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«Mot en N» : l’enseignant de Montréal-Nord n’en est pas à ses premières frasques

L'enseignant Vincent Ouellette avait été dénoncé publiquement la semaine dernière pour ses propos dans une classe à distance. Photo: Capture d'écran/Instagram

Un enseignant de Montréal-Nord dénoncé récemment sur les réseaux sociaux pour avoir utilisé le mot en N pendant un cours n’en serait pas à ses premiers commentaires choquants, selon plusieurs témoignages d’anciens élèves recueillis par Métro.

Hanae Tamim ne garde pas un bon souvenir de son cours d’histoire de secondaire 4. Dès sa première journée de classe, en 2014-2015, elle a été carrément ébranlée par les propos tenus par son enseignant, Vincent Ouellette.

Ce jour-là, en guise d’entrée en matière, il a demandé à tous les élèves québécois de la classe de lever la main, raconte Mme Tamim.

«Je me rappelle que la majorité des élèves a levé la main. Il s’est mis à nous regarder et nous dire qu’on n’avait pas compris. Il parlait des Québécois de souche. La majorité d’entre nous a baissé la main.»

Selon elle, l’enseignant était manifestement déçu de la composition de sa classe.

«Il disait qu’il y avait de moins en moins de Québécois de souche chaque année. Il a dit qu’il n’enverrait jamais ses enfants à l’École Henri-Bourassa parce qu’il ne voudrait pas que ses enfants soient en minorité.» -Hanae Tamim, ancienne élève

Événement isolé ? Non, répond Sophie Donna Joseph. Cette ancienne élève raconte avoir vécu la même chose deux ans plus tard.

«Lorsqu’il voyait ça [le nombre de Québécois de souche], il était pas mal déçu et découragé, soutient Mme Joseph. Il disait souvent que les Québécois blancs étaient de moins en moins nombreux.»

Deux autres personnes qui ont demandé l’anonymat ont raconté à Métro avoir été témoins d’une scène similaire, dont l’une en 2010.

Des élèves choqués

Dans la foulée de la diffusion d’une vidéo montrant Vincent Ouellette utilisant à plusieurs reprises le mot en N en français et en anglais, Métro a recueilli les témoignages de sept de ses anciens élèves, dont trois à visage découvert. Ceux-ci brossent un portrait d’un professeur qui ne se gêne pas pour tenir régulièrement des propos qualifiés de «xénophobes» et «antireligieux» dans le cadre de son enseignement.

Hanae Tamim, une musulmane pratiquante, se rappelle un discours que l’enseignant a tenu en réaction aux attentats de Charlie Hebdo, en 2015.

«Il a commencé à nous parler de l’islam comme étant une religion pleine de violence, de guerres et d’agressivité. Je lui ai parlé en dehors de la classe. Je lui ai dit que les propos qu’il avait utilisés étaient très méchants et très blessants envers quelqu’un qui pratique la religion musulmane. Tout ce qu’il a dit, c’est que je déformais ses propos.»

Une autre ancienne élève qui a requis l’anonymat en raison de son emploi était dans ce cours cette journée-là.

«Il a passé une période au complet à faire un monologue comme quoi les religions c’était de la bullshit, que les personnes religieuses ne sont pas capables d’avoir leurs propres opinions, leurs propres valeurs. Il nous a dit que tous les terroristes sont musulmans.»

Laetitia Achour, qui était dans sa classe en 2016-2017, se rappelle d’avoir entendu de nombreux commentaires dirigés contre l’islam.

«Il faisait constamment l’amalgame entre le terrorisme et l’islam, affirme-t-elle. Dans nos classes, il y avait beaucoup de membres des communautés maghrébine et arabo-musulmane. On entendait très souvent des propos islamophobes. Il s’exprimait très fortement sur le fait que l’islam était une religion fondamentalement violente. On voyait beaucoup l’influence de son athéisme sur son enseignement».

Mme Achour, elle aussi musulmane pratiquante, se souvient qu’elle éprouvait un sentiment de honte lorsqu’elle devait prendre part à son cours d’histoire.

«Je cachais mon accent, mon appartenance religieuse, se remémore-t-elle. Je ne m’exprimais pas sur le fait que j’étais maghrébine et je n’en étais pas fière dans sa classe.»

