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Ils dénoncent les pressions qu’ils subissent pour les forcer à quitter leur logement

Les trois locataires dénoncent être victimes de pressions de la part des propriétaires. Photo: Coralie Hodgson / Métro

Des locataires de Pointe-aux-Trembles se disent victimes de pressions directes et indirectes de la part de leurs nouveaux propriétaires afin qu’ils quittent leurs logements situés dans un immeuble visé par des rénovations.

Patricia Higgins, 67 ans, réside depuis 46 ans dans un sixplex de la 1re Avenue. Vers la mi-juin, un des nouveaux propriétaires de l’immeuble lui aurait proposé de quitter son logement pour le 1er août, indiquant qu’il prévoyait faire des travaux. Il aurait offert une compensation de 5200$ et de lui trouver un autre logement.

«Quand il m’a parlé de cession de bail, j’avais les larmes aux yeux, j’étais anxieuse, c’était trop de pression», relate la dame, en entrevue avec Métro.

Le propriétaire lui aurait dit que si elle souhaitait revenir après les travaux, son loyer passerait de 600 à 1050$.

Ne pouvant se permettre ce loyer avec son «revenu fixe» et souhaitant conserver son logement, la retraitée a refusé toutes les offres du propriétaire, et s’est ensuite tournée vers Infologis de l’Est de l’île de Montréal.

Olivier Vézina, organisateur communautaire chez Infologis, explique que la procédure normale pour un propriétaire aurait été d’attendre la fin des travaux pour en connaître le coût. À ce moment, la hausse du loyer pour le prochain renouvellement de bail, selon l’augmentation permise, aurait pu être établie.

«Là, c’est peut-être plus une tentative de voir son loyer augmenter sans passer par les mécanismes prévus par la loi», croit-il.

Discours flou sur la nature des travaux

Métro a fait de nombreuses tentatives pour obtenir des commentaires de la part des propriétaires de l’immeuble, Gabriell Bouchard et Olivier Trahan-Carmel. M. Bouchard a finalement affirmé qu’il n’avait «pas de commentaires» et qu’il allait rappeler la journaliste, avant de couper la ligne.

La nature des travaux prévus n’a donc pas pu être confirmée. Mais selon les locataires consultés, il serait entre autres prévu de créer deux nouveaux logements au sous-sol de l’immeuble.

Mme Higgins raconte que le propriétaire rencontré à la mi-juin lui aurait indiqué qu’il y aurait des coupures d’eau pendant quatre mois dans son appartement, rendant son départ inévitable durant les travaux.

Elle aurait ensuite demandé d’avoir plus d’informations précises par écrit sur la nature des travaux, leur date de début, leur durée et les indemnités pour l’évacuation. Sans succès.

Après des semaines d’angoisse, Mme Higgins a rencontré le deuxième propriétaire au début du mois d’août. Le discours aurait alors changé: il lui aurait dit qu’elle avait maintenant la possibilité de rester chez elle durant la période des travaux. Ni la coupure d’eau ni l’augmentation de loyer n’auraient alors été abordées.

«Souvent, on utilise les travaux comme prétexte pour expulser les locataires. Mais dès que les locataires s’informent sur les démarches [à respecter] lorsque des travaux doivent être faits, ils font valoir leurs droits», les propriétaires étant tenus de respecter plusieurs démarches et délais, remarque Olivier Vézina.

Dans le cas de réparations majeures touchant un logement, «si l’évacuation du logement est nécessaire et qu’elle doit durer plus d’une semaine, l’avis doit être donné au moins trois mois avant l’évacuation» par le locateur, précise par courriel Denis Miron, porte-parole au Tribunal administratif du logement (TAL).

Des problèmes qui se multiplient

Luc Beauregard et Yvon Houle, qui résident respectivement depuis dix ans et une quarantaine d’années dans l’immeuble, font partie des locataires approchés pour quitter leur logement moyennant une indemnité. Tous deux ont refusé.

Les deux hommes, tout comme Patricia Higgins, rapportent depuis un manque d’entretien de l’immeuble et des relations tendues avec les propriétaires.

La deuxième porte d’entrée, qui se barrait et permettait aux locataires de contrôler qui accède à l’immeuble, a entre autres été arrachée. Mme Higgins, qui vit «seule avec deux chats», raconte s’inquiéter de la situation alors que quelqu’un aurait déjà tenté de s’introduire chez elle avant l’installation de cette mesure de sécurité.

La serrure qui barrait le sous-sol, où des locataires ont des biens entreposés, a également été arrachée. «Je travaille, je pense à ça: est-ce que je vais me faire voler?», soutient Yvon Houle.

La serrure menant au sous-sol a été arrachée. Photo: Coralie Hodgson, Métro Média

Les propriétaires auraient aussi demandé aux locataires de vider leurs espaces de rangement au sous-sol en vue de travaux, et auraient même menacé de jeter leurs biens s’ils ne le faisaient pas, sans fournir d’espace de rangement alternatif.

Sur le bail initial de Luc Beauregard, on constate pourtant qu’une «remise/espace de rangement» est incluse au loyer.

Luc Beauregard et Yvon Houle affirment que leurs effets personnels se trouvant au sous-sol ont été «garrochés» et que certains auraient été endommagés.

Patricia Higgins a pour sa part vidé son espace de rangement, se retrouvant ainsi à vivre dans un appartement rempli de matériel.

Patricia Higgins a une pièce remplie de matériel après avoir vidé son espace de rangement. Photo: Coralie Hodgson, Métro Média

Pression et intimidation

Pour les locataires, il est clair que l’objectif est de leur faire quitter leur logement. «C’est de la pression, de l’intimidation», dénonce Luc Beauregard.

Chez Infologis, on rapporte qu’il est de plus en plus fréquent que des propriétaires nuisent sciemment à la qualité de vie des locataires pour qu’ils partent d’eux-mêmes.

«Dans le cas présent, j’ai surtout l’impression que le propriétaire veut donner accès [à l’immeuble] à tous les travailleurs. Mais ça ne doit pas venir aux dépens des locataires présents», observe Olivier Vézina.

Denis Miron, du TAL, précise que «le locateur doit aussi assurer la sécurité de son immeuble et peut être tenu responsable des dommages subis par le locataire en cas de défaut».

Un dossier à suivre

Au moment de l’entrevue, deux des locataires consultés avaient envoyé chacun une mise en demeure aux propriétaires, et les trois locataires prévoyaient se présenter devant le TAL pour faire valoir leur cause.

«Je ne sais pas comment un juge trancherait la question, avance Olivier Vézina. Mais ça commence à faire beaucoup de choses [à propos desquelles] le propriétaire semble insouciant, et ne pas prendre en compte les conséquences sur les locataires. C’est au propriétaire d’assurer la jouissance paisible des lieux dans les logements», conclut-il.

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