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Berlinale: How Heavy this Hammer, une imposante fragilité

Photo: MDFF

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S’auto-définissant comme la «section la plus osée de la Berlinale», le volet «Forum» est dédié, entre autres, au cinéma expérimental, d’avant-garde, qui «explore des contrées différentes». How Heavy this Hammer, du Torontois Kazik Radwanski, semble taillé sur mesure pour y être présenté. En plus, ça fait trop plaisir au cinéaste. «J’adore ce festival. Et j’aime vraiment le Forum. Surtout le Forum.»

Le titre laisse d’emblée présager quelque chose de particulier. How Heavy this Hammer. Combien lourd ce marteau. «Les interprétations peuvent être variées. C’est peut-être un peu ironique. Peut-être un peu sarcastique. En même temps, c’est complètement sérieux», remarque Kazik Radwanski.

Coiffé de cette phrase comme une énigme, ce long métrage est aussi, surtout, note le réalisateur et scénariste «un film très personnel».

Dans cette œuvre, on flotte entre le malaise, le sourire, la peine. Tout étant filmé en gros plan, on n’échappe à rien. On est pris là, avec un père de famille qui traverse une passe rude. Du moins d’un œil extérieur. Car lui, s’en rend-il seulement compte?

Ce colosse qui porte le nom d’Erwin s’énerve contre sa femme, devient irritable avec ses enfants, mange trop et mal, fait de l’insomnie, puis s’endort, mais jamais aux bons endroits. Le seul moment où il semble heureux, ou du moins, pas trop grognon, c’est lorsqu’il joue à un jeu vidéo dans lequel des Vikings s’entretuent. Il en est d’ailleurs convaincu : dans une autre vie, il était l’un de ces personnages.

«C’est une chose que mon père disait toujours, remarque Kazik Radwanski dans un sourire. Qu’il aurait été plus heureux dans une autre vie, s’il avait été un Viking.»

La résonnance très personnelle de ce film vient de là. «Beaucoup de moments sont inspirés de souvenirs de mon père.» Mais s’il vogue souvent en eaux tristes, montrant les regards gênés des deux garçons quand leur père pique un somme et ronfle au cinéma, ou qu’il pionce au resto, Kazik Radwanski n’a pas voulu rendre cette parcelle de vie glauque et déprimante. «Je trouve beaucoup de ces moments très drôles!» s’exclame-t-il.

Du reste, le célèbre site Indiewire a qualifié son œuvre de «singulièrement drôle». Il trouve ça juste? «Oui! J’aime ça! Dans un film, il faut qu’il y ait de l’humour, de la spontanéité ou quelque chose d’inattendu. Si c’est trop sérieux, ça ne fonctionne pas. Surtout avec un personnage tel qu’Erwin. Ça serait trop lourd.»

Parmi ces instants inattendus, on note ces scènes où le mastodonte s’époumone avec ses imposants potes de rugby dans le jacuzzi, scandant des chansons, ra ra ra. Parmi les plus tendres, on retient celles où il fredonne, seul au volant, des airs de son pays. Car l’homme vient d’ailleurs, sans que ce soit explicité plus qu’il ne faut, sans que ça paraisse vraiment autrement que par l’accent qui teinte son anglais. «J’aimais ça, que ce soit privé, propre à lui, que personne d’autre ne parle sa langue, qu’il ait, en quelque sorte, sa propre chanson.» Sans en faire «une histoire d’immigration clichée», comme il dit, Kazik a souhaité parler d’identité. «Je pense que c’est une expérience typiquement torontoise! Mon grand-père était polonais, il a fui en Angleterre durant la guerre, il a eu cinq fils, et il est arrivé au Canada. Je trouve ça surprenant quand je rencontre quelqu’un dans la ville dont les parents sont nés ici. Toutes les mères et tous les pères des gens que je connais viennent d’ailleurs.»

Avec ce film qui sera présenté encore trois fois à Berlin, le jeune cinéaste laisse plusieurs questions ouvertes. De quel mal souffre ce père aimant mais maladroit, colérique, qui peut devenir une terreur sur le terrain de rugby avec ses potes, mais s’effondrer une fois rentré sur son canapé? «Je voulais montrer ces contrastes, entre un personnage qui peut plaquer un autre homme sans souci, mais qui, en même temps, est émotionnellement vaincu.»

Et la raison de ces contrastes demeurera inexpliquée. «Est-ce qu’il y a quelque chose qui cloche chez lui? Est-il malade? Ou juste paresseux? Je ne connais pas la réponse. Je ne pense pas qu’il y ait de diagnostic facile, de pilule qu’on pourrait prendre pour tout régler. Je pense que la vie est nettement plus compliquée que ça.»

Expérience locale

Art Berlinale Kazik RadwanskiHow Heavy this Hammer se déroule en plein cœur de Toronto. Et le cinéaste, Kazik Radwanski, prend le temps de nous situer de manière exacte. Dans une scène, le protagoniste principal pointe à ses fils les écriteaux des rues au coin desquelles se trouve son nouvel appartement. «Regardez les garçons, regardez : Bloor et Landsdowne». Le centre de la Ville Reine, quoi.

Présent pour une quatrième fois à la Berlinale, Kazik rappelle qu’il est également sur place afin de présenter un autre film, Tales of Two Who Dreamt, à titre de producteur. Un film «sur les immigrants hongrois vivant au coin de Landsdowne et Queen, soit à quelques rues de là où j’ai tourné How Heavy this Hammer». «En voyant cette histoire, on croirait presque qu’on n’est pas à Toronto, ni même au Canada. Tout le monde parle une autre langue. Mais c’est la réalité! Et je trouve qu’elle n’est pas assez représentée dans le cinéma canadien-anglais. Être Canadien, ce n’est plus du tout la même expérience qu’autrefois. C’est désormais un mélange de cultures. Ce n’est plus “police montée et hockey”.»

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