Soutenez

Tracy Edwards à la mer parmi les hommes

Le documentaire Maiden, relatant les succès de la navigatrice Tracy Edwards (à gauche), prend l’affiche à Montréal ce vendredi. Photo: Collaboration spéciale

Dans Maiden, le réalisateur Alex Holmes plonge dans l’univers de la jeune Tracy Edwards, alors âgée de 27 ans, qui a réuni le premier équipage entièrement féminin dans le but de participer la fameuse course de voiliers, The Ocean Race.

Cap sur 1987, où Edwards fait l’achat de l’embarcation qu’elle nommera Maiden après des années passées dans cette industrie dominée par les hommes. Elle souhaite ainsi faire tomber les barrières et les tabous axés sur le genre en participant à différentes courses de 1989 à 1990.
Le documentaire met l’accent sur les défis que l’équipage a dû relever en mer, en plus de montrer les vives réactions de ses détracteurs. Métro s’est entretenu avec Tracy Edwards.

Vous avez travaillé dans cette industrie à plusieurs postes différents avant de vous porter acquéreur de votre propre embarcation, et ce, en étant la seule femme à travailler à bord la plupart du temps. Comment l’idée de créer un équipage entièrement féminin vous est-elle venue à l’esprit et comment la nouvelle a-t-elle été reçue dans la communauté?
En bref, c’est en regardant le monde tel qu’il est et en me rendant compte que je ne cadrais pas dans celui-ci de la manière que je voulais. Je me suis donc dit que je devais me créer mon propre monde. Je voulais être capitaine. Je voulais une équipe féminine. J’étais sûre qu’on pouvait réussir parce que je l’avais déjà fait! Nous désirions prouver que nous pouvions désormais faire le travail que nous voulions sur un bateau. Mais alors que ça prenait forme, je ne réalisais pas l’ampleur des réactions et des commentaires qu’on recevrait. Les critiques n’ont fait que nous motiver.

J’ai l’impression que les gens ne comprennent pas à quel point la navigation en mer autour du monde est exigeante et difficile. Croyez-vous que le film réussit à montrer les obstacles que vous avez dû surmonter?
À mon avis, ce qu’Alex a le mieux réussi, c’est de garder un bon fil conducteur tout au long de l’histoire. Avant de voir le produit final, je n’avais pas réalisé comment on grandissait. C’est impossible de tout capter fidèlement ce qui se passe en mer à moins d’avoir des expériences sensorielles parfaites avec le froid, l’eau, la douleur et tout le reste. Ce qu’il a fait, c’est choisir les meilleures images et les coudre ensemble. Il n’était pas là [sur le bateau], mais il a compris. Il a fait un bon travail.

Vous dites dans le film que «l’océan essaie toujours de vous tuer». C’est une façon intéressante de considérer les choses…
Le simple fait d’y penser nous aide à comprendre que l’océan ne cherche pas à se faire des amis. En quelque sorte, ça nous garde alertes quant aux risques et aux dangers. L’océan fait ce qu’il veut, il ne cherche pas à nous plaire. On doit accepter ce fait, le comprendre et l’accepter. C’est une grande partie de notre vie.

Malgré tous vos succès, ce qui est marquant dans ce film, c’est de voir à quel point le fait de naviguer en maillot vous a attiré des critiques misogynes de la part de la presse et des autres équipages. Était-ce frustrant?
Je crois que nous ne l’aurions pas fait si nous n’avions pas gagné deux épreuves de la course. Nous avons ressenti que nous avions gagné le droit de porter ce que nous voulions. De jeunes femmes m’ont approchée pour me dire : «Vous devriez en être fière, vous avez mérité ce droit.» Je pense que toutes les réactions chauvinistes à cet égard ont été ignorées. Les gens nous critiquaient surtout parce qu’ils n’acceptaient pas le fait que nous étions capables de remporter des épreuves. On se demandait sans cesse ce qu’on allait devoir faire pour le prouver une fois pour toutes…

On vous aperçoit en train de déguster votre toute première bière après avoir terminé la course. Votre expression faciale nous laisse croire que c’est la boisson la plus rafraîchissante qui soit. Gardez-vous un bon souvenir de ce moment?
Absolument! (Rires) On ne pouvait pas consommer d’alcool sur le bateau. Tout devient un trésor quand on navigue. On pensait constamment à la nourriture. On gardait des provisions congelées qui étaient pratiquement des compotes. Tu penses à des trucs aussi banals que de croquer dans une pomme. Je rêvais de boire un verre de lait. On se torturait avec ces images. (Rires) Évidemment, quand on rentre, ce sont les choses les plus ordinaires du monde et ce n’est pas aussi magique qu’on se l’imaginait! Mais après avoir passé des semaines en mer… croquer dans une pomme, c’est exactement ce que tu avais imaginé. Tu savoures chaque moment.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.