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Kim Nguyen met Le nez dans les truffes

Photo: Yves Provencher/Métro

Dans Le nez, Kim Nguyen explore, au son d’opéra, de piano doux et de sonorités raffinées, l’univers des odeurs, ouvrant des boîtes de safran en même temps que celles des souvenirs.

«Je suis gamin dans l’âme; un vrai p’tit cul de cinq ans. Et le bonheur, pour moi, en cinéma, c’est qu’on m’encourage à le rester le plus longtemps possible. Rester émerveillé tout le temps, c’est un peu ma job!» dit Kim Nguyen, dans un grand sourire. Cet émerveillement de p’tit cul, il le traduit dans Le nez, son nouveau film, qui ouvre ce soir les Rencontres internationales du documentaire de Montréal. Produit par Lucie Tremblay, le long métrage explore «le lien cognitif entre l’odorat, l’émotion, les souvenirs, la sexualité et le désir».

Au fil de cette épopée, Kim Nguyen rencontre, et nous avec lui, des personnages aussi intéressants que colorés. Comme Guido Lenssen, le créateur de Vulva Original, parfum qui se passe d’explications. Ou Molly Birnbaum, une journaliste qui a perdu son odorat après un accident. Et puis Franco Canta, un chasseur et revendeur de truffes qui, tel un gangster, surveille ses arrières et traîne son fusil lorsqu’il fait ses livraisons.

Alors qu’il s’entretient avec cette bande de sympathiques protagonistes, Nguyen s’amuse. On l’entend d’ailleurs souvent en voix hors champ. Par exemple, lorsqu’il dit à une maîtresse de cérémonie du thé à quel point il est «content qu’elle prenne le temps» de bien humer les arômes du safran qu’il lui fait sentir. Ou encore, lorsque le Guido mentionné plus tôt lui lance que, outre avoir fabriqué le fameux Vulva Original, il a également fait… le chemin de Compostelle et que le cinéaste éclate de rire. «Je n’avais pas envie d’être trop omniprésent, mais j’ai décidé de laisser ça aller et de faire partie du documentaire», observe-t-il.

Dans ce film, celui qui nous a donné Rebelle et Truffe pointe aussi Le nez vers les astres. Hormis les plans d’anis étoilé (clin d’œil du réal à ses racines – et à la soupe – vietnamiennes), on entend le cuisinier français Olivier Roellinger raconter que lorsqu’il était petit, il croyait que chaque étoile avait son odeur. L’astronaute Chris Hadfield, quant à lui, confie à la caméra que «la plus grande question qu’on se pose tous, c’est qu’est-ce que ça sent dans l’espace?» (Une question que, parenthèse, on ne s’était personnellement jamais posée… «Moi non plus!» avoue le réalisateur en rigolant). Au sujet de ces parallèles, Nguyen souligne que c’est réellement au montage qu’ils se sont faits. «C’est un des trucs que j’aime du documentaire: on peut, sans attentes préconçues, aller capter des [éléments]. Il y a un bonheur quand les gens vous disent: “J’aimerais vous raconter quelque chose”, que tu pars la caméra – go! go! – et que ce que tu reçois n’est pas du tout ce à quoi tu t’attendais.»

Notons toutefois que si le ton global du film est léger – et c’est voulu –, il y a également un segment plus sombre qui évoque le 11 septembre. Alors qu’une dame raconte l’odeur de «remous chimiques» qui accompagnait «la destruction des tours et les feux», Kim Nguyen fait défiler des photos de la tragédie. Étrange phénomène: c’est davantage la mention de l’odeur en question que les photos qui risque de venir chercher le spectateur, de le troubler, de le remuer. Serait-ce qu’en cette époque de déferlante d’images, c’est par l’odorat qu’on peut encore atteindre les âmes rendues blindées contre tout, ou presque, visuellement? «Peut-être, hein? répond Nguyen après un moment de réflexion. Cela dit, une chose qui est triste, c’est que les commerces se sont rendu compte que certaines odeurs stimulent la consommation. Elles la font augmenter d’environ 25%. Ce n’est pas dans le film, car ce serait devenu un autre documentaire. Et je voulais que ce film-ci soit vraiment un truc de plaisir.» Il l’est.

Le sens du 7e art

  • L’odeur qui vous évoque votre enfance? «Mon enfance? Je ne sais pas… Ah! Un plat que mon père me faisait, à base de bœuf et de vermicelles.»
  • Votre relation au classique Le parfum, de Patrick Süskind? «J’ai trouvé ça extraordinaire! Le film [de Tom Tykwer], je l’ai trouvé moins achevé, mais j’ai a-do-ré le livre. Je me suis toujours dit qu’il faudrait que je me promène dans Paris et que je lise les scènes au fil des rues. Prochain projet!»
  • Des documentaires qui vous ont marqué? «Le profil type du [documentaire] très structuré, c’est The Imposter [de Bart Layton]. De l’autre côté, il y a La bête lumineuse, de Perrault. Je les trouve tous deux extraordinaires, mais ils sont tellement différents [l’un de l’autre]!»

Le nez
Au Théâtre Hall de Concordia
Mercredi soir à 19 h

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