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Stromae & le label Mosaert: «On a toujours cherché à être inclusifs»

Stromae & le label Mosaert: «On a toujours cherché à être inclusifs»
Stromae lors d'un concert à Austin le 18 mars 2015 Photo: Michael Loccisano/Getty Images for SXSW

Le label Mosaert célèbre son 10e anniversaire avec un nouveau logo et une nouvelle collection de prêt-à-porter 100% éco-responsable. Paul Van Haver alias Stromae, Coralie Barbier, et Luc Junior Tam, le trio à la tête du label créatif, font le bilan de cette première décennie de musique, de production, et de mode, reviennent sur ces changements et évoquent leurs nouveaux projets. Rencontre.

Qu’est-ce que ça fait d’avoir 10 ans ?
Stromae: Ça fait bizarre. Ça va très vite, et ça vieillit un peu. Si je me souviens de ce qu’on faisait il y a dix ans, Luc faisait encore des études il me semble, et moi j’étais encore dans ma chambre chez ma maman donc ça remonte vraiment. Aujourd’hui, Coralie est avec nous, elle s’occupe de la marque de vêtements, entre-temps elle nous a aidés pour le clip de Papaoutai, Luc a fait d’autres clips aussi… Bref, ça fait bizarre. On n’a pas l’habitude de regarder dans le rétroviseur, on le fait pour la première fois. Et finalement, on se dit qu’on n’a pas trop chômé.

Luc Junior Tam: Spontanément, j’allais dire ‘on a vraiment pris un coup de vieux’, mais finalement c’est super positif. On fête nos 10 ans et ça permet de regarder ce qu’on a fait de bien ou de mauvais, tout en relativisant car au final c’est vraiment positif. Donc c’est vraiment une fête !

Qu’est-ce qui a changé en une décennie ?

Coralie Barbier: On est déjà beaucoup plus dans l’équipe. Quand j’ai rencontré Paul et Luc, il n’y avait pas de bureaux, on faisait des réunions dans des hôtels à des horaires pas possible, entre deux clips. Le premier truc qui me saute aux yeux, c’est que l’équipe Mosaert dispose aujourd’hui de vrais bureaux, d’une vraie organisation.

Luc Junior Tam: Je n’allais pas forcément répondre ça, mais tu (Coralie, ndlr) as trop raison. C’est vrai qu’aujourd’hui il y a une société comme on peut se l’imaginer dans l’inconscient collectif avec une équipe, des bureaux, des habitudes, et ça nous permet de fonctionner de manière encore plus effective.

Stromae: Oui, ça commence vraiment à ressembler à une société de vieux en fait (rires).

Les secteurs dans lesquels vous évoluez ont aussi beaucoup changé en dix ans, non ? 

Stromae: Oui, c’est vrai. Je vais répondre pour le domaine que je connais le mieux, la musique. En sept ans, tout a changé dans la manière de consommer la musique. Aujourd’hui, le streaming fait 70% du chiffre, ce n’était pas du tout le cas à l’époque, donc tout évolue très vite et il faut constamment se mettre à jour.

Luc Junior Tam: Tout a changé dans la manière de promotionner la musique aussi, de par les modes de consommation justement. Je trouve par exemple que les visuels, les clips, le concept sont aujourd’hui très importants. Il y a 10 ans, on nous regardait comme des extraterrestres mais au final aujourd’hui ça a pris une dimension super importante. C’est même indissociable de la communication d’un artiste. Aujourd’hui, il faut venir avec un visuel fort et je pense que c’est lié aux nouveaux modes de consommation de la musique.

Une page se tourne pour cet anniversaire avec la refonte totale de votre identité visuelle. Pourquoi avoir pris cette décision ?

Luc Junior Tam: L’anniversaire n’est pas forcément la raison principale. On a toujours envie de toucher le public artistiquement parlant, et le but est que le public soit touché presque instinctivement. Et du coup, on s’est dit que ça serait cool de présenter un logo qui nous représente, et qui représente aussi la diversité des secteurs sur lesquels on évolue, mais qui peut aussi représenter le pont entre ces différents secteurs. Après une longue réflexion de six mois, on a trouvé ce logo qui nous permet de mieux faire comprendre qui on est.

A quoi ressemble le nouveau logo ?

Stromae: C’est un nuage, et en même temps un «M», qui évoque l’aspect créatif que nous avons tous les trois en commun. La pierre angulaire, c’est vraiment la créativité, et le nuage évoque aussi le rêve.

Luc Junior Tam: Le nuage s’est très vite imposé à nous car ils nous représentent en train de réfléchir à de nouveaux projets, de rêver. Il est multicolore car ça fait référence au côté fantasme, et un nuage gris aurait été clairement trop terne.

Coralie Barbier: On avait aussi envie qu’il soit facilement lisible. C’est une chose qui est importante dans chacun de nos projets. On essaie toujours de faire en sorte qu’il y ait une double lecture ou une lecture simple, compréhensible pour tous les âges et toutes les cultures.

La nouvelle collection, la «Capsule 6», se distingue des précédentes par sa sobriété en matière de couleurs et d’imprimés. Pourquoi ce choix ?

Coralie Barbier: On voulait vraiment mettre les 10 ans et le logo au centre de la collection, et donc ça semblait logique d’être plus épuré autour du nuage. L’envie était d’avoir quelque chose de plus sobre, de plus facile à porter, et de pouvoir vraiment faire ressortir les couleurs de ce logo pour qu’il soit plus flash, avec des couleurs plus sobres même s’il y a une résonnance car il y a une gamme de rose poudré et de vert kaki. On voulait des tons plus nature pour mettre en avant ce logo. C’est aussi la première fois qu’on fait des pièces unies, même si on s’est amusés avec notre nouveau logo pour créer des nouveaux pavages. Ca a toujours été la base de notre travail, donc il y aura toujours des imprimés dans nos collections.

