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Opinion : Cyberpunk 2077 ne doit pas être censuré

Mise à jour, 1er juin 2020 : Après notre dernière mise à jour de cet article, Mme Tétreault et le Centre Cyber-Aide nous ont contacté pour nous fournir ce qui serait la lettre originale envoyée par ceux-ci au gouvernement de François Legault. Nous l’incluons donc ici en fin d’article par volonté d’établir tous les faits le plus justement possible. Comme vous pourrez le lire, cette lettre ne contient en nul endroit la mention de bannissement de Cyberpunk 2077. C’était toutefois sur ces lignes que s’ouvrait l’article original d’ICI Québec :

Extrait de l’article publié sur le site d’ICI Québec le 29 mai 2020 à 6h06

Visiblement, il y a ici eu une erreur dans la présentation des faits qui a causé préjudice à Mme Tétreault, ce qui nous consterne énormément. Un débat important est ici ouvert, et des gens sans scrupules ou sens éthique en profitent pour attaquer personnellement une des voix s’opposant à leur point de vue. Nous condamnons, une fois de plus, ces actes irrespectueux qui démontrent un manque d’humanité qui ne devrait pas avoir sa place dans notre société. (A. Bordeleau)
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Mise à jour, 31 mai 2020 : Ce texte d’opinion a été écrit en réaction à la version originale de cet article publié le 29 mai 2020 sur le site d’ICI Québec. Il a depuis été édité pour modérer les propos de Mme Cathy Tétreault, qui affirme avoir été mal citée. Un article a également été publié quelques heures plus tard pour donner voix à des intervenants passionnés par l’industrie vidéoludique. Mme Tétreault s’est aussi entretenue avec Éric Duhaime et Jean-Simon Bui au FM93 pour expliquer ses positions et condamner les commentaires haineux dont elle fait l’objet. Nous avons tenté de retrouver la lettre ouverte originale sur la page Facebook du Centre Cyber-Aide pour lequel oeuvre Mme Tétreault, mais sa publication a été supprimée. Nous ne pouvons donc pas nous prononcer sur celle-ci. * Voir mise à jour ci-haut.

Si la position de notre rédacteur demeure inchangée sur les faits rapportés dans l’article sous sa forme originale, nous tenions chez Jeux.ca à faire cette mise à jour importante pour donner à nos lectrices et lecteurs toute l’information pertinente concernant ce dossier, surtout considérant la vague de haine qu’il a généré contre la principale intéressée.

Par-dessus tout, Jeux.ca tient ici à dénoncer avec véhémence les attaques personnelles faites à l’égard de Mme Tétreault par certains internautes. Il est complètement inacceptable de voir des membres de la communauté vidéoludique s’acharner de façon violente sur qui que ce soit ayant une opinion divergente. Les débats d’idée ont et auront toujours leur place dans notre écosystème, tant qu’ils seront menés avec respect et sans aucune trace de violence verbale, de sexisme ou d’attaques ad personam. Ces commentaires ne servent à rien d’autre qu’envenimer toute conversation et discréditer à nos yeux la position de ceux qui les signent. (A. Bordeleau)
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Plus tôt aujourd’hui, j’ai été sidéré par un article publié sur ICI Québec au sujet d’un jeu vidéo jugé trop violent et déviant pour nos pauvres gamers aux yeux chastes. Cyberpunk 2077, le gros hit attendu du studio polonais CD Projekt Red cet automne, se déroule dans un futur peu envieux où les corporations mènent le monde et où différents gangs se livrent à une lutte perpétuelle pour le contrôle de territoires.

Selon l’article, Cathy Tétreault, directrice générale du Centre Cyber-Aide, croit que le contenu de Cyberpunk 2077 est « tout à fait inapproprié, peu importe l’âge ». Une remarque plutôt étrange qui vient un peu tenter de censurer des sujets sensibles comme la sexualité et la violence quand leur traitement ne cadre pas avec nos valeurs. Des institutions comme l’Entertainment Software Rating Board (ERSB) effectuent déjà un travail en amont pour protéger les joueurs contre des contenus inadéquats.

