Soutenez

Critique – Sentenced VR

Cinq ans après la sortie du premier Oculus Rift, et j’ai encore l’impression qu’on sous-estime le pouvoir de la réalité virtuelle. Elle nous place au centre de l’action avec une vue à 360 degrés, mais surtout, elle élimine la distance entre nous et le jeu. La distance physique, mais aussi la dissociation entre nous et le personnage que l’on incarne.

Dans Sentenced, on est dans les souliers d’un homme du 15e siècle qui vient tout juste d’accepter le boulot de bourreau. Épée à la main, c’est vous qui devrez trancher la tête des condamnés. 

C’est une expérience VR d’environ une heure à 7 $, conçue pour être jouée en une seule session, qui testera vos limites morales.

La routine est toujours la même. Vous nettoyez votre épée du sang de votre précédente victime. Vous aiguisez la lame. Vous tranchez la tête du mannequin sur lequel il est écrit « continue », puis vous vous retrouvez de nouveau sur la place publique face à une horde de citoyens qui réclament que justice soit faite.

sentenced vr exécution

Le bedeau (bras droit du curé) énonce haut et fort les crimes commis par le condamné. Celui-ci a droit à une dernière parole : il peut demander pardon, ou prier. C’est alors le temps de faire votre boulot. Vous prenez l’épée et vous tentez de trancher la tête de votre victime d’un coup puissant et droit. La foule applaudit.

De retour dans le bureau du patron, il vous donne votre paie, incluant un bonus si vous avez bien fait votre travail.

sentenced vr paie

Mais vous vous doutez bien que ça se complique rapidement.

La première exécution est facile. L’homme est accusé de meurtre, de vol et de viol sur des femmes et des filles. Lorsqu’on lui donne le droit de parole, il se moque de la justice, dit qu’il ne regrette pas ses gestes. Cet homme mérite la mort, définitivement.

C’est d’ailleurs pendant son discours que j’ai appris qu’on devait attendre le signal pour procéder à l’exécution, puisque j’avais jugé que ce qu’il disait ne méritait pas d’être entendu. On retourne au menu, et on démarre une nouvelle partie!

sentenced vr accusé

Puis, ça se corse. On fait ensuite face à des condamnés qui demandent pardon, ou qui sont désavantagés par le système. Comme cette femme qui a été prise à voler, alors qu’elle voulait simplement nourrir ses enfants.

Notre prochain contrat, c’est une meurtrière. On nous dit qu’elle a tué son mari.

C’est alors qu’elle prend la parole, et nous dit qu’elle n’en pouvait plus. Son mari était violent. Il la forçait à faire des choses sans son consentement. Elle nous dit que tout le village était au courant et que personne n’a agi. Elle a décidé de prendre les choses en main et faire la seule chose qui pouvait la sortir de ce calvaire.

Son discours est déchirant. 

Le patron donne le signal, et j’ai figé. Non, je n’allais pas exécuter cette pauvre femme, même dans un jeu, même si c’est la seule action possible.

Alors j’ai attendu, pour voir ce qui allait se passer. On se fait huer par la foule, insulter par le bedeau, puis on retourne dans son bureau. « Tu avais pourtant signé un contrat qui spécifiait que tu devais obéir à mes ordres. Tu as refusé de faire ton travail, maintenant, dehors! »

Game Over, donc. Après avoir refusé de tuer cette pauvre femme, des statistiques apparaissent à l’écran, et m’annoncent que 81 % des joueurs de Sentenced VR ont procédé sans se poser de question. Ça m’a choqué.

Je n’ai pas démarré une nouvelle partie, puisque je peux m’imaginer que les situations sont de plus en plus difficiles, et je pense avoir atteint le but souhaité par l’expérience.

Le paradoxe, c’est qu’en quelque sorte, la personne qui échoue à Sentenced VR, c’est celle qui exécute tous les accusés sans jamais se poser de question jusqu’au générique de fin. C’est un test d’empathie, un test de Turing.

Je sais bien que vous vous dites que ce n’est qu’un jeu, que le but d’un jeu est de réussir à tout prix, même si on doit poser des gestes horribles. Eh bien non. C’est aussi un jeu de rôle, qui nous oblige à faire face à des situations difficiles, à réfléchir à l’action que l’on souhaite poser.

Comme je le mentionnais au tout début, la réalité virtuelle élimine l’espace entre Sentenced VR et vous. C’est votre main qui tient l’épée. C’est vous qui prenez votre élan. C’est vous qui donnez le coup de grâce. Vous qui voyez le reste du corps inerte tomber, en 3D, à côté de vous. J’ai vraiment de la difficulté à concevoir qu’un joueur puisse demeurer indifférent face à tout ceci, particulièrement après avoir entendu le discours des personnages.

Ne pas être à l’aise de tuer, c’est quelque chose que l’on vit rarement dans ce médium. J’applaudis donc cette petite expérience qui remet les choses en perspective.

Sentenced VR est disponible dès maintenant sur PC (Steam).

Un texte de Martin Brisebois de Jeux.ca

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.