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«Danse Lhasa Danse»: comme si elle était là

spectacle Danse Lhasa Danse
Répétitions du spectacle Danse Lhasa Danse, présenté en tournée québécoise à partir du 17 janvier. Photo: Josie Desmarais/Métro

 

«Elle est sur scène. On ne la voit juste pas», assure le chorégraphe Pierre-Paul Savoie. Dix ans après son décès prématuré, l’autrice-compositrice-interprète montréalaise Lhasa de Sela réchauffe toujours le cœur de ceux qui l’ont connue et aimée. Sa présence habite la version revue et améliorée du spectacle hommage Danse Lhasa Danse.

Au moment d’écrire ces lignes, il neigeait sur Mont­réal. Comme il a neigé dans les jours qui ont suivi le décès de la charismatique chanteuse d’origine américano-mexicaine à la voix grave et ensorcelante, partie le 1er janvier 2010 au jeune âge de 37 ans après un long combat contre le cancer.

Dix ans plus tard, c’est comme si elle était toujours là. «Pour ses contemporains, elle est inoubliable, avance son amie, la chanteuse Bïa, une des têtes d’affiche de Danse Lhasa Danse. Encore la semaine dernière, je chantais au Rialto lors d’une soirée-bénéfice pour l’Amazonie. Il y avait une vingtaine d’artistes, dont plusieurs de la scène montréalaise, comme Thus Owls, Patrick Watson, Arthur H, Elisapie, Salomé Leclerc, Safia Nolin…»

Un beau line-up, lui fait-on remarquer. «Oui, un très beau line-up! Et plusieurs d’entre eux ont chanté un morceau de Lhasa ou parlé d’elle. Il y avait un fil dans les coulisses qui nous reliait tous à elle… Ça me touche de dire ça, poursuit-elle après un silence empreint d’émotion. C’est comme si elle était là. Toute la soirée, on sentait sa présence.»

Lorsqu’on évoque cette présence à Pierre-Paul Savoie, idéateur de Danse Lhasa Danse, il s’emballe. «Et tu n’as pas vu les images! Il y a des projections, on entend sa voix! À un moment, on l’entend dans le noir, c’est très fort», dit-il au sujet de la performance multidisciplinaire qui mêle danse, musique, chant et arts visuels.

Bien qu’il n’ait pas personnellement connu la chanteuse – «Lhasa et moi, c’est une amitié posthume», dit-il –, le directeur artistique de la compagnie PPS Danse est, comme tant d’autres, tombé sous son charme, tant pour sa voix chaleureuse que pour la puissance de ses textes.

«Elle a une très forte résonnance en raison de la profondeur de son œuvre, dit-il. On ne réécoute pas tous les chanteurs, mais son œuvre nous parle philosophiquement, humainement.»

Bref, elle est intemporelle. «Exactement. Dix ans après, son œuvre se poursuit. Elle est indémodable. Et personne ne l’a remplacée», souligne le chorégraphe. Ce à quoi Bïa acquiesce: «Rien ne vieillit, même dans la facture sonore. Il y a tellement d’expertise et de sensibilité dans ce qu’elle a fait. Ce n’est pas un son daté.»

Une artiste dans l’âme

Lhasa de Sela était une artiste très spirituelle. «Elle avait cette profondeur si jeune, à 28, 30 ans. Elle était très connectée à un monde invisible, elle adorait la magie, elle croyait au destin», se souvient Bïa.

Avec le recul, la chanteuse d’origine brésilienne découvre une richesse supplémentaire dans l’œuvre de son amie.

«C’est curieux, mais plus ça va, plus je peux voir la profondeur de tout ce qu’elle a écrit. Ses chansons prennent une nouvelle dimension. Son dernier album était très philosophique, elle y parlait de la relation de l’être à la vie, au destin, à la permanence et à l’impermanence… Je peux juste imaginer le potentiel de ce qu’elle aurait pu développer par la suite.»

Pierre-Paul Savoie abonde dans le même sens: «Personne n’a écrit avec une telle profondeur sur ces concepts. Elle m’a appris à comprendre ce qu’était mourir», dit-il.

«Même quand elle chantait a cappella, les gens avaient le frisson. On faisait la file pour écouter la fille qui chantait des chansons tristes avec une voix qui déchirait l’âme.» Bïa, chanteuse et amie de Lhasa de Sela

Comment peut-on traduire une telle âme sur scène? «J’ai donné des directives. Première chose: on est au service de Lhasa», se souvient le chorégraphe au sujet de la première mouture du spectacle monté dans l’urgence, en 2011.

Lhasa étant elle-même multidisciplinaire dans son approche artistique, il allait de soi que Danse Lhasa Danse ne soit pas qu’un spectacle de danse ou qu’un spectacle de musique. «Le corps, la musique, la voix et le texte ne font qu’un», résume le chorégraphe.

L’énergie des 16 musiciens, danseurs et chanteurs qui se partagent la scène est palpable dans les extraits du spectacle que Métro a pu voir. Comme lorsque Alexandre Désilet chante Con Toda Palabra en compagnie d’un duo de danseurs, dans une chorégraphie sensuelle d’Hélène Blackburn, une des neuf chorégraphes invitées à signer un tableau de cet hommage.

Dans leurs regards et leurs mouvements, on sent une proximité entre les artistes, qui vont jusqu’à inverser les rôles à l’occasion. «Les chanteurs ont appris à danser et les danseurs ont appris à chanter», résume Bïa, qui elle-même se produira avec le danseur Sébastien Cossette-Masse.

«Ça nous donne tellement d’énergie, ajoute-t-elle. Au début, j’avais peur de déranger les danseurs en chantant, et maintenant, non! On ne se dérange pas, on bâtit les uns sur les autres.»

On en a un bel exemple en assistant à la répétition d’un segment où tous les artistes abandonnent leur rôle pour se rejoindre au centre de la scène, tapant dans leurs mains sur un rythme langoureux. «C’est bon, les doigts!» leur lance Pierre-Paul Savoie, interrompant un instant notre entretien pour donner quelques consignes.

«Pour moi, c’était clair que ce mélange se pouvait, explique-t-il au sujet de cette rencontre entre les disciplines. Les vibrations des corps influent sur l’interprétation des chanteurs. Ces derniers ne sont pas seulement en interaction avec le public, ils dansent avec leur voix, ils dialoguent.»

Voilà l’essence de ce spectacle, qui compte 23 chansons tirées des 3 albums de Lhasa de Sela: «On ne travaille pas en silo, on travaille en triangle. Il faut que ça circule», poursuit le chorégraphe, dont la compagnie célèbre par ailleurs ses 30 ans cette année.

Le tout dans le but d’offrir une performance à l’image de la chanteuse. «Il faut de la magie. Qu’on la sente. Lhasa se saignait; on essaie de faire la même chose.»


Dansa Lhasa Danse

Ce soir au Théâtre de la Ville, à Longueuil
Le 6 février au Théâtre Maisonneuve, à Montréal

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