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David Fennario, le soldat de Verdun

Photo: Anne-Frédérique Hébert-Dolbec/TC Media

Le 9 juillet, au Centre communautaire Marcel-Giroux, le Comité des citoyens et des citoyennes de Verdun présentera «Fennario persiste et signe». Le documentaire nous emmène dans l’univers du résident de Verdun David Fennario dans toutes les étapes de la création de sa dernière pièce Motherhouse, qui traite de la vie des travailleuses à l’usine de munitions de Verdun pendant la Première Guerre mondiale.

Pour l’occasion, TC Media a rencontré le célèbre dramaturge afin de discuter de l’influence de l’arrondissement qui l’a vu grandir sur son œuvre.

David Fennario nous accueille dans son appartement jonché de livres de la rue Lafleur, situé en plein cœur de Verdun. L’œil moqueur, le sourire en coin, l’esprit vif de l’auteur de la célèbre pièce Balconville ne semble nullement affecté par le fait qu’il est cloué à une chaise roulante, atteint du syndrome de Guillain-Barré, une paralysie causée par un trouble neurologique rare.

Grand socialiste, les nombreuses affiches et photographies qui ornent les murs témoignent aussi de ses convictions politiques. Ici, une affiche qui fusionne Karl Marx et l’acteur Marlon Brando. Là, un carré rouge côtoie une image satirique de Stephen Harper.

«Mes convictions politiques ont été façonnées par le fait que j’ai grandi à Verdun», se remémore l’homme qui a été candidat de la gauche pour l’Union des forces progressistes en 2003, puis avec Québec Solidaire en 2007.

Il s’est réjouit d’ailleurs de voir Montréal se réanimer sous les casseroles des étudiants, qui lui rappelaient l’agitation québécoise des années ’60.

Passé militaire
Motherhouse s’inspire de la tradition militaire très présente à Verdun, notamment lors de la Première guerre mondiale.

«Verdun est la municipalité québécoise qui a eu le plus de soldats blessés lors de cette guerre, par rapport au nombre de gens qui y ont participé. Mon père, mon grand-père, plusieurs des hommes dans ma famille ont joint l’armée.»

M. Fennario a lui-même tenté sa chance, avant d’être refusé par son médecin à cause de sa santé trop fragile. «Ça aurait pu tout changer. J’aurais pu avoir un travail stable», rigole-t-il.

Ce sens de l’humour acerbe, l’auteur l’attribue également à son passé verdunois. «Mon humour est teinté d’Écossais, d’Irlandais et de prolétariat. J’écris des histoires tragiques et terribles, mais les gens rient aux larmes. C’est ce que j’appelle la ‘dead serious comedy’ (la comédie sérieuse à mort)».

Racines anglophones
Il est né sous le nom de Wiper à Pointe-St-Charles en 1947, avant de déménager à Verdun. Le dramaturge a grandi dans une famille anglophone de la classe ouvrière qui habitait cet arrondissement depuis 100 ans.

«L’histoire de ma famille a influencé toute mon œuvre. Mon entourage était vraiment doué pour raconter des histoires. Nous ne choisissions pas de nous exprimer par l’écriture, mais plutôt par les sports et la narration. Je suis un pur produit de cette tradition. Le théâtre m’est venu naturellement. Je ne l’ai pas choisi. »

La langue a toujours été au cœur de ses œuvres. La pièce Balconville a été écrite en 1979 dans un contexte où le Québec venait de porter au pouvoir pour la première fois un gouvernement séparatiste. Acclamée à travers le Canada, elle était d’ailleurs la première œuvre théâtrale bilingue.

«Quand j’étais jeune, le dualisme entre Anglophones et Francophones était extrême. Ils avaient leurs rues, nous avions nos rues, ils avaient leurs écoles, nous avions nos écoles, ils avaient leurs parcs, nous avions nos parcs. Un des messages politiques les plus fréquents dans mes pièces, ce sont les questions de solidarité. Nous devons travailler ensemble pour avancer.»

Jeune de coeur
Bien qu’influencé par le passé, M. Fennario se dit aussi au diapason de la jeune génération d’aujourd’hui. « Les carrés rouges ont été une grande source de joie pour moi. C’était un retour au Québec des années 60 et 70, celui que j’ai raconté à mes enfants. Je suis content qu’ils aient pu vivre cette expérience aussi. »

Malgré sa maladie dégénérative, le dramaturge a encore des dizaines de projets en tête. Il travaille présentement à l’écriture d’une nouvelle pièce qui risque, comme à son habitude, d’être engagée, ainsi qu’à la création d’une troupe de théâtre.

Lorsqu’on lui demande ce qu’il espère léguer comme héritage, M. Fennario fait silence durant un long moment pour réfléchir avant d’éclater de rire. «J’aimerais que mes ennemis se souviennent de moi avec douleur. Pour mes amis, j’espère que dans leur souvenir, je serai quelqu’un qui a tenté de faire avancer la société, comme un battant, comme un soldat.»

Documentaire

Le documentaire «Fennario persiste et signe», sera présenté en version sous-titrée française en présence de David Fennario au Centre communautaire Marcel-Giroux le 9 juillet à 18h30.

À travers les souvenirs d’enfance, des images d’archives des manufactures et des promenades dans le quartier, le réalisateur Martin Duckworth a profité de la création au Centaur de la plus récente pièce de David Fennario, Motherhouse, pour offrir un portrait du dramaturge méconnu des francophones à cause des univers théâtraux anglophone et francophone distincts.

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