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Demandeurs d’asile : des travailleurs essentiels se disent «oubliés»

Andler Isemael est gardien de sécurité pour une agence montréalaise. Photo: Josie Desmarais/Métro

Alors que Québec envisage de régulariser le statut des réfugiés qui ont travaillé dans les CHSLD pendant la crise sanitaire, d’autres travailleurs essentiels demandent que cette reconnaissance soit élargie.

Arrivée au Québec par le chemin Roxham en 2017, Mireille* travaille depuis deux ans comme préposée aux bénéficiaires dans une résidence privée pour aînés. La crise de la COVID-19, elle l’a vue de près, alors qu’elle a attrapé la maladie sur son milieu de travail.

«Ce que je fais, j’aime ça. J’aime beaucoup aider les gens, surtout les personnes âgées. Mais attraper la COVID avec un enfant de quatre ans, c’était difficile», raconte la mère monoparentale de Montréal-Nord.

Pour Mireille, l’anxiété de travailler «au front» s’ajoute à celle de craindre d’être retournée en Haïti, où elle craint la situation politique instable. Sa demande d’asile refusée, elle attend une réponse à sa deuxième demande, celle-ci pour des motifs humanitaires.

En réaction à une pression politique pour régulariser le statut des travailleurs essentiels, le gouvernement de François Legault a annoncé récemment que les dossiers des personnes sans statut qui travaillent dans les CHSLD seraient analysés.

Mireille, qui travaille dans le privé, n’est pas certaine si cette annonce la concerne.

«Ce sont eux qui peuvent décider, réagit Mireille. C’est ce que je souhaite de tout coeur, franchement. Je me sens à l’aise au Québec. J’aimerais avoir une vie normale.»

Un flou

Pour la députée de Bourassa-Sauvé, Paule Robitaille, il y a encore un «flou» qui entoure les intentions du gouvernement.

«Est-ce que ceux qui travaillent dans des agences comptent? On ne sait absolument rien. J’ai hâte d’avoir un plan plus précis de M. Legault.»

Elle pense également que le gouvernement devrait accepter les personnes qui ont travaillé dans tous les milieux dit «essentiels».

«Ça peut être un préposé aux bénéficiaires, ou quelqu’un qui travaille dans une usine, dans une épicerie. Ce n’est pas juste de la reconnaissance, on a besoin d’eux dans notre société.»

«Et nous?»

Andler Isemael est lui aussi arrivé par le chemin Roxham en 2017. En attente d’une demande humanitaire, il travaille pour une agence de sécurité dans divers hôpitaux et établissements de santé, dont les CHSLD. Il se sent oublié par le gouvernement.

«Travailler en sécurité, ce n’est pas une job qui est facile. Ce n’est pas tout le monde qui veut le faire. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités et regarder notre dossier», pense ce résident de Saint-Michel.

Guillaume*, un demandeur d’asile de Montréal-Nord qui travaille pour une compagnie d’assemblage de systèmes de climatisation, se sent oublié. Il a été appelé à faire des travaux dans des CHSLD qui ont été des foyers d’éclosion pendant la crise sanitaire.

«Quand on dit que c’est seulement les préposés aux bénéficiaires qu’on va régulariser, je trouve ça inacceptable», dit-il, en faisant référence à la proposition du gouvernement Legault qui ne concernerait que moins de 1000 demandeurs d’asile ayant travaillé à temps plein dans les CHSLD, selon les informations de Radio-Canada.

«Et nous? Nous n’avons pas d’importance pour le Québec?» -Guillaume*

Pour Frantz André, qui coordonne le comité d’action pour les personnes sans statut, le sacrifice qu’ont fait les travailleurs essentiels pendant la pandémie mérite d’être reconnu.

«Ils ont été dirigés vers des emplois que le Québécois moyen ne veut pas faire, dit essentiels, et ont été davantage infectés», souligne-t-il.

Selon lui, le gouvernement doit agir pour permettre à ces personnes d’avoir l’esprit tranquille en ayant la résidence permanente.

«Les deux niveaux de gouvernement devraient mettre en place un programme d’évaluation de demande humanitaire, dit-il. Toute personne qui est minimalement impliquée dans les services essentiels devrait obtenir la résidence permanente.»

*Nom fictif. Ces personnes ont demandé l’anonymat par crainte de nuire à leur processus de demande d’asile.

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