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«Jay and Silent Bob Reboot Road Show»: un festival de nostalgie

Silent Bob
Photo: Collaboration spéciale

Le Jay and Silent Bob Reboot Road Show, qui s’arrête bientôt à Montréal, est un véritable «festival de nostalgie», aux dires de Kevin Smith. En plus d’avoir fait revivre au grand écran ses deux protagonistes qui se passent de présentation, le cinéaste planche ces jours-ci sur l’écriture de Clerks III et de Twilight of The Mallrats, deux suites à ses films cultes qui l’ont fait connaître. S’il ne se lasse pas de ramener les mêmes personnages d’un projet à l’autre, c’est parce qu’il adore suivre leur évolution.

Kevin Smith est tout le contraire de son alter ego Silent Bob, personnage quasi muet qu’il incarne depuis plus de 25 ans. En entrevue, c’est un véritable moulin à paroles, pour notre plus grand plaisir.

Le réalisateur s’amuse comme un gamin à parcourir le Canada et les États-Unis avec son bébé sous le bras. «La tournée est fantastique! Oh my lord, c’est phénoménal! Tous les soirs, je regarde le film avec 1000, 2000 fans intenses. Ils connaissent mieux mes films que moi-même!»

Tous les soirs, ça fera pas loin de 100 fois d’ici la fin de la tournée, en février. N’est-il pas tanné de revoir le même film, soir après soir? «Oh non! Le meilleur est de voir les réactions du public, qui apprécie le film presque autant que moi. Presque! C’est difficile d’apprécier le film autant que moi, parce que c’est 100 % moi, je suis partout dans ce maudit film!»

Ce maudit film, comme Jay and Silent Bob Strike Back en 2001, est un roadtrip vers Hollywood des deux protagonistes qui veulent stopper une nouvelle production sur eux. C’est l’occasion pour Kevin Smith de parodier les films à suite ainsi que de faire entrer ses deux protagonistes dans l’âge adulte.

Jay and Silent Bob Reboot s’adresse aux initiés: le film est truffé de références à ses œuvres précédentes. Le cinéaste a également profité de l’occasion pour ramener à l’écran des personnages fétiches de son univers, interprétés notamment par Ben Affleck, Matt Damon, Rosario Dawson, Shannon Elizabeth et Jason Lee.

Un festival de la nostalgie, disait-on. Au point où les non-initiés n’y comprendront pas grand-chose. Kevin Smith a-t-il fait ce film pour ses fans purs et durs? «J’ai fait ce film pour le plus grand fan de Kevin Smith que je connaisse : moi-même. Puis, je me suis dit que d’autres gens voudraient le voir.»

«J’aime examiner la culture moderne par le biais de personnages qui ne pensent pas comme moi; c’est fascinant!» Kevin Smith

Pourquoi le présenter en tournée au lieu de faire une sortie traditionnelle en salle? Le cinéaste n’y va pas par quatre chemins. «Écoute, tout le monde se fout de ce film! Personne ne le réclamait. Personne ne disait : “Pitié, fais une suite à un film avec deux idiots qui date de près de 20 ans!” ironise-t-il. Non, il faut modérer ses attentes. C’est ce que ma femme a fait en m’épousant!»

Kevin Smith préfère de loin aller à la rencontre de son fidèle public. Ceux qui ne peuvent pas se déplacer peuvent toujours se rabattre sur la version en vidéo sur demande du film, sortie la semaine dernière.

«Personnellement, je m’en fous comment les gens regardent le film, que ce soit lors de la tournée ou en téléchargement illégal, tant qu’ils le regardent! Je sais qu’il y a beaucoup de contenu disponible, je n’ai pas besoin d’être au-dessus de tout ça. Faites juste voir le film avant de mourir, c’est ce que je dis… Ce qui est une phrase terrible à mettre sur l’affiche pour le marketing!» blague-t-il.

En tournant cette suite, Kevin Smith a voulu confronter ses deux éternels adolescents au monde moderne. «J’aime voir comment les personnages évoluent, creuser leur psyché, explique le réalisateur. J’aime prendre des personnages d’une autre époque et les confronter à la culture moderne, dans ce cas-ci, à la culture woke

En effet, les deux personnages récurrents de son univers font équipe dans cette suite avec un quatuor de jeunes filles qui incarnent la diversité. L’une d’elles, Soapy, est une femme sourde, jouée par l’actrice malentendante Treshelle Edmond.

