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Charlotte Tassé, une infirmière pionnière sortie de l’oubli

Une exposition permanente a été inaugurée à l'Hôpital en santé mentale Albert-Prévost. Photo: Isabelle Chénier, Métro

L’Hôpital en santé mentale Albert-Prévost (HSMAP) a inauguré le 11 mai une exposition permanente pour célébrer l’âme de l’institut: Charlotte Tassé. Une nouvelle aile de l’établissement porte maintenant son nom.

La route pour se rendre à l’Hôpital en santé mentale Albert-Prévost s’est faite à vélo. Une fois arrivée sur la voie cyclable Gouin dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, la rivière des Prairies, bordée par les arbres et les maisons ancestrales, est le fil d’Ariane vers l’établissement de soins de santé.

Les freins grincent en forçant l’arrêt du vélo devant l’entrée de l’urgence. Mis à part l’écriteau, rien n’inspire l’empressement aux alentours. La tranquillité règne. Une atmosphère qui veut inspirer la détente, le repos. Il est à croire que l’âme de l’infirmière et pionnière en soins psychiatriques erre toujours.

«J’ai connu tante Charlotte lorsque j’étais toute jeune. Il y avait une sérénité, un calme en elle», explique sa petite-nièce, Johanne Tassé, invitée à l’inauguration de l’aile Charlotte Tassé ainsi que de l’exposition permanente installée dans le hall d’entrée de l’urgence de l’HSMAP.

Une reconnaissance de son courage et de sa détermination qui sauve de l’oubli un legs immense laissé à l’ensemble des infirmières du Québec.

La petite-nièce de Charlotte Tassé, Johanne Tassé. Photo: Isabelle Chénier, Métro.

L’audacieuse

En 1919, à son retour d’un cours de perfectionnement en soins psychiatriques à New York, Charlotte Tassé se retrouve à travailler comme infirmière au Sanatorium Prévost aux côtés de son fondateur, le neurologue Albert Prévost.

À peine un mois après avoir œuvré auprès de patients atteints de troubles nerveux, la jeune femme de 25 ans décide d’ouvrir une école de formation pour les gardes-malades au sein de l’établissement. Une initiative qui donne une idée de la personnalité de l’infirmière.

En 1926, le décès subit du Dr Prévost dans un accident automobile transfère à elle ainsi qu’à sa complice, Bernadette Lépine, les fonctions d’administratrices de l’établissement.

Deux ans plus tard, elle fonde la revue La Garde-malade canadienne-française, qu’elle dirigera pendant 35 ans. Il s’agit également d’un véritable médium de revendications quant à la place des Canadiennes françaises au sein de la profession d’infirmière. Cette publication permet aussi le partage de connaissances acquises lors de multiples voyages en Europe afin d’améliorer la formation et le savoir-faire des infirmières au Québec.

La pertinence de ces écrits contribuera de même à la propulser au titre d’autrice à best-seller, grâce à la publication du Manuel des questions et réponses d’examens de gardes-malades.

Hormis son intellect indéniable et sa capacité de gestionnaire, Charlotte Tassé possède aussi une grande capacité à réunir des forces contre vents et marées. Elle a su trouver un appui financier auprès de l’ancien Premier ministre du Québec, Maurice Duplessis, pour pallier la précarité de l’institut induite entre autres par la crise financière de 1938. Elle et sa consœur Bernadette Lépine ont même fait l’acquisition du sanatorium en 1945 pour éviter sa fermeture. Celles-ci poussent même l’audace en formant un conseil d’administration composé entièrement d’infirmières laïques.

L’un des accomplissements les plus notoires de Charlotte Tassé est certainement la création d’une école de formation condensée pour un nouveau corps professionnel: les infirmières auxiliaires. La diplomation plus rapide de ses étudiantes, aptes à prodiguer des soins aux malades, a pour but de combler une pénurie de main-d’œuvre qui affligeait déjà le milieu hospitalier.

Une pilule amère

Dès 1962, un fond de tension commence à peser au sanatorium entre le conseil d’administration, toujours présidé par Charlotte Tassé, accusé d’ingérence médicale par l’équipe de psychiatres, particulièrement par le Dr Camille Laurin.

À la suite de la publication d’un témoignage choc d’un ex-patient de l’institut, ouvrage dont la postface est signée par le Dr Laurin, une commission d’enquête sur l’administration de l’établissement est mise sur pied. Les conclusions accablantes du rapport forcent Charlotte Tassé et Bernadette Lépine à démissionner de leur poste.

Durant la dizaine d’années qui suivirent, Charlotte Tassé continue d’œuvrer au sein du milieu infirmier, tant dans la recherche que dans la vie associative, et ce, jusqu’à sa mort en 1974.

L’héritage

La fin de carrière de Charlotte Tassé illustre peut-être que le parcours de cette dernière est celui d’une combattante, «à une époque où les femmes étaient très limitées dans leur choix de vie», souligne Johanne Tassé.

«Elle n’a jamais lâché prise et a été très stratégique dans ses décisions. Elle avait une vision et un objectif.»

Johanne Tassé espère que l’exposition permanente affichée dans l’aile Charlotte-Tassé servira « d’inspiration pour les femmes qui veulent faire leur place dans le monde d’aujourd’hui. »

«Ç’a toujours été la référence. Tout le bien qu’elle a fait. Je me suis un peu inspirée de ses accomplissements pour trouver ma voie.»

En enfourchant une fois de plus la bicyclette, la rue Jeanne-Mance se retrouve sur le chemin du retour. Un bel adon. Jeanne Mance, la cofondatrice de l’Hôtel-Dieu de Montréal, était un véritable modèle pour Charlotte Tassé, selon les dires de sa petite-nièce.

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