La défense du Centre Cyber-Aide concernant Cyberpunk 2077 est l’une des plus classiques, soit celle de protéger nos enfants. Je n’ai rien contre, mais il ne faut pas non plus leur montrer que ce qui est beau et juste. D’autant plus qu’un jeu vidéo est une forme d’évasion qui dresse des portraits hypothétiques d’une réalité souvent dystopique. Je crois que les jeunes sont en mesure de faire la part des choses. Si leur éducation sexuelle ou du droit des femmes passe par un médium interactif comme Cyberpunk 2077, le problème est peut-être plus enraciné qu’on ne le pense.

Les jeux vidéo sont souvent pris pour cible de notre incompétence collective. Ils sont les parfaits bouc émissaires de nos propres failles en tant que société. Un jeune a commis un acte de violence? Ça doit être à cause de Grand Theft Auto. Ce type de réflexion ne mène nulle part et se veut dommageable pour l’industrie en entier. Un sophisme des temps modernes qui démontre une réelle incapacité à nuancer, à accepter qu’un médium dérange sans pour autant glorifier la haine. Il y a un monde de différences entre un jeu comme Cyberpunk 2077 et d’autres comme Hatred ou à limite Manhunt. Et pourtant, même les oeuvres les plus controversées, violentes ou je-ne-sais-quoi ont un rôle à jouer pour éduquer, justement.

La lettre du Centre Cyber-Aide mentionne que nous sommes « en droit de se demander quelle sorte de messages souhaitons-nous véhiculer à nos jeunes ». Vrai, mais à 17 ans (Cyberpunk 2077 est classé M), un jeune a la capacité de raisonner et de prendre des décisions par lui-même. Il faut arrêter de les traiter dans la ouatte et de tout prendre avec nos gants blancs. Dans la vie, il y a de la laideur, de l’horreur, du mauvais. Il y a aussi du beau et du bon, tel que témoigné par une tonne de jeux qui ne font pas partie de la rhétorique des défracteurs qui cherchent des poux où il n’y en a pas vraiment.

Censurer ou contrôler du contenu de nature fictionnelle ne devrait jamais être pris à la légère. Il s’agit d’une forme de contrôle sur la population, motivée par une vision souvent personnelle de ce qui est acceptable. De plus, à l’ère de la distribution numérique et de la globalisation, il devient quasi impossible d’empêcher, de dicter à la population ce qu’elle doit consommer ou non. La censure a même l’effet inverse : je me rappelle encore qu’au secondaire, les romans de l’auteur Patrick Sénécal avaient été bannis. Un peu pour la même raison évoquée ici, utilisée à tort et à travers, pour « protéger les jeunes ». Protéger de quoi au juste? D’un texte ou d’une imagerie qui ne cadrait pas avec les valeurs arbitraires d’une institution publique.

Et vous savez quoi? Cela m’avait poussé à lire tous les romans de cet auteur. Cyberpunk 2077 est une fiction futuriste destinée à un public mature. À moins de partir en croisade contre tous les jeux aux sujets épineux (et il y en a beaucoup!), grimper aux rideaux pour un cas aussi marginal ne fait que vous discréditer.

Qu’est-ce qui choque vraiment? Le fait de pouvoir choisir la taille de son sexe dans un jeu moderne ou le trafic d’êtres qui perdent leur humanité au profit de la technologie? Dans tous les cas, CD Projekt RED n’a pas froid aux yeux et je crois que c’est cette audace qui dérange. Oser peindre un monde inégal dicté par le transhumanisme, à la fois viscéral et choquant.

L’éducation passe aussi par l’acceptation des oeuvres qui nous choquent.

Trouvez ci-bas la lettre originale envoyée par le Centre Cyber-Aide au Gouvernement du Québec.

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