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Ordonnance électronique de La Fleur

Photo: collaboration spéciale

La DJ et productrice de tech-house La Fleur parle de son héritage musical suédois et du caractère unique de l’offre en matière de nightlife à Berlin.

Elle figure sur la très courte liste des productrices les plus estimées du tentaculaire circuit berlinois. Elle déploie son savant dosage de house tribale et de techno ténébreuse depuis des années comme DJ en résidence du Watergate, un des légendaires repaires électroniques de la capitale allemande. Elle trône en tête des influents palmarès de Resident Advisor et a remporté un prix P3 Guld, soit l’équivalent suédois d’un Grammy. Elle a même récemment fêté le cinquième anniversaire de son label, Power Plant Records. Pourtant, le parcours de Sanna La Fleur Engdahl, une ex-pharmacienne de Stockholm, ne laissait en rien présager qu’elle connaîtrait une telle carrière musicale.

Tout a basculé pour elle le jour où elle est tombée sur la French Touch de Daft Punk dans un festival. «Ma réaction fut émotionnelle et immédiate!» se souvient-elle. Mais les poster boys de l’électro parisienne ne sont pas les seuls à l’avoir incitée à troquer les feuilles d’ordonnance pour des caisses de vinyles. En fait, elle montre surtout du doigt… la foisonnante culture musicale de son pays natal, responsable de Kent, The Knife, le superproducteur pop Max Martin (Taylor Swift, Madonna) et de tout un tas d’artistes issus de la péninsule scandinave, trop nombreux pour tous les nommer. «Notre héritage, c’est une musique folklorique très mélodique, aux rythmes soutenus. Parmi ses descendants contemporains, on n’a qu’à penser à toute la vague de techno suédois, avec des gars comme Cari Lekebusch, Joel Mull et Adam Beyer.»

En tant que citoyens d’un autre grand pays nordique, on adhère illico à sa théorie pour expliquer la surreprésentation des musiciens suédois à l’étranger. «Je crois que ça tient au fait qu’il fait noir (et froid!) pendant une très grande partie de l’année en Suède. Tu n’as d’autre choix que de t’enfermer et de te tenir bien à l’abri de dame Nature… Beaucoup de gens se tournent alors vers la création pour passer le temps», nous dit cette jeune mère, qui se décrit elle-même comme un véritable bourreau de travail.

Certains sont convaincus qu’être productrice de musique électronique s’accompagne d’un train de vie jet-set, mais Sanna nous dira que passer des après-midis à se trémousser sur les plages de stations balnéaires en prenant des selfies, très peu pour elle. Celle qui a déménagé à Berlin il y a huit ans pour vivre au quotidien dans l’épicentre des basses fréquences a décroché son premier succès avec Flowerhead, un morceau que divers labels ont d’abord refusé avant qu’elle se retrousse les manches et lance sa propre étiquette (Power Plant Records, 2010) pour le faire paraître, convaincue que les mélomanes seraient au rendez-vous (résultat : toutes les copies se sont écoulées en deux semaines).

Bien sûr, il peut sembler contre-intuitif de lancer un label indépendant à une époque où les ventes de disques sont en chute libre. Surtout qu’en 2010, lorsqu’elle a démarré l’aventure, son étiquette vendait strictement du vinyle. Mais elle a mis le paquet pour faire connaître son label: elle a créé une collection «capsule» de vêtements unisexes aux coupes minimalistes et monochromes, et fait appel à des illustrateurs et des peintres émérites pour offrir une valeur ajoutée aux pochettes de ses albums. Rien d’étonnant, donc, à l’entendre affirmer qu’elle est animée par une passion incommensurable pour l’art. «Si tu vends tous tes exemplaires, peut-être que tu peux atteindre le seuil de rentabilité. Mais ce n’est pas une business qui va te permettre de gagner ta vie, c’est certain.»

«J’ai déjà joué en hiver dans le nord de la Suède, dans des fêtes extérieures, mais ça fait déjà plusieurs années. Montréal boucle ma tournée des Amériques après…le Brésil et le Mexique! Je pense avoir besoin d’un manteau…»

La business qui roule à merveille, c’est bien sûr le tourisme que suscite la scène électronique de Berlin – la ville est désormais le point culminant d’un pèlerinage pour des fêtards venus des quatre coins du monde. Certains viennent s’abreuver d’une vaste sélection de rythmes; d’autres ne s’intéressent que de façon très périphérique aux artistes. Le Watergate, club où elle officie, a même dû essuyer les critiques de gens qui décrivaient l’endroit comme un Disneyland du nightlife berlinois.

Bien que Sanna comprenne ceux qui se sentent froissés par l’afflux massif de noctambules de tout acabit à Berlin, elle estime que les patrons de ces boîtes déploient tous les efforts imaginables pour ne pas perdre ce qui a rendu la scène si unique. «Les Berlinois demeurent admirablement authentiques, souligne-t-elle. Beaucoup de ces endroits sont dirigés par des gens qui font partie de la scène depuis toujours. Ils sont avant tout des passionnés de musique. Les gens s’impliquent pour les bonnes raisons. Prenons Watergate, par exemple. Les gens qui y travaillent forment une famille. Certains ont commencé en y lavant la vaisselle ou en débarrassant les tables. C’est très spécial. Le cœur et l’âme y sont toujours, et c’est pour cela qu’aucune autre ville n’arrive à la cheville de Berlin.»

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