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Bientôt la fin de l’Union européenne?

Photo: Getty Images/iStockphoto

Depuis une dizaine d’années, l’Union européenne traverse une crise profonde, qui s’est accentuée avec le Brexit. Une telle conjoncture interroge la survie même de l’institution. À quoi peut-on s’attendre? Métro a mené l’enquête.

Un référendum tenu en 2016, à l’occasion duquel 51,9 % des votants se sont exprimés en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE), a révélé une division parmi les pays membres et généré de sérieux doutes sur l’avenir de l’UE. Bien que le processus du Brexit ne soit pas encore achevé, l’idée d’une possible fin de l’UE ne cesse de gagner du terrain.

D’après un sondage du centre de recherche et d’influence Conseil européen des relations internationales (ECFR), plus de la moitié des Européens croient qu’il est probable que l’UE s’effondrera d’ici une génération. L’étude a révélé qu’une majorité des participants français, allemands, italiens, néerlandais, autrichiens, slovaques, roumains, grecs, tchèques et polonais pensent que la désintégration de l’UE est une «possibilité réaliste» dans les 10 à 20 prochaines années.

Plusieurs réponses fournies par les personnes interrogées sont encore plus inquiétantes, puisque celles-ci craignent la possibilité d’un conflit majeur, voire armé, entre les États membres. Trois personnes sur dix estiment qu’un tel affrontement est probable. Plus du tiers des participants français et polonais affirment même qu’une guerre pourrait se déclarer. L’étude dit aussi que de telles croyances sont fréquentes parmi ceux qui avaient prévu s’abstenir ou voter pour les extrêmes lors des élections européennes de mai dernier.

«La chute de l’Union européenne pourrait catapulter­ l’Europe dans les années 1920, la ramener au nationalisme­ économique, mais aussi au nationalisme politique.» Josef Janning, politologue et directeur du bureau de l’ECFR à Berlin

Ce point de vue fataliste de la disparition de l’UE n’est cependant pas partagé par les experts. Josef Janning, politologue et directeur du bureau de l’ECFR à Berlin, assure que l’UE demeure forte et stable. Il souligne d’ailleurs que le Brexit, à l’inverse de ce qu’une majorité de personnes pensent, a renforcé la cohésion entre les nations du vieux continent.

«Dans l’ensemble, cela a consolidé la cohésion, augmentant même le niveau d’opinions favorables à l’UE dans de nombreux pays membres», a expliqué
M. Janning à Métro.

Selon les experts, et bien que l’UE reste unie, cette décennie a été difficile. Pendant cette période, l’UE a subi de plein fouet la crise économique mondiale qui a commencé en 2009. Il y a également eu des avancées significatives en ce qui concerne les répercussions du changement climatique et de la crise migratoire, notamment. Celle-ci est indubitablement une des problématiques les plus complexes auxquelles l’UE doit faire face aujourd’hui.

Josef Janning considère que les défis se rapportant à la cohésion des pays membres tendent généralement vers une approche coûts-bénéfices de l’appartenance à l’UE, ce qui favorise seulement les calculs à court terme des bénéfices tangibles sur les avantages généraux. Tout comme la vague populiste qui s’abat sur l’Europe et qui a gagné du terrain avec les idées nationalistes qui opposent les États membres.

Étant donné la façon dont l’UE est actuellement formée et la place importante de chaque pays qui la façonne, la désintégration de l’institution pourrait mener au chaos, à des crises sociales, économiques et politiques majeures et même à des revers historiques.

«La chute de l’UE pourrait catapulter l’Europe dans les années 1920, la ramener au nationalisme économique, mais aussi au nationalisme politique», conclut M. Janning.

Plus de 64 % du commerce européen se fait entre les pays membres, qui composent seulement 6,9 % de la population mondiale. Le commerce européen avec le reste du monde ne totalise que 15,6 % des importations et des exportations mondiales.


Josef Janning, politologue et directeur du bureau de l’ECFR à Berlin

La cohésion de l’Union européenne est-elle forte?
Après une dizaine d’années de crise, nous trouvons que le niveau de cohésion est, dans l’ensemble, remarquablement stable. Nous observons même une légère hausse quand nous prenons le résultat des États membres dans leur ensemble, et ce, même si la dernière décennie a été très dure pour plusieurs pays de l’UE. La cohésion a baissé dans les pays du sud de l’Europe à cause de la crise financière, dont ils se remettent progressivement depuis 2014. La crise migratoire a ensuite été un second coup dur dans le sud et l’est.

Quel a été l’impact du Brexit?
Le processus des négociations a mis à l’épreuve l’unité des différents gouvernements de l’UE, et le fait qu’ils ne se soient pas divisés a renforcé leur approche commune. Que cette unité se perpétue si le Royaume-Uni quitte l’UE sans accord est une autre question. Dans ce cas, les coûts et les conséquen-ces d’un no deal seront disproportionnés dans certains États membres.

Que pourrait-il se passer si l’UE s’effondrait?
Le marché commun et les libertés, qui sont ses fondements, se désagrégeraient. L’euro en tant que devise s’effondrerait et ne survivrait que pour un petit nombre de pays. Devant la décomposition de l’UE, il faudrait vite rétablir une nouvelle union, probablement en comité restreint et sans difficulté politique majeure. Dans un monde dominé par le pouvoir, les Européens ne voudraient pas être considérés simplement comme des sujets parmi d’autres dans les relations
internationales.

Selon un sondage, les Européens croient que la fin de l’UE arrivera dans les prochaines années. Est-ce possible?
Je ne pense pas que cela soit réaliste. Les dirigeants européens sont très occupés à maintenir l’UE soudée et à proposer des solutions aux problèmes d’immigration, à la sécurité intérieure et extérieure, à la prospérité économique et à la justice sociale. Aucune de ces problématiques ne peut être résolue par les pays seuls, mais une réponse européenne commune n’est pas en vue pour le moment.

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