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Jeune Juliette: à hauteur d’ado

La réalisatrice Anne Émond et l'actrice Alexane Jamieson pour le film Jeune Juliette. Photo: Josie Desmarais/Métro

«C’est épeurant de vieillir», se fait dire Juliette par son grand frère. Même si l’adolescence n’est souvent qu’un mauvais quart d’heure à passer, à hauteur d’ado, les drames qui apparaissent prennent une ampleur démesurée. Heureusement, tout finit par s’arranger, comme en fait foi le charmant quatrième long métrage d’Anne Émond, Jeune Juliette.

«Quand on est adolescent, les problèmes sont graves pour vrai, même si en y repensant quelques années plus tard, on en rit. Pour moi, la seule façon de bien faire était de me mettre avec elle, à sa hauteur, et de ne pas la regarder de haut», avance la cinéaste.

Vrai qu’il est épeurant de vieillir? «Oui! Oui! Oui! s’exclame-t-elle. C’est dur à expliquer, mais je me souviens d’étés, jeune ado, où j’écoutais de la musique dans ma chambre et que j’étais habitée par quelque chose de tellement bizarre! À cet âge, la vie change sans qu’on comprenne ce qui se passe.»

Juliette a de la répartie, du caractère et une couleur bien à elle. Elle est drôle, intelligente et cultivée, capable de vous citer du Dostoïevski et du Céline (Louis-Ferdinand, pas Dion) du haut de ses 14 ans. Elle est tannée de la «toune poche d’Ed Sheeran» et aime «mépriser tout le monde, tranquille».

Mais une série d’épreuves surgissent en même temps : son kick l’ignore, son frère bienveillant vole de ses propres ailes, sa meilleure amie développe des sentiments pour elle et ses collègues de classe l’intimident à cause de son poids.

«Elle n’est pas très chanceuse», constate celle qui lui donne vie, la jeune actrice Alexane Jamieson.

De ces difficultés, la jeune Juliette sortira mûrie. «C’est un film positif, qui donne de l’espoir. Elle en sort tellement grandie, du haut de ses 5 pieds 2! Ça montre que tout le monde peut s’en sortir», poursuit son interprète.

En visionnant Jeune Juliette, on a souvent envie de s’adresser à la protagoniste pour lui dire d’arrêter de s’en faire, que tout finira par se passer. «Le secondaire, c’est juste une étape de la vie», rappelle sagement Alexane Jamieson, qui terminera justement le sien au cours de la prochaine année.

«Elle va s’en sortir. Elle va gagner. Je sais que ça va aller. Ces jeunes traversent une période difficile, mais ils sont tellement beaux et intelligents que je ne m’inquiète pas pour leur avenir.» -Anne Émond, cinéaste

C’est d’ailleurs pourquoi Anne Émond a choisi de raconter son histoire sous la forme d’une comédie, malgré les obstacles qui se dressent sur la route de Juliette. «Ça aurait vraiment pu être un drame, ça aurait pu mal finir. Mais c’est une comédie, parce qu’elle s’en sort.»

La cinéaste a eu cet éclair de génie lors des retrouvailles à son école secondaire, il y a de cela une dizaine d’années. «Je voyais que, finalement, j’avais bien viré! Je ne suis pas traumatisée de cette époque», explique-t-elle.

Elle parle en connaissance de cause. Car il y a beaucoup de la jeune Anne dans Jeune Juliette. «Quand j’étais adolescente, je pesais 75 livres de plus que maintenant. J’étais différente. Je me suis toujours dit qu’un jour, j’allais aborder le sujet.»

L’idée a lentement germé dans son esprit. Entre-temps, la réalisatrice a tourné trois longs métrages, tous des drames : Nuit #1 (2011), Les êtres chers (2015) et Nelly (2016).

