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Chorégraphier le monde de demain avec Cas public

Chorégraphier le monde de demain avec Cas public
Image de Suites ténébreuses, spectacle que la compagnie Cas Public devait présenter à l’Opéra de Paris ce printemps Photo: Collaboration Spéciale

Pandémie oblige, le milieu de la danse doit se réinventer. Les contraintes sont nombreuses pour les compagnies comme Cas public, dont la majorité des représentations se donnent normalement à l’international. Mais plus rien n’est normal, justement. Optimiste, sa fondatrice et directrice artistique Hélène Blackburn y voit l’occasion d’innover. 

Hélène Blackburn aurait dû être dans la «magnifique ville» de Guadalajara, au Mexique, au moment de notre entretien. Cas Public devait y ouvrir le Festival Cultural de Mayo, qui a lieu actuellement dans une édition virtuelle, avec son spectacle 9.

«Notre œuvre a été diffusée en vidéo, ce que je ne privilégie pas, parce que, pour moi ce sont vraiment deux expériences, mais bon… On l’a fait», dit-elle au bout du fil, depuis son confinement à Montréal.

Très sollicitée en cette année de son 30e anniversaire, sa compagnie devait aussi ouvrir le Festival International de Danse Encore, à Trois-Rivières, au début de juin. À défaut de pouvoir offrir une représentation, elle présentera une vidéo de danse à relais sur le web. «On collabore avec grand plaisir», commente la chorégraphe.

Le mois dernier, Cas Public devait aussi se produire au Printemps des arts de Monte Carlo, puis présenter la création Suites ténébreuses avec les Dear Criminals à l’Opéra de Paris.

Tout est tombé à l’eau. Une quarantaine de représentations ont été annulées jusqu’à présent.

Hélène Blackburn en a long à dire lorsqu’on lui demande quels sont les impacts de la pandémie sur sa compagnie, au-delà du bouleversement de son calendrier.

«Je travaille avec des athlètes. Les danseurs sont de grands artistes du corps. Le confinement est extrêmement exigeant et contraignant pour eux», dit-elle d’emblée, ajoutant: «c’est difficile pour tout le monde, pas seulement les artistes. C’est difficile juste de se projeter dans la semaine prochaine!»

Les mesures de sécurité instaurées depuis le mois de mars affectent grandement les arts de la scène, qui se voient dans l’impossibilité de présenter des spectacles au Québec au moins jusqu’au 31 août.

La situation est d’autant plus complexe pour les compagnies qui se produisent majoritairement à l’international, comme Cas Public, qui y donne environ 110 représentations par an. «On avait des cycles comme une horloge. On était en tournée d’octobre à juin, j’étais partie presque six mois par année», relate Hélène Blackburn.

Se réinventer à l’écran

Refusant de se laisser abattre par la situation hors du commun, la chorégraphe tente de réinventer sa pratique. Comme les danseurs doivent s’entraîner à la maison, elle a eu la bonne idée de leur confier l’animation d’ateliers d’échauffement en direct les lundis et jeudis à 11 h.

«Avant de faire une répétition ou un spectacle, on commence toujours par ce qu’on appelle une classe d’entraînement, d’un minimum d’une heure. Ce sont des exercices pour réchauffer le corps et améliorer les performances, explique-t-elle. On s’est dit : “Pourquoi n’ouvrirait-on pas une classe au public?”»

La semaine dernière, le danseur Jaym O’Esso a animé avec un entrain et un enthousiasme contagieux une séance d’entraînement à la barre (avec un dossier de chaise!) sur le compte Instagram de la compagnie. Cette semaine, la chorégraphe invitée Chantal Dauphinais a offert une séance de Pilates depuis chez elle.

«Nos classes sont ouvertes à tout le monde, parce qu’il y a un besoin de partage. Mais ça ne remplace pas l’expérience de scène», rappelle Hélène Blackburn.

«Je ne sais pas si c’est le temps de célébrer. Sans être négative, je me dis qu’il faut réinventer le présent. On n’est plus à 30 ans; on est peut-être à l’an 1. Le temps est suspendu. Il prend une dimension complètement différente.» Hélène Blackburn, fondatrice et directrice de Cas Public, dont c’est le 30e anniversaire cette année

L’exercice s’avère néanmoins positif pour la compagnie réputée pour son engagement dans la communauté. Elle peut ainsi rester en contact avec son public. «Oui! Et même, on  développe un nouveau contact, s’enthousiasme la chorégraphe. On crée des liens qui n’existaient pas avant.»

L’artiste découvre aussi qu’il est possible de travailler par vidéoconférence. «Je développe une coproduction avec une compagnie espagnole. Contre mauvaise fortune bon cœur, on commence à faire un premier travail préliminaire à partir des outils qui nous permettent de travailler à distance. En gros, ça se fait! lance-t-elle au bout du fil en riant. Ce n’est pas l’idéal, ce n’est pas le même raffinement que de travailler directement avec les danseurs, mais il est possible de dégager une première trace de travail.»

Si le beau temps finit par revenir pour de bon, la chorégraphe aimerait présenter de courtes chorégraphies dans les lieux publics montréalais. «J’ai des danseurs qui vivent ensemble, donc on pourrait créer des duos. Cette forme m’interpelle beaucoup, probablement à cause du confinement, réfléchit-elle à voix haute. Je commencerais par deux duos avec des danseurs qui partagent le même espace. Puis, je ferais des duos [en distanciation sociale] avec des danseurs qui ne partagent pas le même espace.»

Autre idée née du confinement: inviter des artistes de partout dans le monde à donner des classes à ses danseurs par vidéoconférence. «Ça ouvre des possibilités», résume-t-elle.

«Certaines des habitudes qu’on est en train de créer qui vont perdurer. Par exemple, les réunions. On voit qu’on est capable de faire ça chacun dans nos maisons à heure fixe et de boucler ça en 30 minutes. On peut accomplir beaucoup en travaillant autrement. On est dans cette réflexion. Ça va changer beaucoup de choses de manière positive.»

Bien sûr, Hélène Blackburn aurait souhaité innover en des circonstances moins dramatiques. «Je ne veux pas jouer aux Bizounours, en disant: “On va se réinventer et créer autant qu’on a perdu”. Non, ça je n’y crois pas. C’est une grosse épreuve. Pour beaucoup de gens qui perdent des proches, ce sont des moments très importants.»


Vers un retour en studio

À défaut de monter sur scène dans les prochains mois, les danseurs pourraient bientôt retourner en studio pour s’exercer, a fait savoir le Regroupement québécois de la danse à Métro. Une rencontre par vidéoconférence a eu lieu en début de semaine afin d’«échanger sur les conditions nécessaires au retour en studio, sur les mesures sanitaires à proposer à la direction de la Santé publique pour obtenir son feu vert et sur les mécanismes à mettre en œuvre solidairement pour rendre les espaces disponibles à un maximum de personnes». 

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