Explication: à quoi s’attendre avec le siège libre à la Cour suprême?

Explication: à quoi s'attendre avec le siège libre à la Cour suprême?
Le graphique montre le nombre de jours pour le processus de confirmation des juges en exercice. Photo: AP
Mary Clare Jalonick et Lisa Mascaro - The Associated Press

WASHINGTON — La mort de la juge Ruth Bader Ginsburg pousse le Sénat dans des eaux politiques inexplorées. Aucun vote de confirmation ne s’est jamais déroulé aussi proche d’un scrutin présidentiel.

Les efforts républicains pour pourvoir le siège de Mme Ginsburg risquent de s’accélérer cette semaine. Le président Donald Trump pourrait annoncer son candidat, ou sa candidate, d’ici la fin de la semaine, et les sénateurs républicains pourraient tenter de court-circuiter le processus de confirmation.

La situation est périlleuse pour les deux partis. Le vote par anticipation a déjà débuté dans quelques États.

Voici ce qu’on sait et ce qu’on ne sait pas.

QU’EST-CE QUI ARRIVE MAINTENANT?

M. Trump a prévenu qu’il annoncerait une candidate pour remplacer Mme Ginsburg dès cette semaine. Alors que le Sénat se réunira dans les prochains jours, le chef de la majorité au Sénat, Mitch McConnell, évaluera ses prochaines étapes, parlera à ses collègues républicains et déterminera s’il a suffisamment de votes pour confirmer un candidat avant l’élection.

Le sénateur républicain du Kentucky a promis que le candidat de M. Trump «recevra un vote sur le parquet du Sénat des États-Unis», mais a pris soin de ne pas dire quand cela se produira.

Les démocrates disent que le vœu des républicains d’aller de l’avant est une «hypocrisie» après que M. McConnell eut refusé de prendre en considération le candidat du président Barack Obama, le juge Merrick Garland, plusieurs mois avant les élections de 2016. Ils ont juré de combattre MM. Trump et McConnell pour garder le siège vacant, mais n’ont pas précisé comment ils le feraient.

McCONNELL A-T-IL LES VOIX POUR POURVOIR LE SIÈGE AVANT L’ÉLECTION?

Ce n’est pas encore clair. Les républicains détiennent une majorité de 53 voix contre 47 au Sénat et, jusqu’à présent, les sénatrices républicaines Susan Collins et Lisa Murkowski ont toutes deux déclaré qu’elles ne soutiendraient pas un vote de confirmation avant le jour du scrutin.

Cela signifie que M. McConnell ne peut se permettre de perdre qu’un seul sénateur de plus dans son caucus. Si le vote était 50-50, le vice-président Mike Pence pourrait briser l’égalité lors d’un vote de confirmation.

QUI SONT LES SÉNATEURS À SURVEILLER?

Tous les yeux sont rivés sur Mitt Romney de l’Utah, qui a critiqué M. Trump et a défendu l’institution du Sénat. Un autre sénateur à surveiller est le sénateur de l’Iowa Chuck Grassley, l’ancien président du comité judiciaire. Il a déclaré cet été que s’il présidait toujours le comité et qu’il y avait un poste vacant, «je ne tiendrais pas d’audience à ce sujet parce que c’est ce que j’ai promis aux gens en 2016».

Ceux qui sont impliqués dans des courses de réélection serrées dans leurs États, y compris le sénateur Cory Gardner du Colorado, seront certainement confrontés à des pressions pour ne pas voter avant l’élection ou immédiatement après, surtout s’ils devaient perdre leur siège. Plusieurs autres sénateurs clés du Parti républicain en quête de réélection — dont Martha McSally en Arizona, Kelly Loeffler en Géorgie et Thom Tillis en Caroline du Nord — se sont déjà liés à M. Trump, appelant à un vote rapide.

La sénatrice Susan Collins du Maine a adopté l’approche opposée, s’opposant à un vote du Sénat avant le 3 novembre et disant que «dans l’équité envers le peuple américain», le président élu devrait décider. Tous font face à des défis de taille en novembre.

QUE DIT LA MAISON-BLANCHE?

Marc Short, le chef de cabinet de M. Pence, a déclaré dimanche qu’un vote avant le 3 novembre est «certainement possible» car Mme Ginsburg a été confirmée en 43 jours, et que les élections sont dans 44 jours. Mais M. Short a précisé que la Maison-Blanche laissait le calendrier de confirmation aux soins de M. McConnell.

Lorsqu’on lui a demandé si M. Trump tiendrait compte du souhait de Mme Ginsburg que son remplaçant soit nommé par le vainqueur de l’élection présidentielle de novembre, M. Short a déclaré que la Maison-Blanche et la nation pleuraient sa perte «mais la décision du moment de la nomination ne lui appartient pas».

LE SÉNAT PEUT-IL POURVOIR RÉALISTEMENT LE SIÈGE AVANT L’ÉLECTION?

Oui, mais cela exigerait un rythme effréné. Les nominations à la Cour suprême ont mis environ 70 jours à passer par le Sénat, et la dernière, pour Brett Kavanaugh, a pris plus de temps. Certaines candidatures, comme celle de Mme Ginsburg, ont progressé plus rapidement.

Il n’y a pas de règles établies pour la durée du processus une fois que M. Trump aura annoncé son choix.

LE SÉNAT POURRAIT-IL POURVOIR LE SIÈGE APRÈS L’ÉLECTION?

