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Un pionnier de la science au Québec honoré

Photo: Vanessa Limoges /TC Media

Physicien, inventeur, militant pour la langue française, Pierre Demers a été un pilier de la science au Québec. Ce chercheur qui a collaboré au projet Manhattan dans les années 40, qui a inventé une nouvelle classification des éléments et qui a même enseigné à Hubert Reeves est encore méconnu du public québécois. C’est pour ramener ce scientifique centenaire à l’avant-scène que le 18 mars, au Salon rouge de l’Assemblée nationale, il a été nommé Chevalier de l’Ordre de la Pléiade de la Francophonie.

C’est dans sa modeste demeure qu’il partage avec son fils que l’homme nous accueille assis devant son ordinateur. À l’intérieur, des babioles, un peu de désordre, mais surtout des bouquins. Des livres de tous les grands scientifiques et auteurs francophones qui témoignent de la rigueur avec laquelle il a mené sa vie de scientifique et de francophile.

C’est avec son insigne de l’Ordre de la Pléiade entre les mains qu’il nous confie qu’il «est très fier, puisque la langue française est mon plus grand combat».

Créé en 1976, par l’Assemblée parlementaire de la francophonie, cet ordre récompense les personnes qui ont, tout au long de leur carrière, contribuées à l’essor de la langue française.

La députée libérale Christine St-Pierre souligne que «ce prix vient reconnaître sa contribution dans l’enseignement et la publication en français dans le domaine des sciences».

Un physicien au quotidien
Le scientifique qui trainait une pile de documents même lors de ses weekends en famille, «n’a jamais ouvert la télé, se rappelle son fils, Patrick Demers, en précisant que l’entièreté de sa vie a été dédiée au travail».

Dans sa maison, se cachent près de 100 ans de découvertes scientifiques, de gribouillis nocturnes et de bricoles pédagogiques. Malgré le nombre impressionnant de livres qui s’y trouvent, l’ordinateur est désormais roi puisque c’est sur son site Web, qu’il a monté lui-même, qu’il publie des articles en français chaque semaine.

D’impressionnants projets
Né en 1914, son parcours le mène en France où il est l’un des premiers étrangers à obtenir un doctorat d’État de la faculté des sciences de Paris.

À 25 ans, Pierre Demers fait ses premiers pas comme chercheur au laboratoire de Synthèse atomique de Paris. La deuxième guerre mondiale oblige le prodige à retraverser l’Atlantique.

En 1943, M. Demers intègre l’équipe du « Montreal Laboratory » de l’Université de Montréal financé par les États-Unis et relié au Projet Manhattan. Les recherches qu’il y mène avec ses collègues servent à la création de la première bombe atomique.

En tant qu’unique chercheur francophone, il découvre la pile atomique, «une contribution modeste, mais réelle», souligne M. Demers.

Des décennies plus tard, dans les années 80, il émet l’hypothèse de l’existence d’un nouvel élément qu’il nomme le Québécium (Qb). «La réalisation dont je suis le plus fier», souligne-t-il. Une découverte qui se solde ensuite en un nouveau tableau périodique elliptique des éléments qui se distingue du traditionnel tableau de Mendeleïev.

La passion de l’enseignement
À partir des années 40, il enseigne la physique à des milliers d’étudiants de l’Université de Montréal et contribue à développer une culture scientifique au Québec. «J’ai enseigné pendant 33 ans et ce n’était pas assez», raconte-t-il.

Au début des années 50, Hubert Reeves, célèbre astrophysicien en devenir, se retrouve dans sa classe. «Je me rappelle tout le bonheur que j’ai eu à participer à cette expérience, c’était la première fois que je réalisais que j’avais envie de consacrer ma vie à la recherche scientifique», se rappelle-t-il sur le site Web des diplômés de l’UdeM, ajoutant que que son plus beau souvenir universitaire a été de lancer dans le ciel un ballon-sonde avec son professeur Pierre Demers.

Le chien de garde du français
À la retraite depuis 35 ans, M. Demers «partage sa vie entre la bataille pour la langue française, la bataille pour l’indépendance et la recherche sur l’atome».

Pour lui, français et science sont indissociables et il ne peut que s’outrer du fait «que la recherche au Québec soit toujours rédigée d’abord en anglais».

À partir des années 70, la présence de l’anglais s’intensifie dans les universités du Québec et sa relation avec le milieu universitaire devient de plus en plus difficile, voyant d’un mauvais oeil la rédaction de publications scientifiques en anglais.

Selon lui, « la science est à travers le monde entier, une façon de se distinguer».

C’est pourquoi, à ce jour, et durant sa longue carrière, il a toujours publié ses écrits en français et utilisé sa tribune « pour faire avancer la science dans cette langue».

Le centenaire au français impeccable rêve de voir les recherches au Québec être à nouveau rédigées dans la langue maternelle et pour ce faire, il espère aussi voir le Québec devenir un pays.

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