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Souvenirs du référendum dans l’est de l’île

Trois personnalités politiques racontent leurs souvenirs référendaires. Photo: 123rf

À l’occasion du 25e anniversaire du référendum de 1995, l’Avenir de l’Est a discuté avec trois personnalités politiques de l’est de Montréal. Retour sur cette soirée historique.

Oui, Nicole Léger y croit toujours

Nicole Léger se bat pour la souveraineté du Québec depuis 1970. D’abord comme militante, puis comme députée. Son rêve de pays, elle a failli l’atteindre le 30 d’octobre 1995.

C’est le soir du 30 octobre. Comme tous les Québécois, Nicole Léger a les yeux rivés sur l’écran de télévision. Entourée de sa mère et de ses frères et sœurs, elle voit le camp du «Oui» prendre momentanément la tête.

«À un moment, on a monté à 51%, se rappelle-t-elle. On a gagné cinq minutes! […] On a crié dans la maison!», s’exclame-t-elle.

À ce moment précis, la victoire, elle y croit plus que jamais. Elle se tourne alors vers son frère, le sondeur Jean-Marc Léger, pour le taquiner en insinuant qu’il s’était trompé dans ses pronostics qui donnaient vainqueur le camp fédéraliste.

Alors qu’elle attend l’annonce de la victoire, celle qui avait fondé en 1973 le premier comité national des jeunes du Parti québécois pense aux mois de travail à la tête de la campagne du «Oui» dans le bout de l’île.

«On était ensorcelé de motivation et d’espoir!», raconte-t-elle aujourd’hui.

Cette période fut courte, mais intense, ponctuée de moments de grande effervescence. Assemblées, rassemblements et pose d’affiches représentant marguerites et signes de paix; tout ce travail acharné semble sur le point de porter ses fruits en ce 30 octobre.

Défaite crève-cœur

Et puis le rêve bascule. Le dépouillement des boîtes de votes de l’ouest de l’Île de Montréal et de l’Outaouais confirmera que le camp du «Non» a bel et bien gagné. La famille Léger attendra ensuite avec tristesse les déclarations de Parizeau et de Bouchard.

«C’est sûr que ça a fouetté tout le monde», lâche-t-elle aujourd’hui.

Dans la foulée, c’est la déception. Il avait fallu attendre 15 ans pour un deuxième référendum. Combien de temps en faudra-t-il pour un troisième?

Et puis, la colère. Encore aujourd’hui, elle ne digère pas le fait que le gouvernement fédéral ait dépensé de grandes sommes pour le «Love in» à Montréal et attribué quelque 11 000 certificats de citoyenneté peu avant le référendum.

Nouvel essor

La défaite aurait pu être un point final. Elle devient plutôt un point tournant.

Nicole Léger refuse de rester les bras croisés.

«La militante et l’organisatrice en moi a dit: « non, ce n’est pas vrai ! La moitié de la population croit à l’indépendance du Québec, et elle compte sur nous ».»

C’est dans cet état d’esprit qu’elle entame sa longue carrière politique.

Élue une première fois en 1996 dans Pointe-aux-Trembles, la députée péquiste gagnera un total de sept élections. L’une des grandes sources de motivation pour Mme Léger sera le fait que l’est de Montréal ait été une l’une des régions du Québec ayant recensé le plus haut taux de vote pour le «Oui».

«Je me suis dit: « si l’Est est capable, tout le Québec est capable! »»

Que ce soit comme députée ou ministre, elle dit aujourd’hui avoir toujours donné «son 150%» pour continuer le rêve d’avoir un pays qui correspond à ses valeurs profondes.

«Le Québec, un pays!»

Ce rêve a accompagné Nicole Léger durant sa jeunesse. Son père, Marcel Léger, a été l’un des sept premiers députés du Parti Québécois élus en 1970. Sa mère était aussi très engagée dans la cause.

Aujourd’hui, le besoin de fonder un pays est toujours aussi vivant.

Pour y parvenir, elle croit cependant que les souverainistes devront passer par des stratégies développées selon les spécificités régionales. Notamment, en matière d’environnement et d’agriculture, mais aussi de protection du français.

Bien qu’elle se soit maintenant retirée de la vie politique, une chose est certaine, Mme Léger a encore la fougue lorsqu’elle parle d’indépendance.

