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Festival OFFTA: un entre-deux à inventer

festival OFFTA
805-4821 des artistes de Winnipeg, Davis Plett et Gislina Patterson Photo: Callie Lugosis/Collaboration spéciale

Comment repenser entièrement la programmation d’un festival d’arts vivants à deux mois de sa diffusion? En faisant preuve de résilience, d’audace et d’inventivité. C’est ce qu’a fait le OFFTA, qui aura lieu dans un format «déconfiné» du 22 au 32 mai. Oui, vous avez bien lu: 32 mai. Entrevue avec son directeur général et artistique Vincent de Repentigny et coup d’œil sur quelques œuvres qui y seront présentées.

La programmation du OFFTA était pratiquement bouclée avant qu’une pandémie mondiale ne cause la fermeture subite de tous les lieux de rassemblement.

Deux choix se sont offerts aux organisateurs: annuler cette édition – comme a dû le faire le Festival TransAmériques (FTA), événement international qui se tient habituellement aux mêmes dates  – ou adapter les œuvres aux règles de sécurité. «On a pris le parti pris de l’action», résume le directeur général et artistique de l’événement, Vincent de Repentigny.

Comme le confinement pourrait affecter encore longtemps les arts de la scène, il faut réinventer les pratiques, croit-il. Le OFFTA ayant le mandat d’innover et d’explorer, il allait de soi qu’il devienne un laboratoire en ce sens.

Comment se réinventer? Notamment en créant des 32 mai, concept inspiré du roman L’évasion d’Arthur ou La commune d’Hochelaga de Simon Leduc, et qui a pris un tout autre sens dans les dernières semaines.

«On y pensait bien avant que cette crise éclate, souligne le directeur. L’idée était de déjouer le temps, mais la réalité nous a tellement rattrapés que le 32 mai est devenu autre chose. C’est devenu l’endroit entre le passé, qui était “la norme” et ce qui viendra ensuite. C’est un espace entre les deux à inventer.»

Cet «hyper présent» à durée indéterminée est l’occasion de tester de nouvelles idées, les bonnes comme les mauvaises. «Qu’est-ce qu’on veut transformer pour la suite? Le 32 mai, c’est cet exercice.»

«Le milieu artistique se réinvente continuellement et il le fera toujours.» Vincent de Repentigny, directeur du OFFTA

Les arts vivants comme le théâtre, le cirque et la danse existent au contact avec le public. C’est pourquoi la plupart des œuvres présentées au OFFTA permettront d’être en interaction avec les créateurs.

Le défi: ne pas se contenter d’un festival de vidéoconférences, ce qu’est déjà devenu le quotidien de plusieurs. Une réflexion a été amorcée pour chaque projet afin de déterminer le format correspondant le mieux à son essence.

Certaines œuvres seront livrées par la poste, d’autres narrées au téléphone. On pourra même apprécier des créations sur Twitch et Google Docs! (Plus de détails ci-contre)

Le tout est offert gratuitement, avec la possibilité de faire un don au festival. Il était primordial de demeurer accessible. «Si on veut que le public participe à la conversation, il faut enlever le maximum de barrières», explique son directeur.

Il fallait aussi enlever un peu de pression sur les artistes, qui se lancent dans le vide en présentant des créations revisitées dans l’urgence. «Tout a émergé il y a six semaines, c’est fragile. On veut que les spectateurs soient au maximum dans une posture d’ouverture. On ne vient pas voir une performance rodée, on vient voir des expériences.»


Prologue

Afin de présenter cette pièce inspirée du grand récit iranien Shâhnâmeh (Le Livre des Rois) devant public en toute légalité, le dramaturge et comédien Mani Soleymanlou et la Jeune troupe du Quat’sous offriront des performances sous la formule «un acteur, un spectateur».

Les comédiens livreront leur création à l’extérieur, dans un parc ou encore sous un balcon. Ces représentations intimes seront filmées, puis partagées en ligne. «Ça permet d’interroger le rapport avec les spectateurs, souligne le directeur du OFFTA. Soudainement, l’outil numérique devient une façon d’assister à chacun de ces moments uniques.»