Oui. Les républicains pourraient voter sur le candidat de M. Trump lors de la session qui a lieu après les élections de novembre et avant que le prochain Congrès n’entre en fonction le 3 janvier. Peu importe ce qui se passe lors de l’élection de cette année, les républicains devraient toujours être aux commandes du Sénat pendant cette période.

Le Sénat aurait jusqu’au 20 janvier, date de l’investiture présidentielle, pour agir sur le candidat de M. Trump. Si M. Trump était réélu et que son choix n’avait pas été confirmé au moment de l’investiture, il pourrait resoumettre son choix dès le début de son deuxième mandat.

QUE DISENT LES DÉMOCRATES?

Les démocrates ont présenté un argument moral à leurs collègues républicains pour qu’ils refusent de remplacer Mme Ginsburg jusqu’à ce que le prochain président soit investi, arguant que les sénateurs devraient suivre le précédent qu’ils ont eux-mêmes établi en 2016.

Le candidat démocrate à la présidentielle Joe Biden a déclaré dimanche que le Sénat ne devrait pas agir tant qu’il n’y aura pas un nouveau président. «Si Donald Trump remporte l’élection, le Sénat devrait alors procéder à sa sélection et peser équitablement le candidat qu’il choisit, a déclaré M. Biden. Mais si je remporte cette élection, le candidat du président Trump devrait être retiré. Et en tant que nouveau président, je devrais être celui qui nomme le successeur de la juge Ginsburg.»

Les démocrates du Sénat auront des outils pour ralentir la nomination, mais ne pourront pas la bloquer seuls.

QUE FAUT-IL POUR CONFIRMER UN CANDIDAT?

Seulement une majorité. Les républicains contrôlent le Sénat par une marge de 53-47, ce qui signifie qu’ils pourraient perdre jusqu’à trois voix et confirmer encore un juge, avec le vice-président brisant une égalité.

Les nominations à la Cour suprême nécessitaient 60 voix pour confirmation si un sénateur s’y opposait, mais M. McConnell a modifié les règles du Sénat en 2017 pour permettre la confirmation des juges avec 51 voix. Il l’a fait alors que les démocrates menaçaient de faire de l’obstruction systématique au premier candidat de M. Trump, Neil Gorsuch.

COMMENT FONCTIONNE LE PROCESSUS?

Il appartient au Comité judiciaire du Sénat de sélectionner le candidat et de tenir des audiences de confirmation. Une fois que le comité approuve la nomination, elle est soumise au Sénat pour un vote final. Ce processus passe par plusieurs étapes chronophages, y compris des réunions avec des sénateurs individuels.

Traditionnellement, les sénateurs veulent rencontrer et évaluer eux-mêmes le candidat, ce qui nécessite des semaines de réunions autour du Capitole.

Le président du comité, le sénateur républicain Lindsey Graham de la Caroline du Sud, qui fait face à sa propre réélection difficile, a déclaré qu’il soutiendrait M. Trump «dans tout effort pour aller de l’avant». Son comité pourrait commencer à travailler sur la nomination immédiatement après son annonce et même tenir des auditions de confirmation en octobre, quel que soit le moment du vote final.

LA CAMPAGNE EST-ELLE UN FACTEUR?

Les républicains défendent 25 des 38 sièges inscrits au scrutin cette année, et bon nombre de leurs membres vulnérables étaient impatients de mettre fin à la session d’automne et de retourner chez eux pour faire campagne. Le Sénat devrait interrompre ses travaux à la mi-octobre, bien que cet horaire puisse changer.

Pourtant, bon nombre des sénateurs les plus vulnérables peuvent hésiter à voter sur un candidat avant d’affronter les électeurs en novembre, et leurs opinions pourraient en fin de compte déterminer le calendrier d’action. D’autres peuvent vouloir faire campagne sur leur vote éventuel. M. McConnell lui-même fait partie des candidats à la réélection cette année.

McCONNELL N’A-T-IL PAS DIT EN 2016 QUE LE SÉNAT NE DOIT PAS VOTER POUR UN CANDIDAT À LA COUR SUPRÊME AU COURS D’UNE ANNÉE D’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE?

Il l’a fait. M. McConnell a stupéfié Washington dans les heures qui ont suivi la mort du juge Antonin Scalia, en février 2016, lorsqu’il a annoncé que le Sénat ne voterait pas sur le candidat potentiel de M. Obama parce que les électeurs devraient avoir leur mot à dire en élisant le prochain président.

La stratégie de M. McConnell a payé, royalement, pour son parti. M. Obama a nommé le juge Garland pour occuper le siège, mais il n’a jamais reçu d’audition ou de vote. Peu de temps après son investiture, M. Trump a nommé le juge Gorsuch pour occuper le siège du juge Scalia.

Quatre ans plus tard, M. McConnell dit que le Sénat votera sur le candidat de M. Trump, même s’il reste des semaines, et non des mois, avant une élection.

QU’EST-CE QUI A CHANGÉ DEPUIS 2016?

M. McConnell dit que c’est différent parce que le Sénat et la présidence sont détenus par le même parti, ce qui n’était pas le cas lorsqu’un poste vacant s’est ouvert sous M. Obama en 2016. Les démocrates estiment que ce raisonnement est risible et disent que la vacance devrait rester ouverte jusqu’après l’investiture.

Les démocrates et les groupes de défense n’ont pas perdu de temps pour déterrer les déclarations passées d’autres sénateurs républicains qui, en 2016, disaient que le Sénat doit attendre après les élections pour confirmer un candidat.

Mary Clare Jalonick et Lisa Mascaro, The Associated Press



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