Cette «haine» des religions relatée par plusieurs témoignages se traduisait également par des propos désobligeants envers la religion catholique.

«Il disait que tous les prêtres étaient pédophiles, que la religion n’existe pas et que c’était un moyen pour manipuler les humains et que maintenant ça ne sert plus à rien», raconte Sophie Donna Joseph.

Méthodes offensantes

Les anciens élèves ont confié à Métro avoir vu et entendu des gestes et des propos offensants.

Certains affirment que M. Ouellette faisait le salut nazi en classe, malgré un malaise évident chez les élèves.

«Chaque fois qu’il parlait des nazis et d’Hitler, il faisait le salut nazi en claquant des talons, nous raconte une ancienne élève qui a demandé l’anonymat. Tout le monde était choqué. On ne se sentait pas vraiment à l’aise. Lorsqu’on lui demandait d’arrêter, il disait que c’était une recréation historique.»

Trois sources déplorent également l’utilisation de mots caricaturaux pour décrire les Premières Nations.

«Il utilisait le terme nautochetone avec un accent super farfelu», explique Sophie Donna Joseph, qui estime que l’enseignant le faisait en dérision.

Plaintes ignorées

Plusieurs personnes qui se sont confiées à Métro affirment que des plaintes ont été faites à la direction de l’école afin que celle-ci agisse pour mettre un frein aux propos offensants. Elles affirment toutefois que celles-ci n’étaient jamais prises au sérieux par le directeur, Sébastien Tremblay, qui occupe toujours ce poste.

«[Vincent Ouellette] a dit dès le premier cours qu’on pouvait porter plainte autant qu’on voulait, mais qu’il était invincible et qu’il n’allait jamais partir de l’école», soutient Sophie Donna Joseph.

«Il sortait son téléphone dans la classe pour nous montrer qu’il était chummy, chummy avec le directeur et qu’ils textaient entre eux, raconte Hanae Tamim. On voyait la relation. Ils rigolaient entre eux dans les corridors.»

En réponse à notre demande d’entrevue, le directeur de l’école Henri-Bourassa, Sébastien Tremblay, a affirmé qu’il ne commenterait pas le dossier en raison d’une enquête administrative. «Je n’entretiens aucun lien d’amitié avec M. Ouellette», a-t-il toutefois affirmé.

Témoignages sur les réseaux sociaux

Quelques heures avant la publication de ce texte, des témoignages faits par d’anciens élèves de la classe de Vincent Ouellette ont été diffusés sur les réseaux sociaux. 

Des témoignages écrits anonymes ont d’abord été diffusés sur une nouvelle page Facebook nommée «Béliers solidaires», mercredi avant-midi. Ils dénoncent une «utilisation répétitive et gratuite des propos racistes de la part de leur enseignant d’Histoire au secondaire », résume la publication.

Une vidéo dans laquelle une dizaine d’élèves, dont plusieurs à visage découvert, racontent leurs expériences avec M. Ouellette a aussi été publiée sur cette page.

La page «Béliers solidaires» a publié une liste de revendications, dont le renvoi immédiat de l’enseignant en question.

Enquête en cours

Le Centre de services scolaires de la Pointe-de-l’île (CSSPI) a décliné notre demande d’entrevue «étant donné l’enquête administrative en cours».

«Nous prenons la situation très au sérieux et des actions ont été entreprises afin de faire la lumière sur ces événements», a répondu succinctement la directrice des communications, Valérie Biron.

Il a aussi été impossible de parler à Vincent Ouellette.

Le Devoir avait publié lundi les extraits d’une lettre d’excuses que Vincent Ouellette a envoyée au quotidien en réponse à une demande d’entrevue. L’enseignant réagissait aux premières dénonciations qui concernaient les vidéos dans lesquelles il a été filmé citant plusieurs fois des œuvres dont le titre comprend le mot en N.

«Je m’excuse auprès de mes élèves, auprès de la communauté où j’enseigne depuis 25 ans ainsi qu’auprès de tous ceux et celles qui ont été offensés, avait-t-il écrit au Devoir. Cette attitude n’avait pas sa place dans un cours d’histoire.»

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