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COVID-19: Jouhayna Zahreddine, au front dans les CHSLD

Jouhayna Zahreddine CHSLD
Jouhayna Zahreddine était en quarantaine en famille pour deux semaines lors de l’entrevue. Photo: Collaboration spéciale/arrondissement Ahuntsic-Cartierville

Jouhayna Zahreddine est directrice adjointe du soutien à l’autonomie des personnes âgées et responsable du volet hébergement des 10 CHSLD du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal.

Infirmière avec une longue expérience, elle a été sur la ligne de front quand l’épidémie a frappé. Mme Zahreddine est l’une des trois femmes honorées récemment par les élus de l’arrondissement comme ambassadrice du secteur de la santé du CIUSSS.

Est-ce que vous vous attendiez à vivre une telle pandémie?

Je vous mentirais si je disais que j’avais prévu cela et nous sommes nombreux à avoir été surpris, plus encore en hébergement. Même quand on a commencé à parler de pandémie, on ne pensait pas qu’on serait autant impacté. La première vague a frappé de plein fouet les CHSLD.

Comment avez-vous pu vous sortir des remous de la première vague?

Au début de la pandémie, on a travaillé de très longues heures et plusieurs jours d’affilés, mais à un moment, il fallait faire une pause. Je suis maman de trois jeunes filles et il était important pour moi de vivre le moment présent avec mes enfants. C’était ma façon de me déconnecter du travail pour faire un peu le vide, de me ressourcer en famille et pouvoir le lendemain repartir au travail et avec les idées claires.

Vous n’étiez pas en télétravail?

Il était important que je sois à proximité des équipes, que je prenne le pouls du terrain.

Concrètement, quelle était la nature de votre travail?

Les consignes changeaient beaucoup. Je m’assurais qu’elles soient diffusées aux équipes, qu’elles soient comprises et qu’on ait les moyens de les mettre en application que ce soit en quantité d’équipements de protection, en réduction de déplacement du personnel. Il fallait aussi organiser les ressources de manière équitable alors qu’on vivait une grosse crise avec des soignants qui étaient en congé de maladie.

Comment faisiez-vous pour répondre aux familles en détresse qui perdaient des proches et au personnel inquiet?

On se concentre sur le moment présent une heure à la fois. Quand on est en période de crise, l’après-midi semble parfois loin. La situation a été souvent difficile. Tout ce qui était sur le bureau était important, mais j’y allais avec ce qui était urgent et tout ce qui touchait la sécurité était la priorité numéro un.

Que voulez-vous dire par sécurité?

Il fallait éviter la contamination, car ce sont des vies qui sont en jeu, celles des résidents et des employés. On a appris à vivre avec ce virus alors qu’on était dans la pandémie. Nous n’avons pas eu beaucoup de recul pour nous préparer et tout mettre en place, peu importe l’ampleur. On a appris au fur et à mesure et on apprend encore.

Vous parlez d’apprentissage, pouvez-vous nous en donner un exemple?

Après la première vague, on s’est demandé comment se préparer à la deuxième vague et ne pas vivre les mêmes erreurs. On avait appris que si on sortait rapidement les usagers positifs lorsqu’il y a de la transmission, on gardait le milieu froid. On savait aussi que les zones chaudes nécessitaient une organisation très exigeante. On devait avoir du personnel dédié et un environnement physique adapté. On a décidé alors de ne pas avoir de zones chaudes dans tous les CHSLD et on en a centralisé une à Laurendeau. Tous les cas positifs de n’importe quel autre établissement étaient transférés dans cette unité.

Vous êtes originaire du Liban qui a connu une guerre civile qui a marqué les esprits. Avez-vous vu des similitudes avec la pandémie?

Il y avait certains jours où des souvenirs me revenaient. Certaines émotions étaient semblables. Quand on vit une guerre civile, on est en état de survie et avec la première vague c’était un peu la même chose. On allait à l’essentiel pour essayer de passer à travers la crise.

Mais ce qui ressemblait le plus, c’était la solidarité que nous avons vécue entre collègues, entre humains. J’ai ressenti un vent d’amour que je n’avais jamais vu en temps normal. C’était un levier très important qui nous a aidés pour passer au travers.

Après une année aussi intense, quel est la leçon majeure que vous avez tiré?

Quand on regarde ce qu’on a vécu, on trouve que la vie est fragile et des réflexes qu’on avait tenus pour acquis ne feront peut-être plus partie de notre vie quotidienne.

Ce que je retiens, c’est la capacité d’adaptation de l’humain. Elle est exceptionnelle. Dans ces circonstances, on a pu trouver d’autres façons de se saluer. Partout, maintenant dans les CHSLD, les gens travaillent avec des masques et on sait que pour les personnes âgées le sourire est important quand ils nous regardent, alors on a appris à sourire avec les yeux.

Honneurs

Deux autres femmes honorées comme ambassadrice du secteur de la santé du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, Cathy Dresdell, directrice adjointe des services médicaux et généraux de première ligne, et Dre Stéphanie Raymond Carrier, directrice adjointe des services professionnels.

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