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Michel Rabagliati : exorciser ses problèmes par l’écriture

L'auteur est penché sur son espace de travail.
L’auteur Michel Rabagliati devant sa planche de travail. Son livre est maintenant disponible en librairie depuis jeudi. Photo: Félix Lacerte-Gauthier

L’auteur Michel Rabagliati a publié hier Paul à la maison, le dernier volume de sa célèbre série de bandes dessinées. À travers ce numéro, il s’exprime sur différents deuils, posant un regard plus sombre de la vie.

« C’est une série d’autofictions. Le mot fiction est important, souligne d’entrée l’auteur. Les gens m’appellent pour s’assurer que je vais bien. Je réalise qu’il faut peut-être que je rectifie le tir. Les gens pensent que je suis en train de me pendre dans la cour avec une corde. »

D’ailleurs, au moment de rencontrer le journal, M. Rabagliati était plutôt jovial, s’exprimant avec humour sur plusieurs sujets.

Il précise que bien que la bande dessinée porte sur des moments plus sombres, sa vie se déroule actuellement plutôt bien, invitant les lecteurs à faire la part des choses. « J’ai fait un rassemblement de moments difficiles dans la cinquantaine : une séparation, le vieillissement, les enfants qui partent de la maison, perdre un proche. Ce sont des deuils. J’appuie sur des déceptions de la vie, en essayant d’en faire un tout cohérent. »

Il compare l’exercice aux difficultés que rencontre Woody Allen dans ses différents films. Une façon de mettre en exergue les aléas de la vie quotidienne, auxquelles les spectateurs peuvent s’identifier.

« Je qualifie ce livre d’aventure dépressivo-comique. Ça a l’air très personnel, mais ce ne l’est pas tant que ça, pense M. Rabagliati. J’ai extrait les meilleurs moments de ce passage à vide pour construire une histoire et illustrer l’état d’esprit de cet homme qui se retrouve seul après une longue relation. »

L’auteur trace également un parallèle avec les Bijoux de la Castafiore, un album de Tintin dont l’aventure se déroule exclusivement au Château de Moulinsart. « Ça se passe à l’intérieur, tant de sa maison, que de sa tête. Il y a peu de rencontres, mais je voulais appuyer là-dessus. Il est vraiment en réflexions avec lui-même. »

Évolution

Michel Rabagliati
Son avant-dernier livre, Paul dans le Nord, avait également été adapté en feuilleton radio.

La sortie du livre marque également les 20 ans de la série depuis la parution du premier épisode, Paul à la campagne. Depuis, elle est devenue une référence dans le milieu de la bande dessinée québécoise, gagnant de nombreux prix et étant même adaptée au cinéma.

Un succès que son auteur remet néanmoins en perspective. « C’est un très beau succès pour une bande dessinée, mais c’est relatif, ce n’est pas un “bestseller” en librairie, minimise M. Rabagliati. Je m’étais lancé le défi d’arriver à en vivre, et j’ai atteint mon but, ce dont je suis fier. »

Il remarque également l’évolution de la série, tant au niveau du style graphique et des dessins, qui sont devenus, à ses yeux, plus raffinés au fil des ans, qu’avec le personnage. « Quand j’ai commencé la série, j’étais très heureux, on mordait dans la vie. Je crois que ça transparaissait dans la BD, observe l’auteur. Peut-être que mon regard sur la vie s’est assombri depuis. On sent moins la joie de vivre, le regard est aussi plus cynique. »

Relater dans la bande dessinée les difficultés qu’il a traversées s’est avéré un exercice salutaire pour lui, bien qu’il se soit en quelques sortes mis à nu pour les lecteurs. « Cet album est plus difficile à vendre pour moi. Je trouve cela “awkward” d’en faire la promotion. J’ai appuyé sur un passage plus difficile de ma vie, et c’est aux lecteurs de s’identifier, ou non. »

Une suite ?

L’album maintenant sorti après une longue écriture qui l’a accaparé au cours des deux dernières années, l’auteur admet qu’il a besoin de décanter avant de penser à la suite, tant pour lui que pour Paul.

« En 2020, je veux socialiser davantage, aller vers le communautaire, ou faire du bénévolat, révèle-t-il. J’aime bien les personnes âgées. J’adore leurs histoires. Elles ont du temps pour parler, et moi pour les écouter. »

La conception du dernier album a également été éprouvante pour lui, alors qu’il a été blessé à l’épaule, résultat de ses nombreuses années de travail où l’articulation accumulait la tension. Une blessure qui a également nécessité de la physiothérapie. « Il faut que je me méfie des longues histoires qui sont difficiles à faire, croit-il. Pour l’instant, il y a la douleur physique qui ne me donne pas envie non plus. »

Il admet également avoir fait le tour du personnage de Paul, ayant relaté tant son enfance, que le passage vers l’âge adulte, puis son vieillissement. « Je ne peux pas jurer que c’est terminé, relativise-t-il. Après Paul dans le Nord, je pensais déjà n’avoir plus rien à dire. Pour l’instant, je veux savourer l’effet que fera ce livre sur les lecteurs. Le processus d’écriture débute souvent quand je commence à m’ennuyer. »

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