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Le système scolaire et ses inégalités sociales

Éducation
«Le système scolaire québécois est égalitaire, mais il n'est pas équitable», juge Pierre Canisius Kamanzi, professeur au département d'administration et fondements de l'éducation de l'Université de Montréal. Photo: Métro
Charlotte Mercille - Métro

Selon une étude récemment publiée par l’Université de Montréal, la structure du système québécois des écoles secondaires publiques et privées maintient le fossé entre les riches et les pauvres. Métro fait le point avec l’auteur de l’étude.

À partir d’une cohorte de 2 677 élèves québécois sondés de 1999 à 2010, Pierre Canisius Kamanzi, professeur au Département d’administration et fondements de l’éducation de l’Université de Montréal a démontré dans une étude parue dans la revue Social Inclusion que les élèves du secondaire qui fréquentent une école privée ou qui suivent un programme enrichi dans une école publique sont proportionnellement plus nombreux à poursuivre des études supérieures que leurs camarades du secteur public.

En moyenne, 70% des élèves québécois qui terminent leurs études secondaires accèdent aux études collégiales et, parmi eux, la moitié (35 %) se rend à l’université. Toutefois, le taux d’accès aux études supérieures varie grandement selon le type d’école secondaire fréquentée, ainsi que le niveau de scolarité et le revenu des parents.

Le taux de jeunes qui se rendent à l’université est trois fois supérieur parmi ceux dont les parents ont fait des études universitaires que chez ceux dont les parents ont un DES. «Un étudiant au bulletin moyen ou faible, et issu d’un milieu défavorisé, aura tendance à voir son parcours scolaire nivelé vers le bas, tandis que l’école privée aura tendance à tirer vers le haut ceux qui sont déjà studieux. C’est ce qui explique pourquoi autant de médecins viennent d’une famille de médecins, et les enseignants, d’une lignée d’enseignants», observe-t-il.

Les racines sociales

M. Kamanzi croit que cette disparité est le fruit d’une interaction entre des facteurs politiques et socioéconomiques: «Dans le contexte actuel de l’économie du savoir, surtout dans un pays comme le nôtre où le niveau de scolarité est un facteur important pour la réussite sociale d’un individu, l’école devient un lieu de compétition.»

L’aspect sélectif des écoles privées et des concentrations comme les arts-études et les sports-études sont en partie responsables de cette disparité. «C’est une ségrégation indirecte, car ce sont les familles nanties qui ont facilement accès à ces choix. Ces mécanismes semblent égaux alors qu’en réalité, ils sont injustes. Certaines personnes sont davantage disposées à réussir ou à obtenir l’école de leur choix», remarque le professeur. Le fameux test d’admission en est un bon exemple: si l’épreuve paraît basée sur le mérite et l’intelligence, un élève qui bénéficie de cours privés dispendieux ou qui a un frère ou une sœur fréquentant l’école convoitée voit ses chances d’être admis décuplées.

Les solutions à envisager

Pour la suite, il faudra trouver des stratégies pour que les parcours enrichis deviennent plus accessibles et que le bassin d’étudiants inscrits dans le système privé devienne ainsi plus hétérogène. Ce changement implique une moins grande sélectivité: «On ne peut pas faire disparaître l’école privée. Elle est là pour rester», nuance M. Kamanzi. «Au lieu de la supprimer, il faut assouplir les frontières entre public et privé, de manière à former de meilleurs élèves dans les deux réseaux, notamment en rehaussant la qualité du programme régulier.» 

Il existe présentement toutes sortes de mesures à adopter, comme l’accès à l’information, le soutien aux familles et, surtout, l’atténuation de la culture de la concurrence, nourrie entre autres par les palmarès des établissements. «La meilleure ressource pour avoir un bon rang dans ces classements est la performance des élèves et ceux-ci proviennent de la classe supérieure», note le chercheur.

Le rendement ou la performance d’un établissement devraient être évalués autrement lors de la reddition des comptes au gouvernement. «Il serait important de soutenir davantage les mesures visant à rehausser le niveau des élèves en difficulté, plutôt que la performance des élèves déjà forts. Je conseille aussi d’essayer de donner les mêmes ressources ou sinon plus de ressources aux écoles situées dans les quartiers défavorisés. Il y a moyen que tout le monde puisse accéder à tous les niveaux. C’est un débat de société», conclut le professeur d’université.

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