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Immersion dans le passé d’Elektra

FEED.X de Kurt Hentschläger Photo: Collaboration spéciale

Pour une 20e fois, le rendez-vous annuel Elektra tiendra des performances immersives à Montréal. Retour sur deux décennies d’innovation avec le directeur artistique Alain Thibault et l’artiste Kurt Hentschläger.

Depuis 2010, le festival Elektra alterne entre un volet exposition, la Biennale d’art numérique, et un volet performance. Cette année, l’événement retourne à l’Usine C, où Elektra s’est déroulé pendant plusieurs années, afin de ressusciter plusieurs œuvres marquantes de l’histoire du festival.

«Je considère comme essentiel de les faire connaître aux générations plus jeunes. Ces créations permettent aussi de voir vers où la performance en art numérique se dirige et d’anticiper les prochaines sélections artistiques et esthétiques», estime Alain Thibault, directeur artistique d’Elektra.

Parmi les classiques revisités, il y a l’expérience de réalité augmentée FEED de Kurt Hentschläger, présentée de 2008 à 2011. Elle sera montée de nouveau sur la scène de l’Usine C sous une nouvelle mouture rebaptisée FEED.X.

Pour Alain Thibault, cette œuvre représente l’expérience ultime d’immersion. «On passe d’une expérience collective à une expérience individuelle. Certains décrivent une expérience extatique, voire spirituelle. La première fois que je l’ai vécue, j’ai pensé que c’est ce qui devait se passer quand on meurt», illustre-t-il.

«Le public ne veut plus seulement vivre des expériences frontales, mais bien être dans la pièce. L’engouement­ pour la réalité augmentée et virtuelle reflète bien ce désir.»Alain Thibault, directeur artistique d’Elektra

Après 20 minutes, la chorégraphie­ sans interprète dépouille le spectateur de ses repères visuels et spatiaux en le plongeant dans un paysage sublime construit à partir de motifs visuels et de sous-basses.

Quand FEED a vu le jour en 2004, «le monde de l’art numérique en était encore à se positionner dans l’espace virtuel par rapport à l’espace physique et l’interaction entre les deux, raconte son créateur Kurt Hentschläger. Maintenant, dans toutes ses combinaisons et expressions, notre vie réelle se confond complètement avec celle que nous cultivons en ligne. Nous ne distinguons plus ce que nous ressentons entre ces mondes. La nouvelle version prend compte de cette frontière de plus en plus floue.»

L’expérience conserve son aspect à la fois irréel et tangible. «L’aspect figuratif permet une expérience plus personnelle, parce que le spectateur dispose de peu de repères pour donner un sens à ce qui se passe. Le travail lui-même se veut une distorsion perceptuelle, voire un spectacle hallucinogène», explique l’artiste autrichien.

Créateur de projections vidéo grandeur nature, Kurt Hentschläger apparente pourtant son travail à celui du peintre plutôt qu’à celui du cinéaste, parce que ses «œuvres ne suivent pas une trame narrative. Elles se lisent comme des canevas.»

Une autre pièce mémorable, Laser Sound Performance de l’artiste néerlandais Edwin van der Heide, reprendra vie pour une troisième fois à Elektra. L’expérience sollicite tous les sens en se déroulant devant et derrière le public, ainsi qu’autour de lui.

Les étoiles montantes de la performance
Du côté des nouveautés, la chorégraphie pour quatre danseurs de l’artiste Louis-Philippe Demers explore le corps augmenté en alliant les mouvements du robot et de l’humain et en exploitant les stéréotypes associés au ballet classique.

De la France et de l’Espagne, Rocio Berenguer présente quant à lui Ergonomics, une fiction participative qui parodie le milieu de la startup et les clichés­ reliés à l’innovation.
Le Québec n’est pas en reste avec la contribution de Myriam Bleau. L’artiste surtout connue sur le web propose Eternity Be Kind, une œuvre festive aux accents pop et baroques avec l’artiste anonyme LaTurbo Avedon.

Enfin, Elektra accueille pour la première fois un artiste roumain, Syntax. Ce dernier livre pour la première fois en Amérique du Nord une étude audiovisuelle sur la perception humaine et les phénomènes micro-acoustiques, tels que les atomes ou les pixels sonores.

«De l’art, tout simplement»
Le mot «numérique» dans ce domaine est appelé à disparaître, selon Alain Thibault. «Dans les années 1990, on parlait d’art électronique, mais maintenant les jeunes artistes travaillent presque tous avec des outils technologiques, observe­-t-il. Ça va être tellement imbriqué dans les mœurs que ça va faire partie de la boîte à outils, un peu comme l’électricité fait maintenant partie de la vie de tous les jours. On n’y pense plus; ça va devenir de l’art, tout simplement.»

De telles tendances seront explorées au marché international de l’art numérique (MIAN) tenu au Centre Phi pendant le festival. Une série de conférences sondera l’évolution du domaine. Plusieurs artistes québécois et canadiens auront aussi chacun 10 minutes pour faire un pitch d’œuvres à une trentaine de diffuseurs étrangers potentiels, dont plusieurs sont asiatiques.

Ce jeudi, Justine Émard, une artiste française, projette à la Cinémathèque québécoise un dialogue touchant entre la gestuelle d’un robot et le son humain, un sujet qui deviendra possiblement la norme. «Je pense qu’on va voir de plus en plus ces interactions dans l’art du futur», prédit Alain Thibault.

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