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Olga Saldarriaga: Faire sa place, envers et contre tout

Photo: Mario Beauregard/Métro

«On pensait passer quelques années ici et rentrer.» Olga Saldarriaga n’est jamais repartie. Elle a jeté l’ancre à Montréal, mue par une détermination à toute épreuve.

Olga compte les hivers, pas les années. En 2001, quand elle s’installe dans la région de Toronto, le propriétaire de la petite épicerie colombienne où elle soigne son mal du pays lui dit : « Je vis au Canada depuis 25 hivers.» Elle trouve ça drôle et adopte la coutume.

Quand nous la rencontrons, début janvier, elle fête son 15e hiver au pays.

Il n’avait pourtant jamais été question d’immigration. À l’origine, Olga suit son mari, qui rêve de poursuivre des études à l’étranger. Ils sont alors tous deux ingénieurs à Bogota, occupent des postes à responsabilité, comptent parmi les privilégiés avec leur train de vie confortable. Quelques jours après qu’ils ont reçu leurs papiers, son mari apprend que l’université de Toronto ne retient pas sa candidature à la maîtrise. «On était déjà dans le processus du départ, on avait vendu appartement et voiture. On a décidé d’aller de l’avant.»

«Être immigrant, c’est ne rien connaître de ce qui nous attend. Pour faire sa place, il faut voir sa situation comme une occasion d’apporter des choses au pays d’accueil.» – Olga Saldarriaga

Installés dans la banlieue de Toronto, ils font leur place tant bien que mal. «L’année 2001 correspond à une des pires périodes pour le secteur des technologies de l’information. C’était dur de trouver du travail.» Olga décroche finalement un emploi chez Microsoft. «En Colombie, je gérais des équipes, des budgets, je prenais des décisions. J’ai dû repartir de plus loin que ce que les gens que je dirigeais faisaient.»

«Je passais 10 heures par jour au bout du fil à faire de l’assistance technique pour les clients. Je me souviens d’un monsieur qui m’a dit : “Jamais je n’aurais cru que quelqu’un avec un accent comme le vôtre serait capable de régler mon problème.” Et de cet autre, surpris qu’une femme puisse l’aider.» L’estime en prend un coup, mais Olga s’accroche humblement, épaulée par ses collègues.

Son mari trouve un stage non rémunéré, espérant déposer une nouvelle demande à l’université. Mais vivre à Toronto coûte cher, et les économies fondent. Vient l’heure du bilan. «Si on repartait en Colombie, il fallait aussi tout recommencer là-bas.» Olga se souvient précisément de cette discussion devant la fenêtre de leur appartement, surplombant la banlieue torontoise. «Regarde comme cette ville est immense, il y a forcément une place pour nous ici», a-t-elle dit à son mari.

Il finit par trouver un emploi, qu’il perd trois jours après la naissance de leur fils aîné. Quand il décroche une bourse et une place en maîtrise à l’École de technologie supérieure de Montréal, le couple plie bagage. Olga pense rentrer à Toronto au terme de son congé de maternité, mais c’est sans compter son coup de foudre pour les Montréalais. L’arrivée n’est pourtant pas facile. Par la fenêtre de leur petit meublé de Pointe-Claire, elle regarde l’hiver et déprime, ne voyant pas comment elle pourra prendre l’air avec son bébé, marcher sur les trottoirs glacés. Une infirmière du CLSC l’introduit auprès d’un groupe de jeunes mères, qui deviendront ses «sœurs».

Ce sont elles qui la convaincront de rester à Montréal, une fois son congé terminé. Elle trouve un emploi dans son domaine, gravit les échelons et dirige aujourd’hui un service de soutien technique. Les années passent, un deuxième enfant naît, le couple ne repart pas.

Medellín, Bogota, Toronto : elle y a laissé des petits bouts d’elle, s’y sent encore chez elle. «Mais il faut bâtir quelque part, et c’est Montréal que j’ai choisie. Mes enfants se disputent en anglais, s’encouragent en français et se disent qu’ils s’aiment en espagnol. C’est ça, Montréal!

Une fois par mois, Métro propose, en collaboration avec le projet Alliés Montréal de la Conférence régionale des élus de Montréal (CRÉ), des portraits inspirants de Montréalais issus de l’immigration qui témoignent de leurs parcours et de leurs succès.

L’émission de Radio-Canada International Tam-Tam Canada a produit une version radio de ce reportage. Réalisée par la journaliste Anne-Marie Yvon, cette émission est disponible sur le site de RCI.

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