«Je repartirais en campagne du Oui, je serais encore très motivée!», affirme-t-elle.

Chantal Rouleau: le référendum à distance

C’est de la France que Chantal Rouleau suit la soirée référendaire de 1995, avec espoir de voir le «Oui» l’emporter.

Bien qu’elle soit en mission commerciale à Paris pour son employeur Cascades, le sort du Québec est au cœur de ses pensées. «J’étais seule, mais je n’étais pas seule. J’étais en pensée avec tout le monde », affirme celle qui est aujourd’hui députée de Pointe-aux-Trembles, sous les couleurs de la Coalition Avenir Québec.

Alors que le dépouillement progresse dans les circonscriptions, les votes en faveur de l’indépendance commencent à progresser. Pendant un moment, il semble même que l’option souverainiste pourrait gagner.

Mais décalage horaire oblige, elle peine de plus en plus à rester éveillée.

« J’ai écouté le plus longtemps possible. […] À un moment donné, je me suis endormie», se remémore-t-elle.

Dur réveil

Dès son réveil, Chantal Rouleau cherche à connaître le résultat de l’événement historique. Coup dur en consultant les nouvelles: le «Non» l’a emporté.

«Ça a été une déception (…)«Il y avait une réponse à donner en 1995, qui aurait pu être le oui. Et qui aurait dû être le Oui à cette époque-là», se remémore-t-elle aujourd’hui. À l’époque, elle a une conviction: « le Québec n’était pas considéré à sa pleine valeur par le Canada».

Aujourd’hui cependant, elle croit que le Québec «est devenu un incontournable et va rester un incontournable».

Plutôt que de ruminer le passé, elle souhaite voir le Québec prendre sa place, former des partenariats avec ses voisins et mettre en valeur ses richesses, pour répondre aux besoins des Québécois. «C’est ce qu’on fait tous les jours à la Coalition [Avenir Québec]», souligne-t-elle.

Mario Beaulieu: le début d’un long combat

Avec seulement 40% d’appui pour le Oui en début de période référendaire, Mario Beaulieu trouvait le pari risqué. C’est seulement la dernière semaine de la campagne référendaire que les sondages d’intentions de vote lui feront croire que le Québec a une chance de gagner son indépendance.

À l’époque président de l’association du Parti québécois de la circonscription Laurier-Dorion, M. Beaulieu passe le 30 octobre dans les bureaux de la circonscription, entouré d’environ 75 partisans.

«Au début, on était en avance. (…) Mais quand les gens ont vu qu’on avait perdu, là les gens pleuraient», se remémore le député fédéral de la Pointe-de-l’Île.

Alors que plusieurs sont en larmes, M. Beaulieu se console en pensant que le Québec aura une chance de se reprendre. «Je me suis dit, on est passé tellement proche. On n’aura pas le choix de faire un autre référendum.  Mais malheureusement, ce n’est pas encore arrivé!»

Un référendum volé

Pour M. Beaulieu, le référendum de 1995 a été volé. «On a vu que tous les moyens sont bons pour sauver le pays».

D’une part, il y a le «love-in». Par ailleurs, le grand nombre de certificats de citoyenneté qui ont été donnés avant l’élection.

Plutôt que d’y voir une question de « vote ethnique », M. Beaulieu y voit aujourd’hui une question de langue, considérant que le vote anglophone a été très fort. « On ne peut pas blâmer les gens issus de l’immigration. C’est juste nous qui sommes à blâmer parce qu’on a favorisé leur anglicisation», note-t-il.

La langue française avant tout

Que ce soit à titre de président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal ou dans sa carrière politique, la protection de la langue française sera le grand cheval de bataille de M. Beaulieu dans les années suivantes.

Un combat qu’il prend toujours à cœur comme responsable des langues officielles au Bloc québécois. «Depuis 4 ans, je répète que c’est une aberration que la politique fédérale linguistique ne serve qu’à renforcer l’anglais», mentionne-t-il.

À son avis, tant que le Québec sera dans le Canada, les Québécois en pâtiront économiquement et au niveau de la langue.

«Pour assurer la survie du français, si on n’a pas l’indépendance ça va être très très difficile», conclut-il.

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