Soutenez

Norgate & Renaissance: encore des plaintes d’insalubrité

Photo: Yves Provencher / TC Media

Le cauchemar se poursuit pour plusieurs locataires des appartements Norgate & Renaissance, réputés pour leurs problèmes d’insalubrité. En janvier, le nouveau gestionnaire Cogir a remplacé MetCap, avec la ferme intention d’améliorer les conditions de vie des locataires. Or, depuis le début de l’année, l’arrondissement Saint-Laurent a reçu une trentaine de plaintes, soit autant qu’à pareille date l’an passée.

Ce n’est pas moins de 2233 avis d’infraction de non-conformité de priorités différentes que l’arrondissement a enregistrés et transmis au propriétaire, True North Apartment Real Estate Investment Trust de Toronto, depuis 2014.

On compte 31 plaintes à la Ville entre janvier et avril, comparativement à 32 pour la même période l’an dernier.

Situé dans le nord-est de Saint-Laurent, le parc immobilier de 127 édifices compte 1520 unités de logement.

TC Media a visité une dizaine d’appartements aux problèmes aussi différents que sérieux. Des chutes de déchets infestées, des coquerelles, des souris, des fissures dans les murs, des planchers gonflés par l’humidité, des refoulements d’égout dans l’évier de cuisine, et plus encore.

Parmi les locataires au bout du rouleau, Joseph. Asthmatique, ce Rwandais d’origine doit utiliser sa pompe trois fois par jour depuis le 9 janvier, à la suite d’un dégât d’eau dans son appartement de la rue Crevier.

Photo Joseph 3 (cath)Tout dans la cuisine, ainsi que les tapis, les sofas, les lits étaient complètement détrempés.

Malgré ses appels répétés, seul un plombier est passé arrêter l’eau à l’étage du dessus. Joseph a alerté les policiers et les pompiers qui ont finalement réussi à joindre un concierge de garde, qui leur a fourni un déshumidificateur.

Depuis, la vingtaine de trous ont été réparés, les murs ont été repeints. Mais les tapis et les planchers, maintenant séchés, sont toujours en place. Selon Joseph, ils cachent possiblement de la moisissure. Un évaluateur est passé en mars dernier pour voir le degré de contamination, mais aucun rapport n’a été produit.

«Je veux juste parler à un responsable. Il a été impossible de rencontrer quelqu’un. On a même envoyé une mise en demeure, mais il n’y a eu aucune suite», précise Joseph. Faute de réparations adéquates, il a décidé de ne pas renouveler son bail.

Des dizaines de cas
Ce père de famille n’est pas seul à vivre dans des conditions insalubres. La grande majorité des locataires sont des nouveaux arrivants à revenus modiques à moyen. Ils hésitent à s’adresser aux autorités, craignant des représailles avec l’immigration.

C’est le cas de Faroudja (*nom fictif), qui doit jeter presque tout ce qu’elle possède. À l’entrée de son logement, au sous-sol d’un immeuble de la rue Ouimet, il y a des sacs-poubelle pleins de linge et de couvertures, des boîtes de vaisselles et d’autres objets. Elle s’apprête à mettre à la rue ses sofas, ses matelas, certains jouets des enfants.

Punaises NadejehParce que les punaises, il y en a partout. Pas besoin de chercher, les petites bestioles jonchent le plancher. Depuis des mois. Les enfants d’un et trois ans, tout comme les parents, sont couverts de piqûres.

Rien n’y fait. Même les trois traitements que sont venus faire les exterminateurs. «Au lieu de partir, on dirait qu’elles augmentent!», lance cette Algérienne d’origine, découragée.

Concertation
Devant l’ampleur des problèmes, une équipe de trois fonctionnaires, composée d’un inspecteur en construction, d’un intervenant sociocommunautaire et d’un agent de bureau, a été exclusivement dédiée depuis un an pour trouver des solutions à court et moyen terme. Leur mission a été reconduite jusqu’à décembre prochain par le conseil d’arrondissement, mardi soir dernier.

Les quelque 150 inspections ont permis de faire évacuer 19 familles qui vivaient les cas les plus urgents. L’arrondissement a pris en charge la coordination des intervenants, dont la Direction de la santé publique, la Direction de l’habitation de Montréal, le comité logement, le CSLC, les organismes scolaires et la Régie du logement. Tous ont collaboré pour assurer le partage d’information.

«Il est primordial pour nous de travailler en concertation pour détecter les problématiques et faire le suivi des signalements dans le but d’améliorer la qualité du milieu de vie», explique le maire de Saint-Laurent, Alan De Sousa, qui connaît bien les problématiques, habitant tout à côté depuis plus de 20 ans.

