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Le Kazakhstan élit son président, des centaines de manifestants arrêtés

La police kazakhe arrête un manifestant lors d'une manifestation antigouvernementale lors de l'élection présidentielle à Nur-Sultan, capitale du Kazakhstan, le dimanche 9 juin 2019. Photo: AFP

Des centaines de manifestants d’opposition ont été arrêtés dimanche au Kazakhstan où se déroulait une élection présidentielle inédite, la première depuis que Noursoultan Nazarbaïev a démissionné en mars après trente ans de pouvoir. Les derniers bureaux de vote ont fermé à 15H00 GMT dans cet immense pays d’Asie centrale et le taux de participation est de 77 %, selon la commission électorale centrale. Le successeur désigné de Noursoultan Nazarbaïev, le président par intérim Kassym-Jomart Tokaïev à été élu président avec plus de 70% des voix.

Mais ce scrutin a été marqué par les plus importantes manifestations que cette ancienne république soviétique ait connues en trois ans, les protestataires ayant appelé au boycottage de ce qu’ils dénoncent comme une élection truquée.

Dans les deux principales villes kazakhes, la capitale Nur-Sultan et Almaty, des journalistes de l’AFP ont été témoins de plusieurs centaines d’arrestations. Un correspondant de l’AFP a été conduit à un poste de police avant d’être libéré tandis qu’un reporter vidéo de l’AFP a vu ses équipements confisqués.

« Environ 500 personnes ont été transférées dans les commissariats de police de Nur-Sultan et d’Almaty », a déclaré à la presse le vice-ministre de l’Intérieur Marat Kojaïev, qui en a rejeté la faute sur des « éléments radicaux » ayant organisé des « manifestations non autorisées ».

Deux journalistes de Radio Free Europe/Radio Liberty, un média financé par les États-Unis, ont notamment été brièvement détenus par la police à Almaty (sud) et Nur-Sultan, où un représentant de l’ONG Comité d’Helsinki a subi le même sort.

« Honte ! Honte ! Honte ! » ou encore « La police de notre côté ! », criaient certains manifestants à Almaty avant que les forces de l’ordre ne dispersent le rassemblement. Depuis la démission de Noursoultan Nazarbaïev, le Kazakhstan est traversé par une agitation sociale rare qui a provoqué un raidissement des autorités. L’opposant le plus virulent au régime, l’ancien banquier en exil Moukhtar Abliazov, avait appelé à des manifestations dimanche.

Kassym-Jomart Tokaïev, 66 ans, a reçu le soutien du parti au pouvoir et de Noursoultan Nazarbaïev, qui conserve des fonctions de premier plan en dépit de sa démission. Une des premières décisions de M. Tokaïev a en outre été de renommer la capitale, Astana, en « Nur-Sultan », du nom de son prédécesseur.

Cet ancien diplomate de carrière a occupé de nombreux postes au sommet de l’État, de premier ministre à ministre des Affaires étrangères et président du Sénat, le poste qu’il occupait quand Noursoultan Nazarbaïev a annoncé son départ. Interrogé sur les manifestations en cours, M. Tokaïev a assuré qu’il avait demandé à la police de « faire preuve de retenue » tout en précisant que les violations de la loi « ne seraient pas tolérées ».

« Je pense qu’en trente ans, nous avons eu quelques succès. Il y a eu du négatif aussi, mais ça existe dans tous les pays », a déclaré à l’AFP Marat Sagyndykov, un retraité de 65 ans affirmant qu’il allait voter « pour poursuivre le chemin du Leader de la Nation », le titre officiel de Noursoultan Nazarbaïev. En revanche, Aslan Sagoutdinov, un blogueur brièvement arrêté le mois dernier pour avoir brandi une pancarte sans texte en signe de protestation ironique, a affirmé qu’il ne comptait pas participer au scrutin. « Si on vote dans une élection injuste, on leur permet de prétendre qu’elle a été juste », a-t-il expliqué par courriel à l’AFP.

Il sera en tout cas difficile pour M. Tokaïev de faire aussi bien que l’ancien président kazakh, élu une première fois en 1991 puis réélu à quatre reprises avec des scores dépassant les 80 %. En 2015, dans un contexte de difficultés économiques, Noursoultan Nazarbaïev avait obtenu 98 % des voix pour un taux de participation de 95 %. Ces élections n’ont jamais été reconnues comme libres et justes par les observateurs internationaux et il est probable qu’il en sera de même pour celle-ci.

Et le départ officiel de l’ex-chef de l’État ne signifie pas qu’il quitte totalement le pouvoir, dans ce pays d’Asie centrale riche en hydrocarbures, puisqu’il reste notamment à la tête du Conseil de sécurité. Dans un communiqué diffusé avant l’élection, l’ONG Human Right Watch (HRW) a estimé que l’idée d’une transition politique était « une illusion », dénonçant les « rafles » de manifestants et l’interruption « routinière des protestations pacifiques ».

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