La crise sanitaire a-t-elle eu un impact sur la collection ? 

Stromae : La production a été bloquée car beaucoup de nos fabricants se sont mis à faire des masques, à raison d’ailleurs, mais Coralie avait déjà fini les dessins bien avant la crise. C’était même très frustrant pour elle car, étant donné que la dernière Capsule est sortie en 2018, ça faisait long. Autant il n’y a pas de souci à se définir comme de la slow fashion, mais là c’était de la ‘immobile fashion’.

Vous avez aussi fait le choix du 100% éco-responsable. Est-ce que c’est un engagement qui a mûri au cours des 10 dernières années ?

Coralie Barbier: On a en fait commencé par une pièce, puis une autre, en se disant qu’un jour on arriverait à faire la totalité en éco-responsable. On a vu rapidement que ce n’était pas un mur infranchissable. Et là on y est parvenu en faisant du recyclé et du coton bio, et ça va jusqu’à nos étiquettes et nos boîtes d’envoi. Ca a été un processus long car il faut trouver des fabricants de tissus écologiques, et ça a été beaucoup de recherches, mais on est contents du résultat. Mais depuis le début de la marque, on était sur de la production en Europe – France, Belgique, Portugal, donc on s’inscrit là-dedans depuis le début.

Est-ce qu’on peut produire mieux, différemment et en faible quantité, et rester compétitif dans le monde de la mode ?

Coralie Barbier: Chacun a ses clients. Nous on a des clients qui privilégient le coup de coeur, la pièce unique. On a toujours eu de très faibles quantités, et on ne reproduit jamais. Quand il n’y a plus de vêtements, c’est terminé, on n’en fait pas plus. La conception en Europe avec des matières éco-responsables a forcément un coût, mais ça impacte moins le prix de vente car on vend beaucoup en ligne donc sans intermédiaire. Mais au plus les marques le feront, au plus ce sera accessible.

Luc Junior Tam: C’est sûr que pour les grandes enseignes, notamment la fast fashion, la transition écologique va être à la fois difficile et longue mais je pense qu’elle est inexorable.
La mode est actuellement en pleine mutation. Est-ce que l’éco-responsabilité est forcément la réponse à toutes les problématiques du secteur ?

Stromae: C’est l’une des réponses, oui. C’est la deuxième industrie qui pollue le plus, donc il est important d’agir en ce sens. Mais je pense que l’aspect éthique est aussi important, si ce n’est plus car l’humain passe avant. Les deux sont très importants en réalité.

Luc Junior Tam: Oui, l’éco-responsabilité ne va pas tout régler évidemment mais elle s’inscrit dans un mode de pensée de la consommation textile qui est différent. Le consommateur de demain, en tout cas le consommateur concerné par rapport à son empreinte écologique, est celui qui va se demander si les matériaux sont éco-responsables, mais aussi qui va acheter de la seconde main, et qui va s’intéresser aux conditions éthiques de production. L’éco-responsabilité ne va donc pas tout régler, mais c’est une grande solution.

Stromae: D’un autre côté, le consommateur n’a pas forcément l’énergie et le temps de faire attention à tout ça. Moi je le fais aujourd’hui, je fais très attention à ce que j’achète, mais je comprends que ça n’intéresse pas la majorité des foyers qui cherche avant tout à rentrer dans ses frais. Ca c’est la réalité.

Est-ce que c’est quelque chose que l’on peut appliquer aux autres activités de Mosaert (musique, production, direction artistique) ?

Stromae: Oui c’est une chose à laquelle on réfléchit. C’est en pourparlers, donc on ne peut pas entrer dans les détails. Mais bien sûr que dans tout ce que l’on fait ça a son importance. Après, ça concernerait plus les concerts car pour la confection c’est plus compliqué… Personnellement, j’ai uniquement besoin d’un ordinateur et d’un studio.

Les marques, artistes ou créateurs sont de plus en plus nombreux à s’engager en faveur de la diversité. Est-ce que ça pourrait être votre cas ?

Stromae: On a toujours cherché à être inclusifs, et on l’est depuis le début. Ca a commencé avec la première collection qui mettait en scène une famille à moitié noire et à moitié blanche. Si tout le monde s’y met, tant mieux, mais si c’est juste pour l’image et si c’est pour arrêter après, c’est dommage. L’important c’est que ça fasse changer les moeurs.

Comment voyez-vous le label dans dix ans ? 

Luc Junior Tam: La seule chose dont je suis sûr c’est qu’on sera sur des médiums sur lesquels on aura l’impression d’être pertinents, car c’est ça qui nous drive. On ne fait pas les choses juste pour les faire, il faut que ce soit singulier, que le message soit intéressant et compris donc peu importe que ce soit dans la musique, la mode, le cinéma ou le jeu vidéo, ça sera ça le point commun.

Et à quand un prochain album pour Stromae ?

Stromae: Pour le moment, on est à fond sur les deux prochaines collections, celle qui arrive le 24 septembre et celle qui arrive en 2021, donc le prochain album n’est pas à l’ordre du jour.

Luc Junior Tam: Ca rejoint exactement ce que l’on vient de dire. Quand on parle de pertinence, c’est tout à fait ça. Il y aura un album quand l’équipe sentira que c’est le moment. Mais ce n’est pas une question de refaire de la musique ou pas car Paul (Stromae, ndlr) n’a jamais arrêté de faire de la musique. A un moment, ça semblera pertinent de sortir un album, mais là ce n’est pas le moment.

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