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La gigue des glaces

Wojtek pose avec un brochet sur le Lac St-Louis.
Wojtek pose avec un brochet sur le Lac St-Louis. Photo: Xavier Bourassa/Métro Média

Les frères Zoltak marchent à grandes enjambées sur la surface glacée du lac St-Louis à la hauteur de Beauharnois, tirant chacun derrière eux un traîneau lourdement chargé. Même s’il est déjà 11h, Wojtek ne s’en fait pas : chaque journée de pêche est une bénédiction. La tente est vite montée, dix trous au sol sont percés et les lignes sont lancées. Il fait beau.

Wojtek se rappelle d’une époque où les sonars à haute sensibilité Garmin et les «gigueurs» automatiques JawJacker n’étaient pas de la partie. Très jeunes, Daniel et lui allaient pêcher à Coteau-du-Lac alors que leur père, artiste dans l’âme, peignait à l’arrière de la chaloupe. Mais aujourd’hui, Wojtek n’est plus qu’un simple amateur.

Voilà déjà cinq ans que des pêcheurs d’un peu partout font appel à ses services de guide. Été comme hiver, le quadragénaire partage son emploi du temps entre le concessionnaire auto où il travaille et les lacs des environs. L’hiver, c’est au sud-ouest de l’île de Montréal qu’il préfère taquiner les différentes espèces de poisson.

«L’eau est plus claire à cause de l’affluent des Grands Lacs et de la filtration des moules zébrées. Mais surtout, la variété ici est incomparable pour la région».

L’art d’y croire

Agenouillé sur la glace, Wojtek laisse le moulinet de sa canne se dérouler jusqu’à ce que son appât ondoie à 60 cm du fond marin. C’est à cette hauteur qu’il tentera d’attirer l’attention des perchaudes, brochets, maskinongés et achigans du coin. Aux yeux du pêcheur toutefois, les véritables poissons-trophées sont les énigmatiques dorés jaunes.

«À défaut d’être futés, les brochets sont combatifs et spectaculaires. Mais le vrai défi, c’est les dorés. Dépendamment du temps et de la journée, ils changent d’habitat. Ça prend beaucoup plus de technique, mais attend de goûter au fish & chip avec des oignons caramélisés!», prévient-il.

L’heure n’est cependant pas idéale pour cette variété très sensible à la lumière. Les dorés jaunes révèlent habituellement leurs charmes à l’aube et au crépuscule. Wojtek a tout de même équipé certaines de ses lignes avec des dandinettes (jigs) et des cuillères tournantes pour être prêt à toute éventualité.

À ses côtés, Daniel équipe une brimbale, de type sentinelle, avec des appâts aux couleurs vives qui doivent titiller le brochet gourmand. Cette ligne, directement fixée dans la glace par une tige de bois, signale automatiquement au pêcheur qu’il tient une prise. Lorsqu’un poisson s’hameçonne, un mécanisme déclenche un petit drapeau orange.

«C’est pour les pêcheurs paresseux, ricane-t-il. Mais quand il fait -35 degrés Celsius, on est tous un peu paresseux».

Wojtek et son frère Daniel essaient de repérer des poissons.
Wojtek et son frère Daniel essaient de repérer des poissons.

La bête

Les heures passent et toujours aucune morsure au bout des lignes. D’après Wojtek, le calendrier lunaire de pêche prédisait 13% de réussite pour la journée. Le pêcheur d’à côté, pourtant, n’en est pas du tout affecté.

«Déjà deux belles prises, mes enfants vont être content, ils adorent les burgers de brochets», affirme-t-il.

Histoire de pêcheur, pourrait-on croire, mais cet enthousiaste semble vraiment avoir la main heureuse aujourd’hui. Quelques instants plus tard, les deux frères Zoltak se précipitent à nouveau vers le voisin pour admirer sa nouvelle prise.

Se dessinent soudainement à la surface de l’eau les dents acérées d’un prédateur marin. Sa vivacité donne sens à l’expression «pêche sportive». D’un geste vif, le pêcheur tire la bête hors de l’eau et sur la glace. Son corps longiligne et tacheté de jaune doit bien faire 60 centimètres. La fébrilité est palpable.

«C’est un beau», lance Daniel.

Après quelques rires et anecdotes partagés, Wojtek et son frère décident de tirer un trait sur la journée et remplissent à nouveau leurs traineaux de matériel.

À présent, ils ont des familles et ne peuvent s’éterniser jusqu’à la tombée de la nuit. Mais tout au long de la journée, c’est comme s’ils retombaient en enfance.

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