«Grâce à elle, les personnes malentendantes ont pu se reconnaître pour une rare fois au cinéma, et autrement que dans Silent Bob, blague le cinéaste. On m’a remercié de reconnaître cette réalité.»

Pour Kevin Smith, ça va de soi. «C’est assez facile de plaire au public de nos jours. Il suffit d’inclure les gens. Voilà le secret que personne n’avait révélé dans les années 1980-1990!»

Le cinéaste était déjà sensible à ces questions avant de réaliser son premier film, Clerks, en 1994. «Mon frère est gai. Je me souviens de discussions au sujet de la représentation des relations amoureuses dans les films, toujours hétérosexuelles. Je me suis toujours senti mal qu’il ne se reconnaisse pas. Quand j’ai commencé à faire du cinéma, je me suis dit: ce n’est pas vrai que mon frère va encore endurer la même bullshit

Ainsi, dès ses débuts, des enjeux sociaux étaient au cœur des longs dialogues qui caractérisent les films de Kevin Smith. Dans Clerks II, en 2006, une scène hilarante et brillamment écrite traitait d’appropriation culturelle, 10 ans avant qu’on en fasse un débat de société. Dans celle-ci, le personnage de Randal réclame que l’expression «porch monkey», une insulte raciste envers les Afro-américains, puisse être de nouveau utilisée.

«Ce dialogue a bien vieilli, en effet, souligne Kevin Smith. Dieu merci, il y avait des acteurs noirs dans cette scène [NDLR: Rosario Dawson et Wanda Sykes], sans quoi cette discussion dans laquelle il se dit des choses atroces n’aurait eu lieu qu’entre personnes blanches. C’est de la satire, mais ça aurait pu être mal interprété.»

Selon le cinéaste, la comédie est le meilleur véhicule pour traiter de ces sujets sensibles. «Quand on rit, on est dans un état d’abandon, on fait tomber les masques, dit-il. On est incroyablement réceptif aux nouvelles idées. C’est le meilleur moment pour susciter la réflexion.»

Cela dit, Kevin Smith n’a pas la prétention de changer le monde. «Je ne dis pas: “Ça a marché! Une génération complète est devenue woke grâce à moi!” Mais au fil des ans, j’ai vu mon public prendre conscience du monde qui l’entoure.»

Il mentionne Les Simpson comme un autre exemple de comédie intelligente. Tiens, justement, le cinéaste a eu l’honneur d’enregistrer sa voix pour un épisode du célèbre dessin animé la semaine dernière. «Je suis un fan fini! Leur style de comédie est dans mon ADN», se réjouit-il, décrivant cet honneur comme la réalisation d’un rêve.

Ce n’est pas la seule consécration que Kevin Smith a vécu au cours de la dernière année. En plus de laisser l’empreinte de ses mains devant le mythique Chinese Theatre, à Hollywood, le cinéaste a vu Clerks être ajouté à la librairie du Congrès américain, aux côtés de grandes œuvres, dont Amadeus (Miloš Forman) et She’s Gotta Have It (Spike Lee). «C’est extraordinaire», dit-il.

Toutes ces belles choses sont survenues moins de deux ans après qu’il a été victime d’une crise cardiaque. «Parfois, j’ai l’impression que je suis mort pendant ma crise et que, depuis, je vis au paradis! Ironiquement, ça m’a sauvé la vie», assure-t-il.

Vous l’aurez certainement remarqué, le cinéaste a perdu beaucoup de poids récemment. Il est aussi devenu végétalien. «Et sur le plan de la carrière, ça m’a été d’une grande aide», blague-t-il, faisant allusion au fait que cet accident l’a aidé à convaincre certains acteurs de jouer dans Jay and Silent Bob Reboot.

«Je ne sais pas encore combien de temps je vais pouvoir jouer cette carte, les gens vont bientôt me dire: “Reviens-en!”» lance-t-il en riant.

Chose certaine, depuis sa crise cardiaque, Kevin Smith ne chôme pas. Après cette tournée, il reprendra la route pour accompagner Clerk, un documentaire à son sujet qui sera présenté en primeur à SXSW en mars. En plus des deux projets de film qu’il mène en parallèle, il planche sur la série animée de Netflix Masters of the Universe.

«Dans un monde où je suis toujours en vie et où je garde la tête hors de l’eau, j’essaie de me tenir occupé, commente-t-il. D’ici à ce qu’une deuxième crise cardiaque m’emporte, je suis aussi bien de continuer à travailler!»


Jay and Silent Bob Reboot Road Show

Lundi soir au Corona et mardi soir au MTelus

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