Changement de gestion
Apt NorgateL’inertie du gestionnaire MetCap, en place depuis 2012, a forcé le maire à s’adresser directement aux propriétaires pour faire bouger les choses. True North a bien tenté de faire annuler les avis et effacer la facture de 148 000$ pour l’équipe dédiée, en vain. «On était déterminé à leur montrer qu’il leur était impossible de se défiler», soutient M. De Sousa.

La société Cogir a alors été mandatée pour prendre la relève de MetCap. Depuis le début de l’année, l’arrondissement assure un suivi serré, aux deux semaines, pour dresser un plan d’action et surtout, le faire respecter.

Nous maintenons la pression pour les obliger à faire les travaux selon les normes. Tant que ça ne sera pas à notre satisfaction, nous allons continuer de les talonner. Ce qui compte, ce sont les résultats», affirme l’adjoint à la direction et responsable des communications, Paul Lanctôt.

Cogir doit prioritairement régler le problème de gestion des poubelles, principale cause de l’insalubrité, restaurer un réseau de concierge ainsi que faire des travaux majeurs pour remettre à niveau la plomberie et le système d’égout.

«Donner la chance au coureur»
La société a déjà pris des mesures pour redresser la situation. «Même avec toute notre bonne volonté, on ne peut pas tout faire en même temps, on ne fait pas de miracles», explique le directeur général, Pierre Ayotte.

L’embauche de concierges-résidents a débuté. La moitié de la quinzaine projetée a été engagée. Une intervenante psychosociale sera en poste dès lundi prochain pour accompagner les familles en difficulté et faire de la sensibilisation. Une équipe technique, composée de plombiers, de réparateurs et d’hommes de main, a également été mise en place.

«On a le sentiment qu’ils ont compris le message, qu’ils ne négligent pas les efforts. Il faut donner la chance aux coureurs. On constate déjà des améliorations, mais on n’est pas prêt à crier victoire», précise le maire de Saint-Laurent, Alan De Sousa.

Travaux majeurs à venir
Cogir s’est donné quelques mois pour faire l’examen de la situation, poser un diagnostic et se doter d’un plan de travail. Un ingénieur chargé de projet a maintenant la responsabilité d’effectuer les devis nécessaires pour apporter les correctifs de construction.

Travaux Norgate

 

Lors de notre visite du complexe immobilier, certains chantiers étaient en voie d’être complétés. «Le rythme des travaux va s’accélérer, mais on ne peut pas donner d’échéancier précis ni le montant des investissements», selon M. Ayotte.

Au cours des prochaines semaines, toutes les chutes à déchets devraient être condamnées et remplacées. Cogir songe possiblement à installer des conteneurs hermétiques semi-enfouis de type Molok.

Pour se conformer aux normes, des clapets devront être installés sur tout le système d’égout pour contrer les refoulements. La tuyauterie, vieille de plus de 60 ans, devra aussi être remplacée.

Cogir a fait l’acquisition d’un camion-cube pour faciliter le transfert des familles, parfois nécessaire considérant l’ampleur des travaux.

Les nombreuses plaintes pour les problèmes parasitaires devraient également diminuer avance M. Ayotte. «Nous avons évalué l’efficacité de chacune des compagnies d’extermination. Certains ne donnaient pas de résultat. Nous avons retenu les services de l’expert qui va éliminer correctement les infestations».

Scepticisme
Les locataires restent prudents. «Ils ont ajouté une longue liste de clauses dans le renouvellement de notre bail. Je n’ai pas confiance parce que ces compagnies-là ne veulent que faire de l’argent», affirme Chan Mealea Ong.

La dame de 65 ans habite la rue Crevier depuis plus de 20 ans. Comme plusieurs occupants, elle craint que Cogir se déresponsabilise.

D’autres, qui ont préféré rester anonymes, ne veulent pas que, prétextant l’exécution des travaux, le propriétaire puisse accéder à leur logement en tout temps, malgré les règles strictes de la Régie du logement.

«Notre priorité, c’est le service à la clientèle, soutient Kevork Meterissian, vice-président opération chez Cogir. Nous souhaitons redonner un sentiment d’appartenance à la communauté tout en étant en situation d’harmonie avec nos locataires, pas de conflit.»

Les demandes sont multiples et Cogir devra maintenant faire ses preuves. À terme, le gestionnaire s’est fixé l’objectif, ambitieux de son propre aveu, de répondre aux appels d’urgence et les résoudre en 48 heures.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.