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La technologie au service de l’art

Photo: Quayola

Le pionnier de l’art numérique Davide Quayola détourne et défigure deux chefs-d’œuvre de la peinture au festival Elektra.

Jusqu’à dimanche, les amateurs d’art et de culture numérique se donnent rendez-vous au festival Elektra, qui célèbre cette année sa 16e édition. Davide Quayola, un des artistes dont le travail a retenu notre attention, est un habitué du festival ainsi que des grandes manifestations telles que la Biennale de Venise et Sonar, à Barcelone. Doté d’imprimantes 3D, de lasers et de plusieurs disques durs bourrés de logiciels, ce pionnier de l’art numérique déshabille les plus grands chefs-d’œuvre de la peinture, faisant sauter toute notion d’iconographie et évacuant tout trait distinctif de ces toiles. Il donne ainsi vie à des squelettes d’abstraction visuelle qui invitent à la contemplation et exposent à leur façon la mécanique derrière les œuvres originelles.

Provoquant des collisions inattendues entre le figuratif et l’abstrait, entre le réel et l’artificiel, et entre la tradition et l’innovation, le corpus de cet artiste italien est fascinant. À Elektra cette année, il présente Topologies, une installation audiovisuelle qui détourne et défigure joliment deux peintures classiques. Métro a joint Quayola dans son studio à Londres pour discuter du regard très désincarné, propre aux nouvelles technologies, qu’il pose sur des piliers de l’histoire de l’art.

Pourquoi avez-vous choisi les tableaux Les Ménines, de Velázquez (1656), et L’Immaculée Conception, de Tiepolo (1767) pour ce diptyque audiovisuel?
Ces tableaux font partie de la collection du Musée du Prado à Madrid, et ont été parmi les premiers à être numérisés par Google pour son Art Project. Google collabore avec différents musées et a déjà passé au scanner plusieurs chefs-d’œuvre en très grande résolution. On peut faire un zoom et naviguer sur ces tableaux comme s’il s’agissait de cartes. Ça ressemble drôlement à la technologie déployée pour Google Maps.

Il est inspirant de constater qu’on peut contempler un chef-d’œuvre d’une façon que son créateur n’aurait jamais pu imaginer.
En effet! Ma démarche implique une vision informatique qui interprète de façon erronée ces tableaux, afin d’y découvrir de nouveaux éléments. Ce qui m’intéresse le plus dans cette abstraction numérique, ce n’est pas le résultat, mais cette discordance entre l’objet initial et la réalisation finale.

«La technologie me fascine. Pas tant pour tous ces logiciels à la fine pointe nous permettent d’inventer des trucs hyper sophistiqués, mais plutôt parce qu’elle nous permet de voir le monde dans lequel on vit sous un nouvel éclairage.» – Davide Quayola

Est-ce important que votre public connaisse déjà les œuvres que vous disséquez à l’aide de méthodes informatiques? Qu’il soit familier avec toutes ces couches d’iconographie visuelle que vous épluchez?
Oui et non. Déjà, je m’assure que les spectateurs ne puissent pas reconnaître la matière première avec laquelle je travaille. Mon but est l’abstraction totale. Cela étant dit, il est aussi très enrichissant de contempler ces images quand on connaît les œuvres qui les ont inspirées. Je m’assure toujours d’inclure une légende explicative présentant les œuvres originales à l’entrée de l’exposition.

On sent à l’heure actuelle un vent de changement dans le milieu de l’art contemporain, alors que les grands musées et certaines manifestations prestigieuses comme la Biennale de Venise endossent les artistes dits «numériques», après les avoir très longtemps boudés. Ça vous rassure?
Oui! Tranquillement, les œuvres autrefois qualifiées de «numériques» et de «médiatiques» perdent ces qualificatifs, pour devenir simplement… de l’art! Je crois que ça incite les commissaires de musées et de galeries à se rallier derrière notre démarche. Pendant un certain temps, les grands décideurs de l’art ont été un peu rebutés par les croisements entre les arts numériques et les mondes de la publicité et du design, mais je crois qu’on a aujourd’hui une meilleure compréhension générale de notre travail.

Topologies
À la Cinémathèque québécoise
Jusqu’au 28 juin

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