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Aziz Ansari : l’après #MeToo avec Right Now

Fugueuse

Cette semaine sur Netflix, Aziz Ansari a dévoilé un premier contenu sur la plateforme depuis la conclusion de la deuxième saison de Master of None, mais surtout, depuis les allégations d’inconduites sexuelles dirigées à son endroit en 2018 dans une lettre diffusée sur le site Babe.net. Dans un article, publié durant la vague #MeToo, une femme de 23 ans racontait en détail qu’Ansari lui aurait fait des avances sexuelles non désirées après un rendez-vous. Elle disait s’être « sentie violée ».

Right Now, le spécial humoristique d’une heure d’Ansari, adresse directement cette controverse de la façon la plus indirecte possible sans que l’humoriste ne s’incrimine et c’est à se demander comment on peut interpréter, personnellement et collectivement, «l’après» dans ce genre de scénarios.

Il y a cependant de nombreuses pistes de réflexion.

Aziz Ansari dans Right Now
Aziz Ansari dans Right Now

Tout d’abord, Aziz Ansari emploie une mise en scène évidente et la réalisation lourde de Spike Jonze pour donner un ton différent à cette heure de stand-up. L’extravagance habituelle de l’humoriste de 36 ans est réduite à une prestation voûtée sur un tabouret et les apparats scintillants sont maintenant un jeans délavé et un t-shirt de Metallica. Le personnage de scène d’Ansari, au premier coup d’œil, a subi une transformation nécessaire et la caméra de Jonze se pose à quelques centimètres de son visage pour nous donner un accès faussement privilégié à l’intimité du créateur.

Mais est-ce qu’il va au-delà de l’esthétique? J’ose croire que oui, du moins, c’est la version la plus humaine et nuancée qu’on a vu de lui jusqu’ici.

Même s’il ne présente pas directement d’excuses, Ansari démontre rapidement des regrets et de l’empathie pour la femme qui a raconté son récit. Il souligne tôt dans sa prestation qu’il a surtout eu de la peine d’avoir fait vivre cela à une femme. Ce ne sont pas des excuses dans le sens propre du terme, mais contrairement à des contemporains dans la même situation, comme Louis C.K. par exemple, Ansari ne s’est pas présenté comme une victime et il n’était pas agressif dans son propos afin de valider son point de vue. Il y avait, dans la plupart de ces blagues, une certaine forme d’ouverture.

On n’échappe pas au fait qu’il a eu l’impression de tout perdre alors qu’au final il n’a pris qu’une petite pause sans réelle conséquence, mais sa façon de le dire détonne des positions plus désolantes empruntées par d’autres hommes dans le même bateau. Ansari, dans sa démarche, a visiblement écouté les gens de son entourage et il tente, parfois maladroitement, d’établir que c’est normal de changer et d’évoluer et qu’on ne devrait pas toujours condamner les gens pour les écarts du passé puisque nous sommes tous un peu coupables à différents degrés.

Ce n’est pas particulièrement habile comme ligne de défense, mais ça alimente quand même des réflexions intéressantes et l’heure de comédie d’Ansari s’articule sur ce thème même quand il reprend son ton plus cabotin pour s’éloigner de la controverse.

Le passage qui à mon avis apporte le plus d’eau au moulin est après quelques minutes du début lorsqu’il mentionne que les allégations à son endroit ont forcé des amis et des proches à revisiter toutes leurs relations pour y trouver des mauvaises décisions et des mauvais comportements. C’est là où je crois qu’un retour sur scène comme celui d’Ansari après un scandale pour apporter beaucoup à son auditoire. Cette ouverture à son propre passé, ce désir de se poser des questions, de remettre des certitudes en doute et d’être plus à l’écoute. Cesser de croire que le fait de ne pas avoir reçu des accusations directement signifie que nous sommes sans reproches.

Aziz Ansari ne répare pas tous les pots cassés avec une heure de comédie, ce serait malhonnête d’en espérer autant, mais il plante des bonnes questions. Reste à voir comment l’auditoire réagira et, surtout, comment les mentalités évolueront avec cette récente conscience de l’autre, de ses limites et de ses besoins.

Ce n’est pas particulièrement drôle, ni particulièrement divertissant, mais il y a ici quelque chose comme le début d’un aperçu de ce que sera notre monde culturel après les mouvements comme #MeToo où il faudra trouver de l’espace au pardon et au partage des tribunes. D’autres questions seront évidemment abordées et ce plus habilement par d’autres personnes que moi, mais j’ai aimé ce pas qui est dans la bonne direction de la part d’Ansari.

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