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En date avec Guy Nantel

Guy Nantel
Guy Nantel dans «Faut en parler» Photo: Capture d'écran
Marie-Clarisse Berger - Tribune Libre

Cher Guy, 

Si j’étais en date avec toi, Guy, j’essaierais peut-être de faire un parallèle avec le racisme systémique pour t’expliquer ce qu’est la masculinité toxique… 

Si tu veux bien me laisser parler plus de 10 secondes sans m’interrompre, bien entendu. 

En fait, la masculinité toxique est aux femmes ce que le racisme systémique est aux personnes noires : un système d’oppression latent qui dépose ses tentacules dans toutes les sphères de la société. 

Dans l’entrevue que tu as dirigée avec Anne-Marie Dupras et Lili Boisvert, tu sembles ne pas saisir que la masculinité toxique c’est ce qui cause, comme tu l’as si bien dit, un taux de suicide plus élevé chez les hommes. En fait, les hommes sont plus portés à retenir leurs émotions et à ne pas chercher de l’aide. Et ça, c’est une cause directe du suicide chez les hommes au Québec 

Cher Guy, tu mentionnes aussi que les hommes obtiennent moins souvent la garde de leur enfant dans les cas de divorce. C’est vrai! Bingo! Mais sais-tu pourquoi? Parce que les femmes sont considérées comme étant celles qui doivent prendre soin des autres et elles sont vues comme étant plus aptes que les hommes, qui pourtant, peuvent être aussi d’excellents parents. Parenthèse : D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que les métiers les moins bien payés sont ceux majoritairement occupés par des femmes et/ou qui sont dans les domaines qui exigent de prendre soin de quelqu’un d’autre. On parle ici d’éducatrice à l’enfance, d’infirmière, de préposée au bénéficiaire… bref, tu vois le topo. Mais revenons aux parents et à la cellule familiale. Je trouve intéressant que tu abordes en début d’entrevue que maintenant les hommes changent des couches. Mais c’est encore vu comme quelque chose d’exceptionnel et le travail invisible accable majoritairement les femmes encore aujourd’hui. Un homme ne garde pas ses enfants, il s’en occupe. Un homme n’aide pas dans la maison, il fait sa part comme sa conjointe. Est-ce vraiment radical comme revendication de demander une division du travail équitable au sein d’un foyer? 

Pour la culture du viol Guy, c’est que de demander à tes chums de gars s’ils sont corrects avec les femmes c’est comme de demander à un cuisinier si la bouffe qu’il sert est bonne. Disons en bon français que c’est un peu tricky! 

En fait, certaines personnes peuvent se dire féministes et alliées sans pour autant avoir traité de tous leurs angles morts sur le sujet. Il est possible que certains hommes aiment les femmes sans pour autant leur témoigner le respect qu’elles méritent. Que ce soit par des gestes qui peuvent sembler banals ou encore des blagues qui les hypersexualisent, comme en témoignait Anne-Marie. Et oui, les femmes aussi peuvent faire des blagues de mauvais goût sur le sexe opposé, mais est-ce vraiment l’équivalent? Encore une fois, je reviens avec la cause antiraciste pour faire une analogie. Si moi, une femme noire, je fais une blague sur une personne blanche qui vole une automobile, à la fin de la journée, les personnes blanches ne se feront pas suivre quasi systématiquement par la police. Au contraire, si je fais une blague comme quoi les Noirs volent fréquemment des automobiles, ça renforce un stéréotype raciste et oui les Noirs se feront réellement suivre par la police. Tu vois où je veux en venir Guy? 

Non, par ma blague, je n’ai pas fait en sorte qu’une personne noire se fasse tuer par la police. Tout comme une blague qui sexualise et objectifie une femme blonde ne fera pas en sorte qu’elle subisse une agression sexuelle. Mais ma blague, tout comme les blagues de viol, perpétue des idées erronées sur un groupe de personnes en situation d’infériorité. Ma blague normalise une idée et sert de base pour justifier des comportements plus problématiques. 

« Ben là, on peut pu rien dire!«  Pas exactement. Je crois qu’il faut s’interroger sur nos propos et sur la portée qu’ils peuvent avoir. 

En terminant Guy, si j’étais en date avec toi, je prendrais un moment pour te remercier d’aborder le féminisme, la masculinité toxique et la culture du viol, même si au final, ce sont des sujets qui touchent tout le monde. Je te soulignerais aussi qu’il ne s’agit pas seulement de débat de sémantiques. Les mots ont une importance et d’avoir des termes justes pour les qualifier nous donne un point d’assise pour y réfléchir collectivement. 

Oh, et dernière chose Guy! La masculinité toxique Guy, c’est ce qui fait en sorte que certains hommes, pas tous, montent aux barricades pour débattre d’enjeux cruciaux comme le féminisme et sa soi-disant radicalité, mais qu’aujourd’hui, en ce 19 novembre 2021, jour international de l’homme, peu d’entre eux se lèvent pour aborder la santé mentale de leur confrère et entamer de réelles discussions sur ce qui ne fonctionne pas dans la société. 

Toi qui aimes les statistiques, veux-tu on va jouer à un jeu? 

Je te parie un bon p’tit drink de fille sucrée que je peux compter les initiatives concernant cette journée importante sur les doigts d’une main, voire deux. 

Et toi, que paries-tu?

Marie-Clarisse Berger

Étudiante en droit

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