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Rufus Wainwright: Retour au chapitre 1

Rufus Wainwright Photo: Tommaso Boddi/Getty Images

La foisonnante carrière de Rufus Wainwright est comme un roman comportant de nombreux chapitres. Après s’être consacré à l’écriture d’opéras, de trames sonores et avoir transposé des sonnets de Shakespeare en chansons, le musicien retourne au premier chapitre de son parcours avec sa tournée All These Poses, dans laquelle il revisite le répertoire de ses débuts.

Voilà 20 ans déjà que le musicien, alors âgé de 25 ans, faisait paraître un premier album éponyme salué par la critique – sacré Meilleur premier album en 1998 par le magazine Rolling Stone – sur lequel se trouve notamment l’entraînante April Fools.

Depuis, les occasions se sont multipliées pour le Montréalais établi aux États-Unis. «J’ai fait tellement de projets au fil des ans», dit-il, avant d’illustrer son propos en les énumérant un à un. «J’ai vraiment mélangé toutes sortes de choses.»

Les anniversaires marquants sont toujours de bonnes occasions pour s’arrêter et prendre un peu de recul. Celui-ci a permis à Rufus Wainwright de réaliser qu’il est d’abord et avant tout auteur-compositeur-interprète. «Autant j’adore le théâtre, l’histoire, l’opéra et tout, autant mon premier métier est de donner des spectacles pour le public et de chanter sur le monde dans lequel on vit.»

Or, voilà quelques années que le fils de la défunte Kate McGarrigle, neveu de sa sœur Anna et grand frère de Martha Wainwright n’était pas monté sur scène avec un groupe pour jouer ses chansons.

Son 20e anniversaire de carrière était donc le prétexte idéal pour revisiter ses premières œuvres sur scène, d’autant plus qu’il est revenu à la démarche artistique de ses débuts pour la création de son prochain album, déjà enregistré, qui paraîtra l’an prochain. «Je sens que c’est approprié de faire revivre cette période de ma carrière, car j’essaie de revenir à ce chapitre en tant qu’auteur-compositeur-interprète», dit-il au bout du fil.

L’initiative est d’autant plus pertinente­ que sa voix, déjà remarquable, s’est bonifiée au fil du temps, assure-t-il. «Ma voix n’a jamais été aussi performante. Je travaille mon chant depuis plusieurs années, que ce soit en chantant de l’opéra ou en revisitant l’œuvre de Judy Garland. Ma voix de 45 ans sur mes chansons de quand j’en avais 25 leur donne une nouvelle intensité, c’est très excitant.»

Et comme un bon vin, sa musique­ pop aux orchestrations romantiques et baroques vieillit très bien. «Je dirais que quelques chansons confirment cet adage. Mais au bout du compte, je crois que seul le temps le dira, bien après ma mort.»

«Je me suis dit que cette tournée serait une belle occasion de rappeler au monde que je rocke toujours et que je suis encore relativement attirant! (Rires)» Rufus Wainwright

Non seulement sa musique est intemporelle – «merci», répond-il à cette remarque –, mais ses paroles le sont tout autant. Celles de sa complainte Going to a Town (2007) et sa fameuse phrase : «I’m so tired of you America» en sont une belle illustration.

«C’est un peu déprimant que les choses n’aient pas du tout changé depuis cette chanson, avance le chanteur établi à Los Angeles. Mais dans un sens, j’ai toujours essayé d’écrire des paroles qui transcendent l’époque. Going to a Town en est probablement le meilleur exemple. La raison, malheureusement, est que les États-Unis forment un pays très troublé. Ils le sont depuis plusieurs années et ils le resteront encore longtemps…»

Quel regard l’élégant musicien porte-t-il sur ces 20 dernières années? Après un temps d’hésitation, il hasarde une réponse : «J’ai tellement de souvenirs si intenses… Pour écrire des chansons, il faut en quelque sorte avoir une âme créatrice sombre. Je suis incroyablement soulagé, car je m’attendais à souffrir davantage dans ce processus. En même temps, j’ai vraiment travaillé très fort pour écrire de bonnes chansons!» dit-il en éclatant de rire, comme il le fait souvent en terminant ses réponses.

Pas de fausse modestie chez Rufus Wainwright : le talentueux artiste connaît la valeur de son œuvre. «C’est agréable de réécouter mes premières chansons et de constater que ce n’était pas amateur. Je me suis vraiment consacré à fond à mon travail­.»

Et il aimerait bien que les artistes pop d’aujourd’hui en fassent autant, notamment en ce qui concerne l’écriture des textes. «Je dirais que ce qui se fait dans ce genre est très commercial, très plastique, très décevant… Raison de plus pour rappeler aux gens qu’il fut un temps où il fallait vraiment écrire de superbes paroles», dit-il en rigolant.

Selon lui, le fait de n’avoir «jamais été une superstar» est un des secrets de sa longévité. «Je n’ai jamais eu de hit à la radio ou participé à de grandes émissions de télé. Je crois que ça m’a protégé, parce que les gens ne se sont pas tannés de moi!» lance-t-il, pince-sans-rire.

Il reste qu’une part de lui souhaiterait parfois une plus grande reconnaissance populaire. «Il y a toujours ce petit démon au-dessus de mon épaule qui voudrait connaître la gloire et l’attention. Je ne peux pas prendre ça trop au sérieux, mais cette folie me permet d’avancer!» dit-il dans un énième éclat de rire.

Prochains chapitres
C’est bien beau, réfléchir au passé, mais les prochains chapitres de la carrière de Rufus Wainwright sont déjà bien entamés. En plus de son prochain album de chansons originales, il prévoit enregistrer bientôt un premier disque entièrement dans la langue de Molière. «Ce projet est très important pour moi, surtout parce que ma mère et Anna ont fait de si magnifiques chansons en français. J’aimerais poursuivre leur tradition.» Pour ce faire, l’auteur et interprète de Leaving for Paris s’envolera dans la capitale française afin de travailler avec des musiciens «d’avant-garde, très cool, comme seuls les Français savent l’être».

Sans vouloir trop en révéler sur ce futur album, Rufus Wainwright précise qu’il sera constitué de chansons originales, mais qu’il n’en écrira «probablement pas» les paroles. «Je ne me sens pas assez à l’aise pour écrire en français», résume celui qui nous a accordé cette entrevue en anglais.

Chose certaine, promet-il, ce sera un album «off the wall, étrange, et qui ne ressemblera à rien de ce que j’ai déjà fait».

Après tous ces projets, que reste-t-il à accomplir à ce touche-à-tout? «J’aimerais composer un nouvel opéra. J’en ai écrit deux, je veux en faire un troisième. Et puis, vu le nombre incalculable de gens qui m’ont proposé d’écrire une comédie musicale, ce serait bête de ma part de ne pas tenter l’expérience.»

Rufus Wainwright n’est certainement pas à court d’idées. «Je n’ai jamais eu le syndrome de la page blanche. Même que, des fois, je me dis que je devrais prendre une pause. C’est la chose la plus difficile à faire pour plusieurs artistes, car on a peur de vivre cinq secondes d’ennui! Si vous vous ennuyez, profitez-en!» blague-t-il.

Si on s’ennuyait, c’était surtout de ne pas le voir sur scène. À défaut de prendre une pause, il remédie à la situation en prenant «toutes ces poses».


All These Poses

Le 22 mai à la salle Wilfrid-Pelletier

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