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«Roubaix, une lumière»: humiliés et offensés

Roubaix
Roubaix, une lumière est présentement à l’affiche. Photo: Collaboration spéciale

Avec son film le plus récent, Roubaix, une lumière, le cinéaste Arnaud Desplechin débarque là où personne ne l’attendait: dans le monde réel.

«Il y avait le désir de m’échapper, de me sauver, confie en entrevue le vétéran cinéaste, rencontré aux Rendez-vous du cinéma français à Paris. J’allais enfin faire un film où il n’y avait plus aucune fiction, où tout était vrai.»

Inspiré d’un fait divers survenu en 2002 qui a été raconté dans le documentaire Roubaix, commissariat central de Mosco Boucault, ce nouveau long métrage se déroule dans la ville natale du créateur de Trois souvenirs de ma jeunesse, ville qui ponctue constamment ses œuvres.

Sauf que, cette fois, sa vision romantique a été remplacée par un regard social et économique beaucoup plus sombre, alors qu’un commissaire – Roschdy Zem, César du Meilleur acteur pour ce rôle – doit faire la lumière sur le meurtre brutal d’une vieille dame qui aurait pu être commis par deux voisines – Sara Forestier et Léa Seydoux – sans le sou.

«Je voulais m’intéresser à des gens qui vivent dans des conditions violentes, brutales, extrêmes, et montrer qu’ils sont plus grands que la vie, quoi qu’ils aient fait, déclare le réalisateur. Ils sont comme des personnages de Dostoïevski: immenses. Il y a en eux une humanité qui déborde. C’est la lumière du titre, et c’est ce qui me guidait.»

«Vous faites quoi si une personne que vous aimez fait quelque chose d’inhumain? Vous essayez de comprendre, vous essayez d’accepter. Ce paradoxe, je le trouvais tellement cinématographique que j’avais envie d’en faire un film.» Arnaud Desplechin, cinéaste

Comme toujours chez l’homme qui est à l’origine des illustres Rois et reine et Un conte de Noël, les fantômes du passé se mêlent au présent, tentant de remonter le fil des événements, de réactiver la mémoire. Cela prend la forme de dialogues tirés directement des véritables procès-verbaux de l’enquête puis joués par les acteurs. Une façon de s’approcher de la réalité, de retrouver une dignité.

«Tout ça passe par le pouvoir des mots, cette recréation qui est possible, explique celui qui s’est inspiré du travail de Claude Lanzmann (Shoah). C’est une humanité qu’on ramène et qu’on commence à comprendre. Peut-être pas à comprendre, parce qu’il ne faut pas comprendre ce qui est inhumain. Il faut rester stupéfait devant ce qui est inhumain.»

À partir du genre cinématographique dominant à l’échelle de la planète, le film social réaliste, le père d’Esther Kahn opère un transfert vers le film noir en multipliant les références à Alfred Hitchcock et à Sidney Lumet. Ce basculement lui permet de quitter les productions de groupe qu’il affectionne tant pour traiter de destins morcelés empreints de solitude.

«Pour y arriver, je devais avoir une croyance profonde en la mise en scène, évoque Arnaud Desplechin. Quand vous regardez bien les choses, les spectateurs y voient mieux. Ils perçoivent plus d’humanité, plus de complexité, plus de mystère, et ils arrivent à voir l’âme des personnages.»

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