Projections posthumanistes: pour une réflexion ouverte

Les artistes Dominique Leclerc et Patrice Charbonneau-Brunelle poursuivent leur exploration et leur réflexion sur le corps humain dans cette suite de la pièce de théâtre Post Humains, présentée à Espace libre l’an dernier. Cette fois, ils font appel au public en lui demandant: qu’est-ce qu’on devrait changer de l’espèce humaine?

À la fin du festival, après avoir colligé les propositions reçues, le duo approfondira sa réflexion en compagnie d’un panel d’experts composé notamment de philosophes.

«On pourra voir ce que ça offre comme possibilités pour l’être humain du futur, commente Vincent de Repentigny. J’ai hâte de voir ce que les gens vont avoir proposé et ce que ça va susciter comme réflexion.»

805-4821

Le duo d’artistes de Winnipeg formé de Davis Plett et Gislina Patterson ne pourra se déplacer à Montréal pour le OFFTA, mais il pourra partager son récit de coming out trans en l’écrivant en direct… sur Google Docs!

«À la base, leur création devait être présentée en salle à l’aide d’un rétroprojecteur, relate le directeur du festival. Avec la pandémie, on s’est demandé : quel est le moyen de transmission le plus riche pour raconter cette histoire?»

La réponse: une performance virtuelle d’écriture en direct, un format inédit pour les deux artistes.

Nous campions loin des endroits où la mort nous attendait

L’artiste interdisciplinaire Hugo Nadeau a créé le jeu vidéo de survie Nous aurons, qui se déroule dans un Québec «un peu anarchiste-communiste-post-apocalyptique», selon les dires de Vincent de Repentigny. À défaut de pouvoir l’adapter sur scène comme prévu, l’artiste le présentera directement sur la Mecque des gamers: la populaire plateforme Twitch.

Tous les jours à minuit, muni de son casque d’écoute et de sa webcam, il expliquera son jeu aux internautes. «Le contexte l’a forcé à revenir à l’état numéro 1 du jeu vidéo : la solitude. Plutôt que de faire venir des spectateurs dans le jeu, on va là où sont les joueurs. Ceux-ci se trouveront confrontés à un univers éloigné du jeu vidéo traditionnel.»

Errances

Mélanie Binette a créé un parcours déambulatoire sur le lieu du décès de son père, la Place des Arts. Au départ, elle devait faire vivre cette expérience au croisement de la réalité et de la fiction sur place, en tenant la main des spectateurs.

«La crise l’a fait réfléchir au deuil: celui qu’on vit tous à différents niveaux en ce moment, et celui qu’elle a vécu», explique Vincent de Repentigny. Dans ce contexte, sa création a pris un nouveau sens. À défaut de pouvoir accompagner le public en personne, elle a enregistré son projet en format audio. Les auditeurs pourront suivre son parcours en solo dans leur quartier.

SLippery SLit

«Je veux que tu bouges avec moi. tout le monde se fout de quoi ça aura l’air désormais. c’est bien d’être oublié·e. suis seulement ma respiration. ta maison, tes règles, tu ne peux pas te tromper. je suis fier de toi. tu es excellent·e. Appelle-moi au xxx-xxx-xxxx et je te parlerai. détache-toi de tes pensées intelligentes. tu le mérites. viens avec moi et nous irons au-delà.»

Voilà un extrait du résumé de l’œuvre de Nate Yaffe telle que présentée sur le site du OFFTA.

L’artiste expérimental montréalais s’intéresse au rapport du corps en mouvement. Pour les besoins de la cause, sa performance dansée se fera au téléphone. «Plutôt que de la jouer lui-même, l’artiste a transposé sa création dans une forme d’accompagnement un peu ésotérique», détaille Vincent de Repentigny. Au bout du fil dans le confort de son foyer, le spectateur tiendra ainsi le rôle-titre.

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