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Condamné pour non-dénonciation d’agressions sexuelles, un cardinal français remet sa démission 

Le cardinal français Philippe Barbarin. Photo: Jean-Philippe Ksiazek/AFP Photo: AFP
Rédaction - Agence France-Presse

Le cardinal Barbarin, le plus haut dignitaire de l’Église de France et un symbole de la crise face à la pédophilie, va remettre sa démission au pape après sa condamnation jeudi à six mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé les agressions sexuelles commises par un prêtre de son diocèse, une onde de choc qui se propage déjà à toute l’Église.

«J’ai décidé d’aller voir le Saint Père pour lui remettre ma démission. Il me recevra dans quelques jours», a annoncé à la presse l’archevêque de Lyon, le visage grave, après avoir affirmé «prendre acte de la décision du tribunal», dont il va faire appel.

La présidente du tribunal Brigitte Vernay l’a déclaré «coupable» de ses silences sur les agressions pédophiles commises sur des scouts avant 1991 par le père Bernard Preynat, dont il fut prévenu par une victime en 2014.

Mgr Philippe Barbarin, 68 ans, est le plus haut prélat de l’Église catholique en France. Cardinal, il est l’archevêque de Lyon, qui fut le premier siège épiscopal de France, et «primat des Gaules», un titre datant du XIe siècle. Avant lui, deux évêques avaient été condamnés en France pour des faits similaires, en 2001 et 2018.

La condamnation des silences du cardinal intervient après un sommet inédit, fin février, de la hiérarchie de l’Église catholique à Rome, où le pape François a promis «une lutte à tous les niveaux» contre la pédophilie. Les révélations de scandales se multiplient dans le monde: en Australie, le cardinal George Pell, un des plus proches conseillers du pape, a été condamné pour viol sur mineur, et aux États-Unis, l’ex-cardinal Theodore McCarrick a été défroqué mi-février après des accusations d’agressions sexuelles.

Le jugement reproche au cardinal Barbarin d’avoir «fait le choix en conscience» de ne rien dire aux autorités judiciaires «pour préserver l’institution à laquelle il appartient». «En voulant éviter le scandale (…) Philippe Barbarin a préféré prendre le risque d’empêcher la découverte de très nombreuses victimes d’abus sexuels par la justice, et d’interdire l’expression de leur douleur».

Ses avocats ont immédiatement annoncé qu’ils feraient appel. «La motivation du tribunal ne me convainc pas», a expliqué Jean-Félix Luciani, en relevant qu’il «était difficile pour le tribunal de résister à une telle pression avec des documentaires, un film (sur cette affaire)… Ça pose de vraies questions sur le respect de la justice».

A l’audience, la procureure Charlotte Trabut n’avait pas requis de peine à l’encontre de Mgr Barbarin et de cinq anciens membres du diocèse poursuivis avec lui, conformément à la décision initiale du parquet de classer l’affaire.

Les autres prévenus n’ont pas été condamnés, le tribunal considérant que les faits n’étaient pas constitués pour quatre d’entre eux et prescrits pour le dernier.

«L’Église n’est plus une forteresse. C’est devenu une institution comme les autres», avec «des responsabilités», a réagi jeudi Jean-Pierre Denis, rédacteur en chef de l’hebdomadaire catholique La Vie. Selon lui, «l’institution épiscopale est complètement à terre» et l’Église paie «une facture lourde», celle «d’un énorme de retard de 20 ans» sur la gestion des affaires de pédophilie.

«Quelque chose d’important se passe», «l’étau se resserre», a pour sa part estimé Christine Pedotti, directrice de la publication Témoignage chrétien, qui avait appelé en septembre à la création en France d’une commission d’enquête parlementaire sur les crimes de pédophilie commis par le clergé.

Devant la cathédrale de Lyon, ville où subsiste une réelle ferveur catholique, Geneviève, 67 ans, passe avec sa fille et sa petite-fille et leur parle justement de l’affaire. «On a été vraiment choqué par ce qu’il (Barbarin, NDLR) a fait. Et puis il s’en référait toujours à Dieu. Mais il y a quand même des choses qui dépendent de la justice», estime-t-elle, interrogée par l’AFP.

«Il aurait dû dénoncer», affirme aussi une ex-enseignante de 73 ans. «Il y a des enfants qui ont besoin d’être secourus, protégés. Et si à 11H00 un enfant vient vous parler de ça, à 11H10 vous faites le signalement», poursuit-elle.

Mais pour Anaïs, 35 ans, venue prier à la cathédrale, «tout est bon pour salir l’Église, pour la casser. Alors que des affaires de pédophilie dans l’Éducation nationale, on sait bien que ça existe», lâche-t-elle.

François Devaux, cofondateur de l’association française de victimes «La Parole libérée» qui a soutenu la procédure, a lui salué «une grande victoire pour la protection de l’enfance». Quant à la démission annoncée de Mgr Barbarin, il juge qu’elle arrive «trop tard pour l’Eglise »: «la décision aurait dû être prise depuis très longtemps. C’est le pape qui aurait dû la prendre».

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