Bien qu’elle soit partie de sa propre expérience, Anne Émond a voulu donner à son alter ego des traits de caractère qu’elle aurait aimé avoir à l’époque. «Juliette a plus de personnalité que moi j’en avais. Je ne parlais pas, j’étais gênée et quand on m’écœurait, je ne répondais pas. C’est ce que j’aime du film : enfin, on montre quelqu’un qui n’est pas une victime!»

Des traits qui ont plu à son interprète, laquelle dit en avoir conservé quelques-uns. «J’ai ajouté beaucoup de ma propre couleur à Juliette et Juliette m’a beaucoup appris. J’ai retenu un peu de son caractère; je n’haïs pas ça!» lance-t-elle en riant.

Pour la cinéaste, il s’agit d’une douce vengeance. «Comme si j’avais réécrit l’histoire!» dit-elle, amusée.

«Je me suis éclatée»

De son propre aveu, Anne Émond affirme s’être «éclatée» en tournant ce film. «J’ai aimé ça! Pour vrai!»
s’enthousiasme-t-elle.

La comédie a donné à la cinéaste de 37 ans une nouvelle liberté créatrice. «J’ai réalisé que je pouvais faire ce que je veux : je peux m’éclater, je peux faire des split screens, je peux écrire en grosses lettres rouges à l’écran… Tout ça va participer au côté jeune et léger du film. J’ai adoré faire ça! Ah, vraiment!»

Elle le dit, mais on l’avait remarqué : Anne Émond aime rire et s’amuser. «Mes proches m’ont souvent dit que je ne ressemble pas à mes films, parce qu’ils sont tellement sombres, alors que je suis quand même drôle; je suis plus hop-la-vie que déprimée.»

À sa défense, on ne voit pas comment son précédent long métrage, portant sur l’écrivaine Nelly Arcan (qui s’est enlevé la vie en 2009), aurait pu être une comédie. «Vraiment pas! acquiesce-t-elle. Mais ça me ressemble aussi. J’ai ce côté un peu deep, mais j’ai aussi un côté léger et frivole.»

Anne Émond s’est gâtée et s’est fait plaisir avec Jeune Juliette, un  film qu’elle aurait voulu voir lorsqu’elle était elle-même adolescente. «Il y en avait, des films pour ados, mais American Pie, t’sais, c’est une autre affaire!» dit-elle en riant.

En revanche, elle aurait adoré voir Lady Bird ou encore Booksmart lorsqu’elle avait 15 ans. «J’aurais capoté.»

Il y a aussi un peu des protagonistes de Ghost World dans ses personnages, poursuit la cinéaste. «Ce sont deux filles qui ne se prennent vraiment pas pour n’importe qui.
Juliette et Léanne me font un peu penser à elles. Elles sont fières de ne pas faire partie des groupes populaires. Mais c’est comme ça jusqu’à ce que ton amie ne soit plus là pour te soutenir, jusqu’à ce que tu te retrouves seule et vulnérable», nuance-t-elle.

«Les adolescents sont souvent en quête de validation», remarque pour sa part Alexane Jamieson. Si Juliette ne se soucie guère du regard des autres au départ, son désir de plaire finit par prendre le dessus. Jusqu’à ce qu’elle comprenne l’importance de rester soi-même.

«C’est ce qui fait la beauté d’un individu. Tu ne diras pas à une personne qu’elle est belle parce qu’elle ressemble au voisin; tu lui diras qu’elle est belle parce qu’elle est elle-même», souligne la comédienne.

«Le film, c’est Juliette qui apprend à être qui elle est et à aimer qui elle aime vraiment», résume la cinéaste.

Que devrait-on souhaiter à «vieille Juliette»? «J’espère qu’elle va rester bien dans sa peau. J’espère qu’elle va continuer de cultiver sa vie intérieure et son imaginaire. J’espère qu’elle va continuer de répondre à ceux qui l’écœurent. Et j’espère qu’elle arrêtera de raconter des mensonges!» répond Anne Émond en riant.

 

Jeune Juliette

En salles dès aujourd’hui

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