler à moi, car on a tous une certaine masculinité toxique en nous.

Vous lancez aussi quelques flèches à certains humoristes dans ce spectacle, notamment à Jay Du Temple pour avoir animé O.D. et à Jérémy Demay pour avoir écrit des livres de croissance personnelle. Avez-vous beaucoup d’amis parmi vos collègues?
(Rires) Je suis président d’un festival d’humour [le Dr. Mobilo Aquafest], alors j’ai une couple d’amis! Jay Du Temple, je lui en avais parlé avant, et c’était correct. Et Jérémy Demay, ce n’est même pas méchant, c’est juste des blagues de croissance personnelle. Je suis sous la loupe maintenant aussitôt que je nomme des noms, les gens les prennent en note comme s’il y avait des guerres tout le temps!

C’est vrai que je suis souvent critique avec mes collègues, parce qu’on a beaucoup de pouvoir et des fois, la manière de se servir de ce pouvoir peut être irresponsable. Je pense qu’on a le devoir d’être introspectif, de s’analyser et de se critiquer.

Ce serait facile d’être toujours complaisant entre collègues…
Je trouve qu’on l’est quand même pas pire, et c’est plate. Ce n’est pas honnête non plus. C’est bizarre : l’humour sert à enlever un peu de pouvoir à ceux qui en ont trop, mais c’est nous qui en avons le plus! (Rires)

Une autre contradiction…
Oui! C’est pour ça que des fois je tape sur des collègues. Je considère qu’il y a certains comportements inacceptables.

Vous dites-vous parfois que vous êtes allé trop loin?
Oui, c’est sûr! Par exemple, dans l’affaire à propos de Martin Matte [Wagner avait critiqué son association publicitaire avec les supermarchés Maxi]. Je ne regrette pas les blagues que j’ai faites, mais toute la réponse sous l’impulsion du moment, c’était mal maîtrisé, ce n’était pas nécessaire, même si je pense encore tout ce que j’ai dit. J’ai moi-même fait dévier le débat et c’est devenu une guerre d’ego. Ce n’était pas ce que je voulais qu’on retienne de tout ça. Cela dit, je trouve drôle qu’on accroche quand je dis quoi penser, mais pas quand on nous dit quoi acheter. Personne n’a de problème avec ça, alors que c’est beaucoup plus violent.

Vous êtes-vous assagi? Vous faites moins de prises de parole cinglantes depuis un certain temps…
Il ne se passe pas grand-chose sur ma page Facebook! J’ai arrêté après l’affaire Gilbert Rozon. J’ai trouvé que je ne me servais pas de ma voix de la bonne façon. J’aime mieux me concentrer pour être le meilleur possible sur scène et mettre toute mon énergie créative là-dedans, et non sur des petits statuts comme je le faisais avant. J’ai compris à quel point les réseaux sociaux pouvaient être nocifs, toxiques et contre-productifs.


Du cœur au ventre
Rentrée montréalaise le 8 mai au Théâtre Outremont, dans le cadre du festival
Dr. Mobilo Aquafest

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