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L’âme des bistrots parisiens racontée par leurs patrons

Photo: © MaestroBooks / Istock.com

Un bistrot, c’est «un endroit où on n’a pas peur d’entrer» et où l’on «croise beaucoup de gens» accoudés au zinc dès l’aube. Paroles de bistrotiers de Paris, qui espèrent voir leurs établissements inscrits au patrimoine mondial de l’humanité.

En 2020, les bistrots et terrasses de Paris pourraient entrer dans la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité dressée par l’Unesco, si leur candidature est retenue.

Si «Paris est une fête», comme l’a écrit l’Américain Ernest Hemingway, «c’est parce que ses bistrots et ses cafés existent», estime ainsi une association à l’initiative de cette demande.

«Depuis dix ans, les bistrots et terrasses de Paris disparaissent au profit des sandwicheries, des fast-foods et des restaurants exotiques, et avec eux c’est l’art de vivre, le partage, le brassage ethnique, confessionnel et social qui disparaissent», explique à l’AFP Alain Fontaine, président de l’association et propriétaire du Mesturet, un bistrot du quartier de la Bourse à Paris.

Cette association veut «protéger» ces «lieux familiaux qui portent une véritable culture populaire». Le dossier sera remis au ministère français de la Culture, chargé de présenter les candidatures à l’Unesco en mars 2019, pour une décision au plus tôt en décembre de la même année ou en janvier 2020.

Selon M. Fontaine, Paris compte aujourd’hui un peu moins d’un millier de bistrots, sur un total de 14 000 points de restauration: ils ne représentent plus que 14% de la restauration de la capitale, contre 25 à 30% il y a encore 20 ans.

Dans l’est de la capitale française, le haut du faubourg Saint-Antoine cultive ses racines populaires grâce à des établissements de caractère, où le brassage social n’est pas un mythe.

«Familial et chaleureux», avec sa clientèle composée «à 80% d’habitués», Mon café offre des journaux, du wifi, mais aussi un coin paisible, garni de livres pour enfants qui «accueille tout le monde».

Proche d’un hôpital, l’établissement reçoit aussi bien les habitants du quartier que des aides-soignants, des urgentistes au bout d’une nuit de travail, ou encore des patients qui viennent «parfois tous les jours, pendant un ou deux mois de traitement» et leurs proches.

Les gros «mangent le business»
Dans un secteur dont les employés tournent beaucoup, l’équipe, souriante, est ancienne. «Ils sont contents de venir travailler, reviennent boire des coups sur leur temps de pause… certains partent en vacances avec des clients», relate auprès de l’AFP le gérant, Ilan Burday, 35 ans.

«D’ailleurs je me suis marié avec une cliente: la libraire d’en face», rigole le jeune bistrotier.

Derrière le comptoir trônent des cartes postales: «Salut les gars. Merci pour les séances de psy-bar au désespoir de ma banquière», dit celle de Méli. «Fallait quand même qu’on envoie une carte aux plus beaux barmen de Paris», clament Michelle et Flo.

A quelques encablures se trouve la terrasse en forme de proue de navire du Chat bossu: «Un vieux bistrot, c’est un endroit où on n’a pas peur d’entrer. Chez moi, on sait qu’on n’en aura pas pour plus de 15 », dit le propriétaire, Hugues Barelle, 45 ans.

«Ici le café au bar est à 1 euro, le plat du jour à 10,90 euros», égrène-t-il. Sa clientèle? «Un clodo, un flic, un marchand de vin, un avocat et le mec des poubelles», dit-il, désignant du menton ses voisins de comptoir.

Derrière le comptoir de La Parisienne du Faubourg, Benjamin Bourdin, 38 ans, officie depuis 20 ans, «par accident» au début, aujourd’hui par amour d’un métier où «l’on rencontre beaucoup de gens et qui peut être assez sympa au niveau de la rémunération». «Mais c’est dur, très dur», dit-il après avoir avalé son déjeuner, debout devant son évier.

Deux mois après avoir ouvert, il veille au grain 12 heures par jour parce que «recruter c’est une tannée, et ça coûte une fortune».

M. Barelle, qui jongle entre trois établissements, a ramené ses journées à «sept ou huit heures» pour voir ses deux enfants. «Je n’ai presque pas élevé mon fils, à cause de ce métier. Il m’a vu dormir, c’est tout».

Fatigué au bout de 29 ans, il «en a marre» et mettra ses affaires en gérance dans un ou deux ans, pour vivre en Grèce et «ne plus rien faire».

Outre la dureté du métier, les difficultés s’accumulent, avouent les trois cafetiers, blâmant pêle-mêle une baisse de fréquentation, un pouvoir d’achat en berne, le succès des machines Nespresso et surtout la concurrence des chaînes, Burger King, Indiana Café, Starbucks et autres chaînes qui «mangent le business».

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