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CEIC: déception, désaccord, courriels et lettre

Photo: Josie Desmarais/Métro

MONTRÉAL – Le rapport de la Commission Charbonneau, déposé le 24 novembre, aura certes été l’une des grandes déceptions de l’année 2015. Lui qui était si attendu en aura laissé plus d’un sur leur faim. Mais c’est surtout la dissidence du commissaire Renaud Lachance quant à une partie du rapport qui aura secoué l’opinion publique.

Le «mot du commissaire» Renaud Lachance tient pourtant en trois pages sur 1741. Il y exprime son désaccord devant l’existence d’un lien, même indirect, entre le financement des partis politiques et l’octroi de contrats publics dans l’industrie de la construction au palier provincial.

«Le versement d’une contribution à un parti politique au niveau provincial a-t-il permis à une entreprise d’obtenir un contrat? Tous les dirigeants d’entreprise témoins à la commission, y compris ceux qui ont grandement collaboré et fait de graves admissions à la Commission, ont répondu non à cette question», a rappelé le commissaire Lachance, se refusant à tisser les liens que la juge France Charbonneau, elle, était prête à tisser.

Bien que le commissaire Lachance ait été en désaccord quant au lien entre l’octroi de contrats publics au provincial et le financement des partis politiques, il s’est dit «en accord avec les recommandations liées à ce volet».

Ce désaccord, qui en avait surpris plus d’un, a pris de l’ampleur lorsque l’émission Enquête de Radio-Canada a révélé une des versions préliminaires du rapport annotée par le commissaire Lachance, dans laquelle il rayait certains passages et en qualifiait d’autres de ridicules.

L’émission a aussi révélé la teneur des courriels échangés entre le commissaire et la juge Charbonneau qui dénotaient une certaine tension. Le reportage laissait entendre que le commissaire avait voulu atténuer les blâmes envers les partis politiques, plus particulièrement envers le Parti libéral.

Le commissaire Lachance a finalement donné sa version des faits dans une lettre transmise aux médias, le soir du 14 décembre. Il niait avoir voulu protéger le PLQ, en rappelant que lorsqu’il était vérificateur général, il ne s’était pas gêné pour critiquer la gestion par ce parti qui était alors au pouvoir.

Au sujet de l’octroi des contrats, il rappelait qu’au palier provincial, ce sont les fonctionnaires qui décident et non les élus. Il y justifiait sa lecture de la réalité par sa formation rigoureuse de comptable et ex-vérificateur général.

Mais même avant la controverse entourant cette dissension, le rapport de la Commission Charbonneau en avait déçu plus d’un.

Déception à cause de l’absence de blâme formel envers certains acteurs de la collusion et de la corruption mises au jour durant ses audiences.

Déception aussi à cause de l’absence de blâme explicite envers certains organismes de surveillance qui, au fil des ans, avaient accompli leur tâche avec un manque d’ardeur.

La Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction avait pourtant tenu «trois ans d’intenses enquêtes sur les faits», avait elle-même rappelé la juge Charbonneau.

Celle qu’on appelait plus familièrement la Commission d’enquête sur l’industrie de la construction (CEIC) a rencontré 1400 personnes, dont certaines à plusieurs reprises. Elle a entendu lors de ses 261 jours d’audiences près de 300 personnes. Le tout se résumait en 66 000 pages.

Pourtant, malgré ce désaccord très médiatisé et ces absences de blâmes formels, la CEIC a livré une soixantaine de recommandations dignes d’intérêt.

Recommandations
Parmi celles-ci, la recommandation pivot est celle qui vise à créer une Autorité des marchés publics. Elle aurait pour mandat d’encadrer le système d’octroi des contrats publics «pour assurer l’intégrité des processus».

Au sein de cette autorité indépendante serait centralisée l’expertise d’analyse et de contrôle qui existe actuellement au ministère des Transports, au ministère des Affaires municipales et au Conseil du trésor.

La commission d’enquête a aussi recommandé de mieux protéger les lanceurs d’alerte — ceux qui dénoncent des situations répréhensibles. Le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, a d’ailleurs déposé le 2 décembre une loi visant cet objectif.

La CEIC a également recommandé d’«accélérer les efforts d’accroissement de l’expertise interne» au ministère des Transports, qui a été décharné au fil des compressions budgétaires et des départs à la retraite.

Sur la question du financement des partis politiques, la CEIC formule plusieurs recommandations. Entre autres, elle propose de modifier la loi électorale pour exiger que le rapport financier annuel de chaque parti soit signé par le chef. Ce dernier devrait y indiquer qu’il a été informé des pratiques de sollicitation de son parti et qu’il juge qu’elles sont conformes à la loi.

Elle recommande aussi d’interdire l’annonce de projets, de contrats ou de subventions lors d’événements de financement politique, afin d’éviter qu’un lien soit fait entre les deux.

Elle recommande également d’interdire aux ministres et au personnel de leur cabinet de solliciter des contributions politiques aux fournisseurs de leur ministère, ainsi qu’à ceux qui bénéficient de l’aide financière de leur ministère.

La commission ne pouvait pas éviter d’aborder la question des cadeaux, puisqu’elle a entendu de nombreux témoins qui ont admis avoir reçu ou offert des billets de hockey, bouteilles de vin, invitations au restaurant et autres.

Elle propose donc de modifier la réglementation pertinente afin d’interdire aux élus provinciaux et municipaux, aux fonctionnaires, au personnel politique et aux administrateurs publics «d’accepter tout cadeau, quelle qu’en soit la nature ou la valeur, de tout fournisseur de biens ou de services que ce soit».

La CEIC recommande également que la fiche des contributions politiques aux partis provinciaux comporte le nom de l’employeur de celui qui fait un don.

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