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Une contre-attaque d’Airbnb qui tombe à plat au Québec

De nombreux logements montréalais sont transformés en véritables hôtel Airbnb. Photo:

Une nouvelle loi québécoise ne plaît pas au géant de la Silicon Valley Airbnb. Malheureusement pour l’entreprise, ses efforts pour convaincre les citoyens québécois de s’y opposer semblent plutôt les rallier contre elle. 

Voilà plusieurs jours que je reçois sur Twitter des publicités ciblées d’Airbnb pour m’inciter à me plaindre contre une nouvelle réglementation québécoise prévue cet automne, qui devrait encadrer d’une façon plus stricte la location temporaire de logements.  

«Exprimez vos inquiétudes avec nous! Le gouvernement du Québec envisage des projets de loi qui pourrait [sic] entraver le partage de résidence dans votre communauté. Cela réduirait les occasions financières pour vous et l’économie locale», plaide dans un français douteux le gazouillis qui s’affiche périodiquement sur mon téléphone. Lorsqu’on suit le lien au bas du message, un outil permet ensuite d’envoyer un courriel prérédigé à différents ministres de la province.

À lire les commentaires d’utilisateurs Twitter sous la publicité d’Airbnb, la demande ne semble toutefois pas résonner auprès des Québécois.

«Et le manque de logements pour les résidants montréalais, vous en faites quoi?», «Votre modèle d’affaires m’inquiète. La désinformation qui l’accompagne aussi», «Airbnb, c’est une tragédie à Québec», «Airbnb provoque une augmentation des prix des loyers. Vivement une loi!» : les utilisateurs Twitter sous la publicité sont unanimes. Le problème n’est pas la loi. Le problème, c’est Airbnb.

Une petite confession
Je suis un grand utilisateur d’Airbnb. J’ai profité de la plateforme des dizaines de fois aux quatre coins de la planète. Louer des appartements de particuliers m’a permis de résider dans des quartiers vivants de Berlin à Tokyo, de rencontrer des gens (j’opte habituellement pour une chambre et non pour un appartement complet) et de payer moins cher qu’à l’hôtel. 

Je n’ai jamais loué mon appartement, mais plusieurs de mes amis l’ont fait. Un l’affichait pratiquement toutes les fins de semaine et en profitait pour aller au chalet, alors qu’un autre louait le sien pendant ses vacances. 

Contrairement à Uber, qui ne fait qu’anéantir l’industrie du taxi en ne respectant pas les règles du jeu, Airbnb a beaucoup à offrir à la société. Au lieu de donner 250$ par jour à une multinationale hôtelière, je préfère certainement payer 100$ à quelqu’un et ainsi prolonger mes vacances. La plateforme facilite les échanges personnels et elle démocratise les longs périples. Le monde du voyage est mieux avec Airbnb que sans. 

Malheureusement, les citoyens ont raison de s’inquiéter. Pendant que mon ami loue son quatre et demi une fois par année, Airbnb est dominé par des hôtes qui transforment de multiples unités en véritables hôtels Airbnb. Plusieurs affichent même des dizaines de propriétés à Montréal. Selon une récente étude de l’Université McGill, 31 000 appartements locatifs auraient été retirés du marché au Canada à cause de cette tendance. 

Sur l’ensemble du pays, c’est peu, mais c’est suffisant pour se faire sentir dans les quartiers populaires, où les logements sont principalement convertis. 

Le projet de loi québécois n’empêchera pas cette pratique, mais il l’encadrera d’une façon plus claire qu’à l’heure actuelle et il permettra aux inspecteurs de Revenu Québec d’accomplir leur travail plus efficacement. Les villes sont aussi libres de resserrer la réglementation sur leur territoire. C’est notamment ce que compte faire Montréal en balisant les autorisations dans certains quartiers. La Ville de Québec limitera pour sa part à 90 le nombre de nuitées par année où un appartement peut être loué, et ce, uniquement s’il s’agit d’une résidence principale.

Une approche ville par ville, et même quartier par quartier, tient la route. La réglementation risque à terme d’être complexe, puisqu’elle pourrait parfois varier d’une rue à une autre, mais la pénurie de logements et l’explosion des prix sur le Plateau-Mont-Royal ne sont après tout pas forcément représentatives de la réalité à Sorel-Tracy. 

Airbnb a le droit de défendre ses intérêts lorsque des règlements affectent ses utilisateurs, mais si on se fie aux réactions suivant la publicité Twitter d’Airbnb, il semble qu’un peu de complexité administrative soit dans ce cas-ci considérée par plusieurs comme un prix très raisonnable à payer pour préserver un marché locatif sain. Je suis certainement l’un d’eux.

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