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Un voyage dans l’air du temps avec Gregory Charles

Gregory Charles Photo: Collaboration spéciale
Marie-Lise Rousseau - Métro

Gregory Charles peut dire un immense merci à sa mère : c’est grâce à elle s’il a pu concevoir son spectacle L’air du temps, dans lequel il revisite pas moins de 250 ans d’histoire de la musique.

Une fois de plus, le célèbre pianiste et animateur prend les demandes spéciales du public. Mais pas question de lui demander une chanson ou un artiste en particulier, nommez-lui plutôt une année entre 1768 et 2019. «Pour chaque année qui m’est proposée, je joue ou chante la musique qui y a été écrite, publiée ou popularisée, ce qui nous fait faire un voyage dans le temps vraiment cool!» s’emballe-t-il.

Ce voyage couvrira tout «du baroque au hip-hop», promet-il. Évidemment, impossible de faire le tour de 250 ans de musique en une seule soirée, ce qui plaît au musicien de 51 ans, qui ne donne ainsi jamais deux fois la même représentation.

Il faut être ambitieux pour présenter un tel spectacle, non? «Ça a l’air vantard, mais il faut connaître des affaires pour avoir le culot de se pointer devant un public et de dire : “Nommez-moi n’importe quelle année parmi les 250 dernières.” C’est un défi qui me plaît beaucoup.»

Gregory Charles est un mélomane à la passion contagieuse. Sans même qu’on le lui demande, il retrace les grandes lignes de l’histoire musicale des 250 dernières années : «Évidemment en 1768, c’est Mozart, puis la naissance de Beethoven survient en 1770. Au début du XIXe siècle, il y a une ribambelle de compositeurs d’opéras, il y a Chopin, Schubert, Schuman… Puis, à la fin du siècle, il y a un mélange de plein, plein, plein de choses. À travers ça, la musique folklorique et populaire arrive. La musique noire survient à la même époque. Et en 1898, l’apparition du disque change tout. La musique populaire américaine commence alors…»

Ce n’est pas pour rien qu’on compare souvent Gregory Charles à une encyclopédie, lui qui peut citer de mémoire une quantité phénoménale de dates, de musiciens et d’événements. On en a eu la preuve tout au long de cette entrevue.

Sa curiosité débordante et sa mémoire d’éléphant, il les doit en bonne partie à sa mère Pierrette Saint-Martin (décédée en 2017), qui lui a fait l’école à la maison lorsqu’il avait 9 ans. «Elle m’a dit : “On a 200 jours ensemble. Chaque journée, on va étudier une des 200 années qui a précédé ta naissance”.» 

Cet apprentissage intensif lui a permis d’emmagasiner un bagage impressionnant de connaissances. «Ma mère m’a préparé à ce show quand j’étais jeune», résume le pianiste.

«J’ai eu une mère un peu débile, cinglée, qui voulait que j’apprenne tout. En faisant ça, elle m’a donné une perspective fascinante sur l’histoire» –Gregory Charles

Ses références sont si précises que certains spectateurs jureraient que sa performance est arrangée avec le gars des vues. «Hey, c’est bien pire que ça! lance-t-il. Je ne connais pas juste les tounes, je peux dire quand elles ont été enregistrées, qui jouait sur l’album, quand ça a atteint le numéro 1… Quand on commence une séquence d’information, ça ne finit plus! C’est comme tous les fans de hockey qui peuvent dire qui portait le numéro 8 en 1986 quand le Canadien a gagné la Coupe… C’était Serge Boisvert, en passant.»

Polaroid de notre époque
Celui qui a initié plusieurs jeunes à la science en animant Les Débrouillards il y a une vingtaine d’années revêt également son habit de pédagogue sur scène en replaçant les œuvres dans leur contexte socio-historique. «Parce que la musique est un polaroid de notre histoire», dit-il.

Comme pour appuyer son propos, il se lance dans un survol de la musique québécoise des 40 dernières années, évoquant la flamme nationaliste des chansonniers des années 1970 – «Vigneault chantait Il me reste un pays à te dire, il me reste un pays à nommer», dit-il en poussant la note – et «l’époque du solo» post-référendaire dans les années 1980. «Les groupes ne marchaient plus. On a alors connu Richard Séguin, Michel Rivard, Marjo, Gerry Boulet… Tous des gens qui ont déjà été dans des groupes.»

Le volubile musicien s’enthousiasme de plus belle. «Écoute, c’est capoté! Ces artistes n’ont pas réfléchi à tout ça, mais la musique elle-même nous raconte l’histoire de qui on a été. C’est fabuleux! C’est ce que je fais sur scène. C’est tellement cool de partager ma passion. J’ADORE faire ce show

Ce show, c’est aussi indirectement un hommage aux pianistes improvisateurs des siècles passés, comme Ludwig Van Beethoven. «Il se tenait à côté de son instrument et les gens lui hurlaient : “Joue-moi telle affaire!” Et lui n’avait même pas de radio, il ne pouvait pas écouter la toune 258 fois… Attends, c’est encore pire : il était sourd!!»

Que s’est-il fait de mieux en musique au cours des 250 dernières années? «Impossible à dire, tout m’allume», répond-il. Tout? Y compris le gangsta rap ou encore le métal? «J’adore ça! jure-t-il. Pour moi, une journée complète est une journée où j’aurai entendu du Avenged Sevenfold, une rhapsodie et Havana ooh na-na. Tout ça cohabite. Au même titre que, dans une journée, je peux avoir mangé du gruau le matin, des sushis le midi et des tacos le soir.»

On l’aura compris, la musique fait battre le cœur de Gregory Charles.

«Si tu me demandes mon opinion, ce qu’on a fait de mieux dans les 250 dernières années, c’est la musique» –Gregory Charles

«Et peu importe ce que disent certains partis politiques ou nos voisins au sud, on tend vers le mélange. C’est ce qu’on a fait de mieux comme mariage des cultures. C’est aussi ce qu’on a fait de mieux pour notre santé mentale, notre santé amoureuse, ajoute-t-il, poursuivant sur sa lancée. Quand il y a des réunions patriotiques, sportives ou syndicales, on chante. Même chose dans les mariages et les funérailles. C’est l’expression la plus élémentaire de qui on est. C’est le top du top du top!»

L’air du temps sera présenté en première montréalaise vendredi soir à la Salle Pollack de l’Université McGill en ouverture du Festival de musique de chambre

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