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Brexit: des tensions alimentées par des fuites très organisées

Brexit
Le premier ministre britannique Boris Johnson Photo: Charles McQuillan/Getty Images
Métro - Agence France-Presse

En pleine montée de tensions entre Londres et Bruxelles sur le Brexit, le premier ministre britannique Boris Johnson est accusé de mettre de l’huile sur le feu en tenant un double discours entretenu par des fuites très organisées à visées électorales.

Selon la ligne officielle, le dirigeant conservateur déploie tous ses efforts pour que le Royaume-Uni quitte le bloc européen au 31 octobre avec un accord, mais est prêt à un «no deal» si aucun compromis n’est trouvé sur la base de son plan envoyé la semaine dernière.

Mais à en croire les fuites distillées par ses services dans les médias, les négociations actuelles avec Bruxelles ne mènent nulle part en raison de l’intransigeance des Européens, Allemagne et Irlande en tête.

Déjà très tendue à l’approche de la date du Brexit, l’atmosphère a tourné à l’aigre à la suite de ces pseudo-confidences publiées en deux temps.

Acte un lundi soir sur le site du magazine The Spectator, plutôt conservateur et eurosceptique. Dans un long SMS très vindicatif, une source accusait le premier ministre irlandais Leo Varadkar de revenir sur de précédentes promesses sur la partie la plus difficile des négociations, la frontière irlandaise.

Rien à voir avec le ton bien plus conciliant adopté quelques heures plus tard dans le compte-rendu officiel d’un entretien téléphonique MM. Johnson et  Varadkar, assurant que les deux dirigeants avaient «réitéré avec force leur souhait de trouver un accord».

Le texte publié par The Spectator va jusqu’à menacer de représailles les pays qui chercheraient à l’empêcher de sortir de l’UE le 31 octobre comme il l’a promis, s’attirant des critiques au sein même du gouvernement.

Beaucoup y ont vu la plume du controversé conseiller spécial de Boris Johnson, Dominic Cummings, et cerveau de la victoire du «Leave» lors du référendum sur le Brexit en 2016.

Acte deux mardi après un coup de téléphone visiblement difficile entre le premier ministre britannique et Angela Merkel. Le compte-rendu livré par des sources anonymes à plusieurs médias britanniques semble briser le protocole diplomatique en dévoilant les propos de la chancelière allemande, accusée d’avoir durci sa position, rendant la conclusion d’un accord «pratiquement impossible».

Les services de Mme Merkel ont insisté sur le fait que sa position n’avait pas changé, tandis que des diplomates européens ont souligné le contraste entre l’approche transparente de l’UE et celle, bien gardée, de Londres.

Le président du Conseil européen Donald Tusk, connu pour son franc-parler, a accusé Boris Johnson de jouer un «stupide jeu de reproches» menaçant «l’avenir de l’Europe».

Loin de dérapages de conseillers isolés, ces fuites ont été commentées comme entrant dans un plan très réfléchi face à la perspective de plus en plus probable d’un échec des négociations en cours à Bruxelles. Et des élections anticipées qui s’annoncent dans la foulée au Royaume-Uni.

Faute d’accord le 19 octobre, Boris Johnson serait contraint de demander aux 27 dirigeants européens un report, en vertu d’une loi adoptée par les députés britanniques le mois dernier. Il a à plusieurs reprises écarté de solliciter un nouveau délai sans jamais expliquer comment il comptait contourner la loi.

Avec un scrutin anticipé considéré par toute la classe politique comme inévitable dans les mois à venir, il aurait à s’en justifier auprès d’électeurs mécontents, tâche qui serait plus facile pour lui si les responsabilités sont ailleurs.

«Certains au Royaume-Uni ont l’air de faire passer les préparatifs d’élections législatives avant la recherche d’un accord», a déploré le chef de la diplomatie irlandaise, Simon Coveney.

Une source à Downing Street a assuré à l’AFP que le durcissement exercé par ces fuites s’inscrivait dans une «stratégie délibérée» pour avertir les dirigeants européens qu’espérer un assouplissement de la position de M. Johnson serait «une grave erreur de lecture de la politique britannique».

Mais selon Charles Grant, directeur du Center for European Reform, cette agressivité de ton est une erreur.

«Ce genre de vaines menaces ne permet pas d’obtenir ce que vous voulez» avec l’UE, estime-t-il, critiquant particulièrement l’avertissement aux pays qui approuveraient un report du Brexit que leur coopération avec le Royaume-Uni, notamment en termes de sécurité, en serait affectée.

 

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