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Coupables d’être dépendants

PHILADELPHIA, PA - JANUARY 24: A man uses heroin under a bridge where he lives with other addicts in the Kensington section which has become a hub for heroin use on January 24, 2018 in Philadelphia, Pennsylvania. Over 900 people died in 2016 in Philadelphia from opioid overdoses, a 30 percent increase from 2015. As the epidemic shows no signs of weakening, the number of fatalities this year is expected to surpass last year's numbers. Heroin use has doubled across the country since 2010, according to the U.S. Drug Enforcement Agency. Officials from Philadelphia recently announced that they will welcome private organizations to set up medically supervised drug injection sites as a way to combat the opioid epidemic. (Photo by Spencer Platt/Getty Images) Photo: Getty Images

Ce devait être une journée normale, où le quotidien est organisé en fonction de ce besoin devenu obsession. Et puis tout dérape. La dose est trop forte, le système n’est plus capable d’en faire l’absorption. Le cœur arrête de battre. C’est la surdose. En 2017, pour 72 000 États-Uniens, ce moment a été leur dernier. Les deux tiers de ces surdoses sont directement liés à la consommation d’opioïdes – dont le fentanyl. La consommation de cette drogue synthétique, de 50 à 100 fois plus puissante que la morphine, a connu une augmentation marquée dans les dernières années. Certains la consomment consciemment, à la recherche d’une sensation forte. D’autres pensent consommer de l’héroïne, mais se retrouvent avec un mélange entre les deux formes d’opioïdes.

Dans le maelstrom de la présente crise des opioïdes, plusieurs États, dont le Tennessee, le Delaware, la Floride et le Wyoming, ont décidé de poursuivre les revendeurs pour meurtre si leurs «clients» décèdent d’une surdose. Or, dans certains cas, qui deviennent de plus en plus fréquents, la définition de «revendeurs» est élargie à «fournisseurs», justifiant des accusations contre des amis ou des membres de la famille d’un utilisateur ou d’une utilisatrice mort(e) d’une surdose. Les procureurs considèrent alors que la personne ayant fourni la drogue à l’origine de la mort est responsable de celle-ci. C’est le cas d’Amanda Guarneri, qui purge six ans de prison dans l’État de New York pour la surdose de son ami, et de Chase Thistle, du Wisconsin, qui pourrait purger jusqu’à 40 ans de prison pour meurtre au premier degré. Ce ne sont que deux parmi plusieurs à se trouver aujourd’hui derrière les barreaux, coupables de leur dépendance et de celle d’un proche.

Cette augmentation de la criminalisation de la consommation de stupéfiants complique une relation déjà peu simple entre policiers et consommateurs de stupéfiants, la guerre à la drogue et la stigmatisation ayant laissé des traces. Or, la vitesse de réaction peut être déterminante en cas de surdose, affectant les chances de survie. Mais si le fait d’être au même endroit qu’une personne en train de faire une surdose peut entraîner une condamnation pour meurtre, les gens vont-ils continuer d’appeler les secours?

Alors que 2,1 millions d’Américains (National Survey on Drug and Health, 2017) ont déclaré être dépendants des opioïdes en 2017, le gouvernement fédéral note que la priorité reste l’accès au traitement. Or, l’absence d’une couverture d’assurance se dresse entre près de 94 % des utilisateurs et des utilisatrices et l’accès aux programmes de désintoxication. Le Congrès tente de résoudre cette problématique alors que la Chambre des représentants et le Sénat évaluent l’adoption d’une loi élargissant l’accès aux soins – dont les centres de désintoxication – et augmentant les mesures pour limiter l’entrée de la drogue sur le territoire. Pour plusieurs, c’est trop peu, trop tard. Comment amener les utilisateurs et les utilisatrices d’opioïdes à faire confiance au système et à accéder aux traitements offerts si, dans les États et les municipalités, le mot d’ordre est «criminalisation»?

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