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Critique – Carrion

Une fois de plus, je livre mes impressions du jeu que j’ai testé la veille sur Twitch et non, je n’ai pas fait de cauchemars, même si c’était un jeu d’horreur.

En fait, en dépit de sa thématique « gore », Carrion ne vise pas à susciter de la peur, mais bien de se réjouir à en créer envers autrui. C’est une sorte de « jeu d’horreur inversé » tel que les développeurs eux-mêmes le décrivent. Même si ce n’est pas la première fois que le joueur incarne un monstre ou un antagoniste vil (j’ai notamment en tête Splatterhouse (Namco, 1988)), c’est personnellement la première fois que j’expérimente cette esthétique avec autant de finesse.

Carrion vous place au contrôle d’une créature amphibie amorphe pleine d’appendices et de crocs acérés qui est capable de se déplacer aux plafonds et à travers les conduits d’aération. Vous devez trouver votre chemin vers la sortie d’un complexe scientifique militarisé en vous abreuvant de substances toxiques pour acquérir de nouveaux pouvoirs et davantage de biomasse. Si vous commencez relativement petit, vous finirez par être une énorme bibitte de destruction massive… chose très réjouissance, croyez-moi!

Juteux

Carrion est un jeu 2D en pixel art très beau à regarder. Le terme juteux (juiciness) est employé en design de jeu pour décrire une plus-value audiovisuelle de l’expérience globale et c’est ici un très bon exemple. À plusieurs moments dans mon stream d’hier, j’ai eu des sourires contagieux de pures catharsis avec mon auditoire, voire de rires machiavéliques à l’intention de dévorer un civil simplement assis sur un bol de toilette. J’ai joué sur PC avec la souris (+4 touches de clavier), convaincu que c’est là, la meilleure façon d’y jouer, car il est possible de faire virevolter les ennemis avec du « drag & drop », ou plutôt du drag-frappe-au-plafond-frappe-dans-les-murs-frappe-dans-les-objets-frappe-dans-le-plafond-encore et drop à travers les murs. Le jeu est toutefois compatible avec la manette.

Metroidvania?

Je ne savais pas grand-chose du jeu avant d’y jouer, mais le concept de Metroidvania revenait dans les descriptions du jeu. Il s’agit ici, à mon avis, d’un cas limite très intéressant à analyser, exercice que j’aurai le bonheur d’approfondir dans un épisode futur de « T’es pas mon genre » notre podcast dédié à cette tâche. Un Metroidvania est difficile à décrire pour quelqu’un qui ne connait pas le terme, mais résumons simplement qu’il vise à susciter l’exploration avec de multiples retours en arrière à l’aide de cadenas et de clés conceptuels, soigneusement parsemés dans les niveaux à cette fin. Par exemple, dans un jeu typique, vous voyez une porte bleue au début d’une zone et quand vous trouvez une clé bleue vingt minutes plus tard, vous vous rappelez que cette zone est devenue accessible, possiblement l’emplacement principal où vous devez aller, bien que cela ne puisse aussi qu’être un cadeau de ressources.

Même si Carrion correspond à ma brève définition du Metroidvania, ce n’est pas tellement sur ce plaisir d’exploration précis que le jeu mise. À travers toute mon expérimentation du jeu hier, je n’ai que rarement été obligé de revenir sur mes pas. Le design de niveau (level design) du jeu était constamment en train de me placer là où je devais aller, notamment grâce aux fameuses techniques du Metroidvania du style; détruire un mur qui permet de revenir au début du niveau plus rapidement. Peu de « backtracking » pour employer un autre jargon connu des gamers.

Pas de map. Je répète: PAS DE MAP!

Pour corroborer mon point, essayez de me nommer ne serait-ce qu’UN SEUL jeu de type Metroidvania qui ne possède pas de map pour vous aider à naviguer. Carrion a fait le pari que le joueur serait capable de trouver son chemin uniquement en se repérant avec l’environnement et, à mon avis, il remporte sa mise. Même si j’ai été confus à quelques occasions, cela n’a été que pendant de courtes périodes. Vraiment, le level design de ce jeu est impressionnant, du moins sur cet aspect. Je me rappelle avoir passé le commentaire dans le stream: « il est clair que quelqu’un, quelque part, a insisté pour mettre une map, mais que les développeurs ont maintenu leur position pour respecter leurs désirs esthétiques ».

Des casse-têtes et des combats… corrects

Le rythme de Carrion est plutôt réussi. Il va vous faire alterner entre phases d’exploration, de réflexion et de confrontation. Je n’ai pas galéré trop longtemps pour les casse-têtes. Je me suis senti plus souvent intelligent qu’idiot et c’est tant mieux. Au niveau des combats, les ennemis armés de pistolets et de lance-flammes posent une menace, mais je suis d’avis qu’ils auraient pu être un peu plus robustes. Plusieurs zones poussent le joueur à établir une stratégie pour occire dans un certain ordre les militaires en état d’alerte, mais plus souvent qu’autrement, j’ai simplement foncé dans le tas et je m’en suis sorti sans trop réfléchir. La fin du jeu tombe aussi un peu abruptement. J’aurais personnellement apprécié un défi final épique plutôt qu’un effet narratif, mais je ne surprendrai ici personne qui connait mon style.

Verdict

Carrion est un jeu indie qui innove autant au niveau du fond que de la forme. Il entre dans les jeux qui réussissent à transmettre une EXPÉRIENCE vidéoludique unique en son genre, en remaniant de manière incrémentale les codes du médium. Je me considère très satisfait du produit. À la fin du stream, on m’a demandé s’il valait son prix. Gardez en tête qu’en dehors du speedrun, il a très peu de rejouabilité et qu’il dure approximativement 5 ou 6 heures, pour 22.79$. Personnellement, si je n’avais pas reçu de clé média pour cette critique, j’aurais attendu un rabais. Ce jeu ne va pas disparaître et va très bien vieillir, que vous le jouiez maintenant ou à la steam sale de l’hiver 2021. Mais tôt ou tard, faites-vous ce plaisir: vous ne le regretterez pas.

Pour revoir le stream d’hier:

Verdict

Les plus

  • Expérience audiovisuelle de pixel art unique
  • Sentiments de puissance et de catharsis à profusion
  • Navigation fluide et juteuse à souhait

Les moins

  • Les sections où on contrôle un humain sont monotones
  • Certains pouvoirs optionnels sont presqu’inutiles (ex: plus d’énergie)
  • Court, sans grande rejouabilité pour le prix

Note finale

8.5 / 10

Un texte de Sébastien Savard de Jeux.ca

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