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La polarisation des ressentis et la loi 96 du Québec: une analogie

Photo: Archives
Loïc Brurat - Collaboration spéciale

Quand on lit la récente loi 96 qui tente de colmater les brèches de la loi 101, ainsi que la déclaration de notre Premier Ministre rappelant les droits constitutionnels d’une province canadienne sur son propre territoire, on peut y voir un regain de tensions entre les descendants loyalistes/britanniques et les Canadiens français du Québec.

Du côté anglophone, les réactions donnent généralement l’impression que les francophones du Québec tentent de les assimiler, que Trudeau soutient cette démarche «discriminatoire» pour obtenir les votes des Canadiens français parce qu’il est lui aussi francophone, et que la communauté anglophone n’est représentée dans aucun parti politique (note personnelle sur ce dernier point : qu’est-ce qu’ils attendent pour que cela soit le cas?).

Du côté des «Québécois», les réponses tendent plutôt vers un appel à l’autonomie, à l’autodétermination d’un groupe fondateur encore majoritaire dans la province, ou à une continuité de tout cela sur le plan historique (ou une lecture historique à partir de leur point de vue).

Certains anglophones semblent avoir du mal à tolérer, voire à accepter, l’«omniprésence» francophone dans la Belle Province, son identité culturelle et historique,  en rappelant à cette minorité francophone qu’elle a «perdu» la bataille des plaines d’Abraham (comme si c’était un problème à ce stade). Certains prétendent même que c’est à cette époque que les deux groupes fondateurs «concernés» se sont «mariés», soit avant même que le Traité de Paris ne formalise le tout en 1763…

Selon cette logique, les francophones semblent être un de leurs trophées, un peu comme ces hommes qui ont des pulsions sexuelles démesurées et qui pensent que tout ce qu’ils salissent leur appartient (pardon pour l’image crue, mais je vous prie de continuer avec moi encore un peu). Sans trop réfléchir à la notion de «consentement» de ce moment historique, pour qu’il y ait eu un «mariage», il faudrait que nous nous mettions d’accord ensemble sur la date de son anniversaire…

Alors que «l’épouse» [Québec] demande un moyen d’être responsable de son propre avenir (et que certains prétendent que c’est un divorce), «le patriarche» [reste du Canada] est très contrôlant et semble avoir peur qu’elle aille trouver «l’amour» ailleurs (ou de rester une sorte de mère monoparentale). Pendant ce temps, «les enfants» (je pense ici aux Néo-Canadiens et aux Premières Nations) doivent supporter les chamailleries et les bêtises du couple…

Les Français et les Britanniques (nos mères patries), ayant abandonné leurs responsabilités dans ce conflit, nous ont non seulement laissé le devoir de respecter les traités signés avec les Premières Nations, mais ils nous ont aussi abandonné comme deux solitudes qui refusent de s’entendre. Des siècles plus tard, maintenant que nous sommes livrés à nous-mêmes, nous pourrions être devenus des parents aussi mauvais et négligents qu’eux.

Du coup, ne serait-ce pas plutôt les Premières Nations qui ont agi comme des parents envers les orphelins ingrats que nous sommes devenus? Après tout, ce sont elles qui nous ont aidées à nous installer ici, non?

Pendant que certains d’entre nous déblatèrent sur notre passé historique que certains Canadiens ont en commun, nous oublions que le monde a changé depuis le 18e siècle. Le Canada étant un pays officiellement bilingue, pourquoi certains pensent-ils que nous pouvons parler librement en français, du moment que c’est en anglais… ou, serait-ce l’inverse? Peu importe!

Je ne m’explique pas cette bisbille permanente puisque les données du dernier recensement canadien (2016) révèlent que le Québec est la province la plus bilingue (devant toutes les autres provinces), et que la plupart des Canadiens français sont bilingues (85%) par rapport aux Canadiens anglais (7%). Je ne sais pas combien de temps encore nous pourrons nous contenter de perceptions unilatérales.

Pour notre propre bien et pour la stabilité globale du Canada, si nous visons vraiment un pays plus inclusif, nous devrions peut-être nous rencontrer différemment des généraux Wolfe et Montcalm, qui ont tous deux péri sur le même champ de bataille… comme si toute notre histoire n’était qu’un énorme roman-savon.

Loïc Brurat (étudiant, Université de Sherbrooke)

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